27 juillet 2023
Le réacteur 1 de la centrale nucléaire de Cruas (Ardèche) est à l’arrêt depuis fin mai 2023 [1]. Des milliers d’opérations de contrôle et de maintenance et 80 entreprises sous-traitantes annonce EDF. Mais la qualité et la sécurité d’intervention ne va pas de soi.
Ce n’est pas par l’industriel mais par la presse que le public sera informé, et pourtant l’incident n’est pas minime. Le média de la vie locale Ici, par France Bleue et France 3, a publié l’information jeudi 27 juillet 2023. La veille, dans la nuit, le système qui permet de lever les équipements dans le bâtiment réacteur, en l’occurrence un moteur, a lâché. Le moteur, la potence et le câble sont tombés et ont fait un blessé. Pour des raisons encore inconnues, le moteur a été descendu trop rapidement, puis un blocage a généré un choc qui a fait céder la potence fixée au pont polaire. Celle-ci est tombée dans la piscine du réacteur (heureusement vide) côté cuve et s’est accrochée dans des cordes. Le moteur lui a rebondi sur un équipement et a fini sa course sur la trappe permettant d’accéder à des systèmes électriques. On ne sait rien des dégâts occasionnés. Plusieurs jours après, EDF n’a toujours pas communiqué sur le site de la centrale nucléaire de Cruas-Meysse.
Les bâtiments qui abritent les réacteurs nucléaire font dans les 60 mètres de haut. À leur sommet, il y a ce qu’on appelle un pont polaire (voir la photo dans l’article d’Ici), un engin de manutention qui permet de soulever et de déplacer de gros équipements dans le bâtiment. C’est lui qui est utilisé par exemple lorsqu’il faut remplacer les générateurs de vapeur [2] (des équipement de plus de 400 tonnes et de 22 mètres de haut). Dans le bâtiment réacteur, comme son nom l’indique, il y a le cœur du réacteur nucléaire proprement dit, c’est à dire la cuve où se produit la réaction nucléaire, le combustible, les générateurs de vapeurs, les pompes qui font circuler le liquide de refroidissement etc. Des équipements de la plus haute importance. La cuve était heureusement vide, le réacteur étant déchargé durant les interventions de maintenance. Ce qui permet à EDF d’annoncer que l’accident n’a eu "aucun impact sur la sûreté" [3] . Aucun impact immédiat sur la sûreté peut-être, mais il y a des conséquences humaines puisque une personne a été blessée. Et l’accident aura forcément des conséquences matérielles et financières.
On ne sait pas de quelle hauteur le moteur du pont polaire est tombé ni le poids des équipements, mais nul doute qu’il y aura eu des dégâts dans la bâtiment réacteur occasionnés par le choc. L’Autorité de sûreté nucléaire est venue sur place le lendemain de l’accident. Elle mentionne l’obsolescence du pont polaire et précise attendre "dans les meilleurs délais" un inventaire des dégradations occasionnées par l’accident et des remises en états nécessaires. Espérons que les vérifications des différents matériels présents dans le bâtiment réacteur seront menées avec plus de précautions et de qualité que les opérations de remplacement du moteur.
Centrale nucléaire de Cruas : chute d’un moteur, pas d’impact sur la sûreté du réacteur
Le moteur d’un pont de manutention est tombé, ce jeudi 27 juillet, à la centrale nucléaire de Cruas-Meysse, en Ardèche. L’incident a eu lieu sous le dôme du bâtiment réacteur, sans impact sur la sûreté du réacteur, précise EDF. (...)
Extrait du rapport de l’inspection n° INSSN-LYO-2023-0920 conduite le 27/07/2023 à la centrale de Cruas-Meysse :
L’inspection en objet concernait le thème « R.6.4 Autres agressions – Chute de charges » et faisait suite à l’événement survenu sur le réacteur 1, le 26 juillet 2023, au cours de la modification PNPP1126 relative à l’obsolescence et à la réfection totale du pont polaire. Cet événement a occasionné la chute d’un moteur du pont polaire et de la potence de levage prévue pour cette activité.
Au vu de l’examen des inspecteurs, cet événement est apparu sans impact immédiat sur la sûreté du réacteur, celui-ci étant complètement déchargé et son combustible entreposé en piscine d’entreposage, au moment de l’événement.
L’ASN attend néanmoins, dans les meilleurs délais, un inventaire des dégâts occasionnés par cet événement ainsi que les actions de remise en état prévues. L’indisponibilité de la machine de mise en dépression du circuit primaire (MED CP) devra faire l’objet d’une attention particulière pour la suite de l’arrêt.
DESCRIPTION DE L’EVENEMENT
La modification PNPP1126 est relative à l’obsolescence et à la réfection totale du pont polaire. Cette modification consiste notamment à remplacer les moteurs et le contrôle commande du pont polaire. Cette modification était en cours de déploiement, le 26 juillet 2023, sur le réacteur 1 du site de Cruas.
En soirée, lors de la descente d’un moteur remplacé à l’aide d’une potence fixée sur le pont polaire, un événement dont les causes restent à déterminer, a provoqué la descente trop rapide du moteur, puis son blocage, occasionnant un choc dynamique qui a provoqué la destruction du pied de la potence de levage et la chute de cette dernière. Le moteur a rebondi sur la MED CP et a terminé sa course sur une trappe d’accès à des équipements électriques des systèmes RIC et RGL. La potence est, pour sa part, tombée dans la piscine, vide, du bâtiment réacteur (BR), côté cuve, et elle est resté suspendue aux diverses cordes utilisées pour le levage et le guidage.
Considérant l’état du réacteur au moment de l’événement, réacteur complètement déchargé (RCD), celui-ci n’a pas eu d’impact immédiat sur la sûreté du réacteur. Toutefois, les inspecteurs ont constaté que le moteur et la potence avait chuté et rebondi sur des équipements importants pour la protection du réacteur, qui devront être remis en état avant son redémarrage.
(...)
https://www.asn.fr/content/download/191321/download_file/INSSN-LYO-2023-0920.pdf
Télécharger l’intégralité du rapport d’inspection :
[1] Les équipes de la centrale nucléaire EDF de Cruas-Meysse ont procédé à la mise à l’arrêt de l’unité de production n°1 samedi 20 mai 2023 à 00h30. Cet arrêt programmé pour visite partielle, le premier de l’année, fait partie du cycle d’exploitation classique de la centrale et permettra de renouveler une partie du combustible et de réaliser près de 10 000 activités de contrôle et de maintenance.
En complément des 1 800 salariés permanents de la centrale, plus de 80 entreprises partenaires seront mobilisées durant cet arrêt.
Les trois autres unités de production sont en fonctionnement et contribuent à l’alimentation du réseau électrique national. https://www.edf.fr/la-centrale-nucleaire-de-cruas-meysse/les-actualites-de-la-centrale-nucleaire-de-cruas-meysse/arret-programme-de-lunite-de-production-ndeg1
[2] Un générateur de vapeur (GV) est un échangeur thermique entre l’eau du circuit primaire, portée à haute température (320 °C) et à pression élevée (155 bars) dans le cœur du réacteur, et l’eau du circuit secondaire qui se transforme en vapeur et alimente la turbine. Chaque générateur de vapeur comporte plusieurs milliers de tubes en forme de U, qui permettent les échanges de chaleur entre l’eau du circuit primaire et l’eau des circuits secondaires pour la production de la vapeur alimentant la turbine https://www.asn.fr/Lexique/G/Generateur-de-vapeur
[3] La sûreté nucléaire est l’ensemble des dispositions techniques et des mesures d’organisation relatives à la conception, à la construction, au fonctionnement, à l’arrêt et au démantèlement des installations nucléaires de base, ainsi qu’au transport des substances radioactives, prises en vue de prévenir les accidents ou d’en limiter les effets. https://www.asn.fr/Lexique/S/Surete-nucleaire
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