25 août 2023
Le réacteur 1 de la centrale nucléaire de Cattenom (Grand Est) est resté arrêté plusieurs mois pour de lourds travaux. Il fallait remplacer intégralement un circuit connecté au cœur du réacteur qui était fissuré par une forme particulière de corrosion et vérifier l’état de plusieurs soudures qui avaient été réparées dans le passé*. Mais le redémarrage fin août 2023 n’a pas été sans peine, EDF a cumulé les problèmes. Entre erreur de diagnostic et réparation à la va-vite, l’industriel n’a pas respecté les règles de sûreté puisqu’il a privé son réacteur nucléaire d’un groupe électrogène plusieurs jours durant. Pourtant l’industriel avait bien testé son équipement. Ce qui pose question non seulement sur la qualité de ses diagnostics techniques, mais aussi sur ses procédures d’essais et ses vérifications de bon fonctionnement.
(crédit photo : Alain Paris)
Un réacteur nucléaire est doté de plusieurs sources électriques de secours. Le but, un facteur clé de la sûreté [1] , est qu’il ne soit jamais privé de courant pour que les principaux systèmes - notamment le refroidissement - puissent toujours fonctionner. Les règles imposent que ces sources électriques (des groupes électrogènes à moteur diesel) soient totalement opérationnelles lorsque la réaction nucléaire est en cours. Avant de redémarrer ses réacteurs nucléaires, EDF doit donc vérifier le bon fonctionnement de ses diesels et les tester.
C’est justement à l’occasion d’un de ces essais le 17 août 2023 qu’un problème est constaté sur un groupe électrogène du réacteur 1 de Cattenom. Mais le réacteur est déjà en cours de redémarrage et la réaction nucléaire lancée. EDF doit donc interrompre la montée en puissance de son réacteur. L’industriel fait rapidement un diagnostic technique, intervient sur un disjoncteur et après un nouvel essai qui s’avère concluant, il relance son réacteur.
Mais le 21 août, un autre essai est réalisé et le même problème réapparaît : un tableau électrique ne fonctionne pas. Dans ces conditions impossible de considérer que le groupe électrogène puisse fonctionner. Cette fois EDF pousse un peu plus sa recherche et identifie que c’est une carte électronique qui est à l’origine du problème.
Pourquoi les différents essais réalisés avant n’aient pas permis d’identifier la défaillance de la carte électronique ? D’après EDF, c’est parce que "le défaut n’apparaissait pas systématiquement" lors des essais. À se demander si EDF fait suffisamment d’essais et s’ils sont suffisamment exigeants. Lorsqu’une panne n’est pas détectée malgré plusieurs essais, il y a de quoi se poser des questions sur la validité du protocole de test utilisé.
Le communiqué de l’industriel n’en dit pas grand chose, mais durant ce laps de temps où les diesels étaient requis mais que l’un ne fonctionnait en réalité pas vraiment à cause de sa carte électronique défaillante mais que EDF pensait le problème réparé, d’autres équipements subissaient eux aussi des avaries. Lesquels ? Mystère, EDF ne le dit pas. Ce cumul d’indisponibilités n’a pas été identifié par l’exploitant nucléaire. Alors que la situation imposait que le diesel soit remis en état de marche sous 24 heures, EDF n’a pas recoupé ses informations sur l’état de (dys)fonctionnement de ses différents équipements.
Erreur de diagnostic, réparation et essais à la va-vite et cumul de problèmes matériels non-identifiés ont conduit EDF a ne pas respecter les règles de sûreté. L’industriel a pris des risques avec une source électrique de secours dans une phase de redémarrage, étape particulièrement délicate. Un exploitant nucléaire est censé faire preuve d’une rigueur exemplaire dans la gestion, l’entretien et la surveillance de son installation. Ce qui n’a clairement pas été le cas. EDF était peut-être un peu trop pressé de redémarrer ?
L.B.
Détection tardive d’un non-respect des spécifications techniques d’exploitation
Publié le 25/08/2023
Evénement sûreté
La centrale nucléaire de Cattenom réalise actuellement de nombreuses activités liées au redémarrage de l’unité de production n°1, en arrêt pour maintenance programmée depuis fin mai. Ces activités consistent à faire de nombreux essais de qualification sur les matériels pour nous assurer qu’ils sont fonctionnels et ainsi garantir le respect de nos règles d’exploitation.
Le 17 août 2023, les équipes réalisent un essai périodique sur l’un des deux diesels de secours de l’unité de production n°1. Ce premier essai n’a pas été concluant : un disjoncteur n’a pas fonctionné. Un diagnostic et d’autres essais ont été engagés avec une première intervention consistant à resserrer une prise sur le disjoncteur : l’essai de fonctionnement étant satisfaisant, les opérations de redémarrage ont repris le 20 août 2023.
Le 21 août 2023, un nouvel essai de fonctionnement est réalisé sur le diesel et les équipes constatent le même défaut ayant pour conséquence le dysfonctionnement d’un tableau électrique. Les investigations sont alors approfondies permettant de conclure que le défaut provenait d’une carte électronique, défaut qui n’apparaissait pas de manière systématique lors des premiers essais.
Les actions de remise en état sont engagées et de nombreux tests de fonctionnement sont réalisés confirmant la pleine disponibilité du diesel.
L’indisponibilité du tableau électrique a diminué la fiabilité d’une des deux voies de secours mais d’autres sources électriques complémentaires étaient disponibles et opérationnelles.
Cependant, durant la période entre les deux dysfonctionnements, deux autres indisponibilités de matériels étaient en cours d’instruction par les équipes et lors d’un cumul de trois évènements, nos règles d’exploitation imposent une remise en conformité d’un premier matériel sous une heure.
Cette conduite à tenir n’a pas pu être respectée a posteriori puisque les équipes pensaient avoir traité le dysfonctionnement sur le tableau électrique.
Ainsi, en raison de la détection tardive d’un non-respect des spécificités d’exploitation, la centrale nucléaire de Cattenom a déclaré le jeudi 24 août 2023, un évènement significatif sûreté de niveau 1 sur l’échelle INES (qui compte 7 échelons) à l’Autorité de sûreté nucléaire.
Non-respect de la conduite à tenir prévue par les règles générales d’exploitation à la suite de la détection tardive de l’indisponibilité d’un groupe électrogène de secours du réacteur 1
Publié le 08/09/2023
Centrale nucléaire de Cattenom Réacteurs de 1300 MWe - EDF
Le 24 août 2023, l’exploitant de la centrale nucléaire de Cattenom a déclaré à l’ASN un événement significatif relatif au non-respect des règles générales d’exploitation du réacteur 1 faisant suite à l’indisponibilité d’un groupe électrogène de secours à moteur diesel.
Chaque réacteur est équipé de deux lignes extérieures d’alimentation électrique en provenance du réseau national, d’un diesel d’ultime secours installé suite à l’accident de Fukushima et de deux groupes électrogènes de secours à moteur diesel permettant de pallier la défaillance du réseau électrique. Ces deux groupes électrogènes peuvent assurer, chacun individuellement, l’alimentation électrique de l’ensemble des matériels nécessaires au maintien du réacteur dans un état sûr.
Le 17 août 2023, lors de la réalisation d’un essai périodique sur un diesel de secours dans le cadre du redémarrage du réacteur 1, un interrupteur ne se ferme pas et ne permet pas la reprise de l’alimentation électrique du réacteur par le diesel de secours testé. Le diagnostic réalisé ne révèle aucun défaut et ne conduit qu’à une action de resserrage d’une prise sur une armoire électrique. Après plusieurs essais, le diesel est déclaré disponible le 19 août.
Le 21 août 2023, lors de la réalisation d’un autre essai périodique sur le même diesel de secours, le phénomène réapparaît. Le diagnostic complémentaire mené identifie alors un défaut provenant d’une carte électronique, défaut qui n’avait pas été identifié lors du diagnostic initial.
Du fait de l’identification tardive du défaut, l’exploitant a considéré à tort ce groupe électrogène de secours comme disponible à partir du 19 août 2023, période pendant laquelle d’autres indisponibilités de matériels étaient présentes. Le cumul de ces indisponibilités a conduit l’exploitant à ne pas respecter les règles générales d’exploitation.
En l’absence de perte des alimentations électriques externes et de la disponibilité des autres sources électriques de secours, cet événement n’a pas eu de conséquence. Toutefois, en raison du non-respect des conditions d’exploitation, cet événement a été classé au niveau 1 de l’échelle INES (échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques, graduée de 0 à 7 par ordre croissant de gravité).
Dès l’identification du défaut le 21 août, l’exploitant a procédé aux travaux de réparation. L’ASN sera vigilante quant à l’analyse des causes ayant conduit au mauvais diagnostic et à l’absence de détection du défaut lors des essais réalisés suite à la première intervention.
* : Des fissures dues à de la corrosion sous contrainte ont été découvertes au cœur de plusieurs réacteurs nucléaires, dont le réacteur 1 de Cattenom. Ce réacteur a été arrêté en mai 2023 pour poursuivre les contrôles et les réparations que EDF n’avaient pas pu finaliser lors de son arrêt précédent. Il a été redémarré le 30 août 2023.
Durant cet arrêt pour maintenance programmée, les équipes de la centrale ont procédé au remplacement préventif complet des tuyauteries du circuit d’injection de sécurité du réacteur, et au contrôle des soudures réparées à la construction sur d’autres circuits, conformément à la stratégie d’EDF dans le cadre de l’affaire de corrosion sous contrainte. (Source : https://www.edf.fr/la-centrale-nucleaire-de-cattenom/les-actualites-de-la-centrale-nucleaire-de-cattenom/lunite-de-production-ndeg1-est-a-nouveau-connectee-au-reseau-delectricite)
[1] La sûreté nucléaire est l’ensemble des dispositions techniques et des mesures d’organisation relatives à la conception, à la construction, au fonctionnement, à l’arrêt et au démantèlement des installations nucléaires de base, ainsi qu’au transport des substances radioactives, prises en vue de prévenir les accidents ou d’en limiter les effets. https://www.asn.fr/Lexique/S/Surete-nucleaire