1er août 2023
Fin juillet 2023, le réacteur 3 de la centrale de Chinon (Centre - Val de Loire) est en phase de redémarrage. À cette étape le bore, qui permet de maîtriser la réaction nucléaire, doit être finement dosé. Mais une erreur de configuration des circuits et un manque de surveillance d’EDF ont généré un incident.
Le communiqué de l’industriel n’en dit pas beaucoup. On ne sait donc pas ce qui est à l’origine de l’erreur de configuration des circuits. Ni pourquoi EDF a mis 9 heures à remettre les choses en ordre, un délai supérieur à celui imposé par les règles de l’Autorité de sûreté nucléaire. Mais le peu qui est révélé par l’exploitant nucléaire montre que les activités ne sont pas exécutées avec suffisamment de rigueur, que leurs éventuelles vérifications (si elles ont lieu) manquent de qualité, et que le réacteur nucléaire n’est pas assez surveillé.
Les arrêts et les redémarrages de réacteurs sont des phases délicates. Il s’agit de faire monter ou d’arrêter une réaction nucléaire en chaîne. Pour cela, il faut doser le bore [1] dans l’eau du circuit primaire [2] (dans laquelle baigne le combustible nucléaire) et ajuster la position des barres de commandes (qui descendent plus ou moins dans la cuve). Ce sont les 2 moyens dont dispose EDF pour contrôler la puissance de son réacteur nucléaire (car ils permettent de moduler les flux de neutrons en en absorbant plus ou moins). Que le bore ait été mal dosé lors du redémarrage est donc un incident sérieux, qui en dit long sur la profondeur des .manquements d’EDF. Qu’un exploitant nucléaire ne configure pas correctement ce qui lui permet de contrôler la réaction nucléaire qu’il vient de lancer, et mette plusieurs heures à s’en rendre compte...
Par bonheur (si l’on peut dire), l’erreur a été faite dans le bon sens : le bore était trop concentré, ce qui a pour effet de ralentir la réaction nucléaire. Mieux vaut ça que l’inverse : si le bore avait été en quantité trop faible, la réaction nucléaire serait montée trop vite en puissance. Mais ce que EDF ne dit pas, c’est que trop concentré le bore peut former des cristaux, boucher les circuits et endommager les tuyaux. Il devient alors impossible d’en injecter dans le cœur du réacteur. Quoiqu’il en soit, mal doser la concentration en bore est une erreur inacceptable de la part d’un exploitant nucléaire. Et dépasser les délai prescrits pour retrouver une concentration autorisée dénote d’un manque de surveillance et de réactivité, eux aussi inacceptables quand on est aux commandes d’un réacteur nucléaire. Mais EDF titrera sobrement sa déclaration d’accident comme un simple "non respect des spécifications techniques d’exploitation", occultant ainsi le fond du problème : son incompétence manifeste dans le démarrage de ce réacteur nucléaire.
L.B.
Déclaration d’un événement significatif pour la sûreté de niveau 1 relatif à un non-respect des spécifications techniques d’exploitation
Publié le 01/08/2023
Le 29 juillet, l’unité de production n°3 est à l’arrêt pour visite partielle dans le cadre de sa maintenance programmée. En phase de redémarrage du réacteur, une manœuvre d’exploitation (changement de la configuration de lignage) est réalisée sur le système alimentant en bore [3] l’eau du circuit primaire. A l’issue de cette activité, les opérateurs constatent un dépassement de la valeur maximale de la concentration en bore du circuit primaire requise au titre des spécifications techniques d’exploitation [4].
Les équipes de conduite ont immédiatement engagé les opérations d’exploitation permettant de recouvrer une valeur de concentration en bore conforme. A posteriori, le délai pour retrouver cette valeur a été de 9 heures, délai supérieur aux 8 heures prescrites par le référentiel, ce qui constitue un non-respect des spécifications techniques d’exploitation.
Cet événement n’a pas eu d’impact réel sur la sûreté de l’installation. La centrale nucléaire de Chinon a déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire le 31 juillet 2023 un événement significatif pour la sûreté au niveau 1 de l’échelle INES, qui en compte 7.
[1] Le bore, présent dans l’eau du circuit primaire sous forme d’acide borique dissous, permet de modérer, par sa capacité à absorber les neutrons, la réaction en chaîne. La concentration en bore est ajustée pendant le cycle en fonction de l’épuisement progressif du combustible en matériau fissile. https://www.asn.fr/lexique/b/Bore
[2] Le circuit primaire est un circuit fermé, contenant de l’eau sous pression. Cette eau s’échauffe dans la cuve du réacteur au contact des éléments combustibles. Dans les générateurs de vapeur, elle cède la chaleur acquise à l’eau du circuit secondaire pour produire la vapeur destinée à entraîner le groupe turboalternateur. Le circuit primaire permet de refroidir le combustible contenu dans la cuve du réacteur en cédant sa chaleur par l’intermédiaire des générateurs de vapeur lorsqu’il produit de l’électricité ou par l’intermédiaire du circuit de refroidissement à l’arrêt lorsqu’il est en cours de redémarrage après rechargement en combustible. La température du circuit primaire principal est encadrée par des limites afin de garantir le maintien dans un état sûr des installations en cas d’accident. https://www.asn.fr/Lexique/C/Circuit-primaire
[3] Le bore est un élément chimique ayant la propriété d’absorber les neutrons produits par la réaction nucléaire et permet donc de contribuer à son contrôle.
[4] Le pilotage d’un réacteur est régi par des spécifications techniques d’exploitation (STE) qui recueillent l’ensemble des règles à respecter pour la conduite des installations.