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Des accidents nucléaires partout

France : Creys-Malville : Des eaux usées dans la nature

La lenteur d’EDF à réagir cause des atteintes à l’environnement




2 juillet 2021


Printemps 2021, EDF constate que le niveau du bassin collectant les eaux usées du site nucléaire de Creys-Malville (Rhône) baisse. Aucune fuite n’étant visible, l’industriel laisse s’écouler une semaine. Le niveau baisse toujours. Il lance alors des investigations : le revêtement du bassin n’est plus étanche, pour cause de vétusté.


Les eaux usées du site se sont donc écoulées dans l’environnement. Par infiltration dans les sols, dans les eaux de surface par ruissellement et si une nappe phréatique se trouve en dessous, elle n’aura pas été épargnée. En raison du manque d’entretien et de surveillance des équipements. Depuis combien de temps le bassin n’est plus étanche ? Quelles quantités d’eaux usées ont fuité ? Quelle substances contenaient-elles ? À quelles concentrations ? Quel impact pour le milieu naturel ? Le communiqué de l’exploitant ne donne aucun détail. EDF précise toutefois qu’une surveillance a été mise en place et que les eaux récoltées dans ce bassin de décantation ne contenaient aucune radioactivité.

En effet les stations d’épuration des sites nucléaires ne traitent que les eaux usées par les usages domestiques (cuisine, WC, lessivages de locaux etc.). Pourtant, de la radioactivité a été retrouvée dans les boues qui résultent du traitement des eaux usées domestiques des centrales nucléaires de Paluel, Penly et Flamanville (Normandie). Sans que l’industriel ne puisse expliquer comment du cobalt 60 [1] a pu se retrouver dans une zone censée être exempte de toute radioactivité. Et ces boues, EDF les a envoyées vers des filières de déchets conventionnelles. Or en France, il n’y a pas de seuil minimum : tout ce qui contient des radioéléments, même en très petite quantité, doit être considéré comme déchet nucléaire et envoyé vers des filiales spécifiques. Ceci afin d’éviter une dispersion de radionucléides dans l’environnement. Mais évidemment, ces filières spécifiques coûtent plus chères.

Radioactivité ou pas, les stations d’épuration ont une raison d’être [2] : les eaux salies par les usages humains contiennent des substances chimiques et bactériologiques délétères pour le milieu naturel. Il est interdit de les rejeter telles quelles, il existe des seuils maximum à ne pas dépasser, elles doivent donc être traitées. Les concentrations de ces substances doivent ensuite être vérifiées et les seuils légaux respectés avant de rejeter ces eaux dans l’environnement. On est manifestement loin du compte à Creys-Malville.

D’autant que si le réacteur du site nucléaire est en démantèlement depuis plus de 20 ans, il reste encore beaucoup à faire, et beaucoup de monde sur place : 300 personnes [3]. Autant de personnes qui quotidiennement se lavent les mains, mangent, vont aux toilettes... On imagine aisément que les eaux sales du site, même salies par de basiques usages domestiques, sont effectivement bien chargées en particules organiques et autres polluants.

L’industriel exploitant le site nucléaire s’est montré non seulement lent à détecter le problème de fuites dans l’environnement - qui n’est certainement pas récent (une vétusté étant un phénomène de vieillissement) - mais aussi lent à prévenir les autorités. Plus d’un mois, c’est le temps qu’il aura fallu à EDF pour déclarer l’évènement significatif pour l’environnement. Manque de surveillance et d’entretien des équipements, manque de réactivité face à une fuite susceptible d’altérer l’environnement, communication minimale... Pour EDF, à Creys-Malville, la protection de l’environnement n’est manifestement pas la priorité.

Ce que dit EDF :

Déclaration d’un événement significatif environnement (ESE) concernant la station de traitement des eaux usées d’un bâtiment administratif du site de Creys-Malville

Publié le 16/04/2021

Le 10 mars 2021, les équipes du site de Creys-Malville mesurent un niveau bas dans le bassin qui contient et traite les eaux usées d’un bâtiment administratif, situé à l’entrée du site. Les eaux traitées par cet équipement sont des eaux sales domestiques, elles ne contiennent aucun effluent radioactif. Aucun écoulement en dehors de la station de traitement n’est constaté.

Le 17 mars, le niveau bas persiste. Des investigations sont menées puis une visite d’experts est réalisée. Les premières analyses concluent à une vétusté du matériel dont l’étanchéité n’est plus garantie. L’installation a été arrêtée, les travaux de remise en service sont lancés et une surveillance de l’environnement est réalisée.

L’événement a fait l’objet, le 15 avril 2021, d’un événement significatif environnement (ESE) déclaré par la Direction du site de Creys-Malville auprès de l’Autorité de sûreté nucléaire.

https://www.edf.fr/groupe-edf/produire-une-energie-respectueuse-du-climat/minisite-temporaire/la-centrale-nucleaire-de-creys-malville/les-actualites-de-la-centrale-nucleaire-de-creys-malville/declaration-d-un-evenement-significatif-environnement-ese-concernant-la-station-de


[1Le cobalt 60 (60Co) est un isotope radioactif du cobalt, un métal utilisé dans l’industrie. Le 60Co n’existe pas à l’état naturel, il est créé par les activités industrielles. Dans les centrales nucléaires, des phénomènes de corrosion-érosion entraînent des particules métalliques, qui deviennent radioactives lors de leur passage dans le flux neutronique du réacteur. Le cobalt 60 émet des rayons gamma, les plus pénétrants de tous, et reste radioactif plusieurs années (sa demie-vie est de plus de 5 ans) https://www.irsn.fr/FR/Larecherche/publications-documentation/fiches-radionucleides/environnement/Pages/Cobalt-60-environnement.aspx#.YMMdbzo6_Eo

[2Station d’épuration : Station de traitement des eaux usées des usagers (particuliers et industriels) raccordés au réseau d’assainissement et des eaux pluviales (dans le cas de réseaux non-séparatifs). La station rejette une eau épurée dans le milieu naturel qui doit être conforme aux valeurs limites définies par arrêté préfectoral. Les résidus de traitement sont récupérés sous forme de boues. https://www.actu-environnement.com/ae/dictionnaire_environnement/definition/station_d_epuration_urbaine.php4

[3Mise en service en 1986, la centrale de Creys-Malville, abrite Superphénix, le premier prototype de la filière des réacteurs à neutrons rapides refroidi au sodium. Arrêtée en 1997, la centrale est depuis en cours de déconstruction. Chaque jour, 300 salariés assurent les activités de démantèlement des installations. https://www.edf.fr/centrale-nucleaire-creys-malville


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Installation(s) concernée(s)

Creys-Malville

Nombre d'événements enregistrés dans notre base de données sur cette installation
12