14 avril 2022
Plutôt que de mettre hors tension ses équipements pour procéder à des réparations pérennes, EDF préfère laisser perdurer des fuites dans l’environnement. Même lorsqu’il s’agit de SF6 (Hexafluorure de souffre), un gaz utilisé comme isolant électrique qui, une fois à l’air libre, devient le plus puissant des gaz à effet de serre. La centrale de Flamanville (Normandie) dépasse ainsi pour la 3ème année consécutive, le seuil maximal autorisé à l’année, en seulement 4 mois.
Le pouvoir réchauffant global de l’hexafluorure de soufre (SF6) est équivalent, sur une centaine d’année, à plus de 23 000 fois celui du CO2. Qui plus est, ce gaz est extrêmement stable, il met plus de 3 000 ans à se dégrader. Chaque kilo émis reste donc dans l’atmosphère et participe activement à l’effet de serre (pour en savoir plus, voir l’article de Bernard Laponche Certains gaz à effet de serre des centrales nucléaires, octobre 2020, Global Chance).
Malgré son impact avéré sur l’environnement, EDF n’est tenu que depuis peu de surveiller ses fuites de SF6 et de les déclarer aux autorités [1] Celles-ci ont fixé une limite maximale à ne pas dépasser pour chacune des 18 centrales nucléaires en fonctionnement : 100 kg/an rejetées dans l’environnement. Sur quelle base a été fixé ce seuil, quelle étude d’impact environnemental justifie cette valeur ? On ne le sait pas. On sait juste que 100 kg/an, c’est aussi la limite fixée pour les fuites de fluides frigorigènes, les liquides de refroidissement dont les centrales nucléaires sont de grandes consommatrices et dont les fuites sont régulièrement largement supérieures au quota maximal (en 2021, la centrale de Flamanville a rejeté dans l’air plus de 4 fois la quantité maximale autorisée). Eux aussi une fois à l’air libre se transforment en gaz à effet de serre. Au pouvoir réchauffant bien plus impactant que le CO2, mais bien en deçà de celui du SF6. Pourquoi des seuils similaires fixés par les autorités alors que l’impact sur l’environnement est différent ?
Décroissance et pouvoir de réchauffement global du méthane (CH4) et de plusieurs types de fluides frigorigènes en comparaison au dioxyde de carbone (CO2) :
Par exemple, 1 kg de fluide de type HFC-134a vaut 3710 kgeqCO2 à l’horizon de 20 ans.
Décroissance et pouvoir de réchauffement global du SF6 :
(Source : Certains gaz à effet de serre des centrales nucléaires, Bernard Laponche, octobre 2020, Global Chance)
Cette limite, même fixée trop haute par rapport aux enjeux climatiques actuels, a le mérite d’exister pourrait-on dire. Elle existe certes, mais, tout comme celle fixée pour les fuites de liquides de refroidissement, elle est régulièrement dépassée par les centrales d’EDF. C’est d’ailleurs la troisième année de suite que le site de Flamanville rejette dans l’environnement plus de SF6 que ce qui lui est autorisé : déjà en 2020, puis en 2021, le site nucléaire avait dépassé la limite réglementaire. Tout ce qu’il lui en a coûté, c’est une brève déclaration aux autorités.
Dans un communiqué discrètement publié le 14 avril 2022 sur le site internet de la centrale normande, EDF met en avant un programme déployé depuis 2019 pour réduire ces fuites de SF6 délétères pour l’environnement. Étant donné que c’est la 3ème année consécutive que l’exploitant est incapable de respecter la limite - déjà trop haute - des 100 kg, on se demande ce que vaut ce plan d’action en vigueur depuis 3 ans. EDF nous dit qu’en parallèle, des remplacements sont prévus sur les équipements qui fuitent. Mais il faut pour cela que la centrale soit totalement à l’arrêt. Ces remplacements ne seront donc effectués que sur plusieurs années, et la totalité des équipements fuyards ne sera remplacée qu’en 2024. Combien de kilos de SF6 seront d’ici là lâchés dans l’atmosphère ? Alors que chaque gramme de ce gaz produira son effet réchauffant pour plus de 3 000 ans, EDF prend des années pour réagir.
Alors que l’urgence climatique voudrait une action immédiate, EDF se montre très clair sur ses priorités : pour l’industriel, ce qui compte ce n’est pas la préservation du climat, c’est avant la production d’électricité. Quoiqu’il en coûte à la planète.
Déclaration d’un événement significatif environnement
Publié le 14/04/2022
Evénement environnement
Le gaz Hexafluorure de soufre (SF6) est utilisé pour garantir l’isolement électrique des équipements haute tension. Sur le site de Flamanville, le gaz SF6 est utilisé comme isolant pour les postes d’évacuation d’énergie et les postes d’alimentation des transformateurs auxiliaires.
Le 6 avril 2022, la quantité annuelle cumulée d’émissions de gaz SF6 a atteint 106,16kg, dépassant le seuil de déclaration de 100kg. La direction de la centrale de Flamanville 1-2 a déclaré un évènement significatif environnement le 13 avril 2022 à l’Autorité de sûreté nucléaire.
Le site a déployé depuis 2019 un plan d’actions afin de résorber ces émissions. Plus de 20 dispositifs de collecte de fuite ont été mis en place sur le site depuis 2019. En parallèle, le remplacement de certains matériels a démarré sur les arrêts pour maintenance programmés en 2022, et est planifié sur chacune des visites partielles programmées à minima sur 2023 et 2024. Ces opérations de colmatage ou de remplacement de matériel ne peuvent se faire qu’en situation de mise hors tension totale de l’installation, ce qui explique qu’on ne puisse solder en totalité et sur une durée courte la réalisation de l’ensemble de ces opérations.
[1] Ce n’est que depuis 2018 que les émissions de SF6 font l’objet de déclarations d’évènements significatifs pour l’environnement. Voir notre article en ligne ici ainsi que l’avis de l’IRSN n°2018-00055 du 2 mars 2018.
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