13 novembre 2017
Le réacteur 1 de la centrale de Belleville - placée sous surveillance renforcée - a connu un redémarrage chaotique après un arrêt rallongé. En cause : un bout de plastique découvert dans les tuyaux menant à un des générateurs de vapeurs et des opérations de redémarrages poursuivies malgré des contrôles incomplets. L’avis de l’ASN nous apporte une meilleure compréhension de l’ensemble des évènements qui ont conduit à un régime de fonctionnement non autorisé du circuit secondaire et à l’absence de vérifications supplémentaires qui étaient pourtant nécessaires.
La centrale nucléaire de Belleville est placée sous surveillance renforcée par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) depuis septembre 2017 [1]. Dégradation du niveau de sûreté depuis 2016 et absence d’améliorations notables, augmentation du nombre d’évènements significatifs, défaut de surveillance dans la conduite des réacteurs, défaillances de l’exploitant dans l’identification et l’analyse des conséquences des anomalies affectant certains équipements importants pour la sûreté, dégradation de la réactivité et de la qualité de ses réponses... L’ASN ne manque en effet pas de raisons de regarder de près ce qui se passe dans cette centrale. L’état apparent dégradé de certains matériels est d’ailleurs un des motifs de cette mise sous surveillance renforcée. Et pour cause, la centrale est concernée par les défauts d’ancrages des groupes électrogènes de secours (avec risque de perte d’alimentation électrique en cas de séisme), et par les défauts des tuyauteries des stations de pompage (avec risque de perte de source de refroidissement), ces 2 évènements relevant du niveau 2. La centrale de Belleville était d’ailleurs la première concernée par les problèmes de tuyauteries, celles-ci étant tellement rongées par la rouille qu’elles ne résisteront pas en cas de séisme, tant leur épaisseur s’est amoindrie du fait du manque d’entretien.
Le réacteur 1 de la centrale a été arrêté le 28 mai 2017 pour le renouvellement de son combustible, la réalisation de contrôles et d’essais périodiques de matériels ainsi que des travaux de maintenance. Il a été reconnecté au réseau 6 mois plus tard, le 25 octobre. Un peu long pour un arrêt. Et pour cause puisqu’on apprend à l’occasion de la communication de l’exploitant sur la reconnexion au réseau [2] que le redémarrage a été quelque peu retardé par la découverte d’un morceau de caoutchouc resté dans un circuit. Le réacteur 1 a de nouveau été arrêté quelques jours après, le 8 novembre pour permettre un contrôle visuel des tuyauteries qui conduisent l’eau du circuit secondaire [3] à l’un des générateurs de vapeurs [4].
Le réacteur 1 a finalement redémarré pour de bon le 11 novembre [5]. Et c’est le 13 novembre que l’exploitant nous informe que des pressions trop importantes ont été constatées dans le circuit secondaire dès le 9 octobre lors des opérations de redémarrage. Des contrôles ont certes été effectués, mais pas l’ensemble de ceux prescrits par les règles d’exploitation et les opérations de redémarrages ont été poursuivies malgré tout. D’autres contrôles auraient dus être effectués avant le redémarrage du 25 octobre, c’est pourquoi le réacteur a été arrêté une seconde fois quelques jours après, le 8 novembre. Un arrêt très très long, un redémarrage qui se fait au mépris des règles et qui est classé comme incident significatif pour la sûreté de niveau 1, et aucune explication sur la présence ni la provenance de ce bout de plastique dans le circuit fermé menant directement au générateur de vapeur [6], telles sont les manières de faire de l’exploitant du parc nucléaire français.
L.B.
Le 13/11/17
Déclaration d’un événement significatif sûreté de niveau 1
Le 9 octobre 2017, lors des opérations de redémarrage de l’unité de production n°1, les équipes de la centrale de Belleville ont identifié que des surpressions se sont produites, pendant de très courtes durées, dans une tuyauterie qui alimente un générateur de vapeur en eau déminéralisée et non radioactive.
Les équipes ont alors réalisé des contrôles qui se sont avérés satisfaisants. Les opérations de redémarrage se sont poursuivies et l’unité de production a été reconnectée au réseau électrique le 25 octobre.
Après analyse, les équipes d’ingénierie de la centrale ont mis en évidence que d’autres contrôles visuels de la tuyauterie auraient dû être effectués avant de poursuivre le redémarrage de l’unité, conformément aux règles d’exploitation en vigueur. Le 8 novembre à 23h, l’unité a ainsi été mise à l’arrêt afin de procéder à ces contrôles complémentaires, qui ont été satisfaisants. L’unité de production n°1 a été reconnectée au réseau électrique national le 11 novembre dans la soirée.
La Direction de la centrale de Belleville a déclaré cet événement le 10 novembre à l’Autorité de Sûreté Nucléaire au niveau 1 de l’échelle INES qui en compte 7.
Le 11/12/2017
Absence de réalisation des contrôles prévus après un régime de fonctionnement non autorisé du circuit secondaire principal
Le 10 novembre 2017, l’exploitant de la centrale nucléaire de Belleville a déclaré à l’ASN un événement significatif pour la sûreté relatif au fonctionnement hors du domaine autorisé du circuit secondaire principal de la boucle 1 du réacteur n°1.
Le 9 octobre 2017, le réacteur n° 1 est en phase de redémarrage. Du fait de la concomitance de la mise à l’arrêt du réacteur n° 2, des modalités de conduite particulières sont mises en œuvre pour minimiser la consommation en eau des générateurs de vapeur.
Les générateurs de vapeur constituent l’un des moyens d’évacuer la chaleur de l’eau du circuit primaire, par son échange, au travers de tubes, avec l’eau du circuit secondaire. L’enveloppe des générateurs de vapeur contenant l’eau du secondaire, les canalisations qui leur sont rattachées pour l’alimentation en eau et l’évacuation de la vapeur, ainsi que leurs organes d’isolement, constituent le circuit secondaire principal. L’intégrité de ce circuit est l’une des lignes de défense participant au confinement de la radioactivité. Elle serait sollicitée en cas d’inétanchéité des tubes des générateurs de vapeur.
A la conception de l’installation, les conditions de fonctionnement des équipements constituant le circuit secondaire principal ont été analysées. Un domaine de fonctionnement au-delà duquel des vérifications des équipements sont nécessaires a en particulier été défini.
Dans la soirée du 9 octobre, lors d’une phase de réalimentation du générateur de vapeur n°1, l’équipe de conduite est alertée par des bruits en provenance des tuyauteries du circuit secondaire principal rattachées au générateur de vapeur n°1. Après un premier examen de l’événement, l’exploitant n’identifie pas la nécessité de procéder à des contrôles particuliers de l’installation. Le redémarrage du réacteur a donc été poursuivi, sans information particulière de l’ASN.
A la fin du mois d’octobre, les analyses menées a posteriori par l’exploitant ont cependant montré que les bruits perçus le 9 octobre avaient pour origine des chocs thermo-hydrauliques de type « coups de béliers » dans le circuit secondaire principal de la boucle n° 1. Elles ont également permis de détecter qu’un autre coup de bélier avait eu lieu le 10 octobre. Ces coups de béliers sont dus à des non-respects des consignes de conduite en matière d’alimentation en eau des générateurs de vapeur. Ils auraient dû donner lieu à des vérifications des équipements concernés.
Ces vérifications, dont le programme a été transmis au préalable à l’ASN, ont été effectuées a posteriori par EDF le 9 novembre. Elles n’ont pas révélé d’anomalies.
L’évènement n’a pas eu de conséquence sur le personnel et l’environnement de l’installation.
En raison du délai important qui s’est écoulé avant que l’exploitant n’identifie la nécessité de procéder à des vérifications supplémentaires et du non-respect des consignes de conduite applicables en matière d’alimentation des générateurs de vapeur, l’évènement a été classé au niveau 1 de l’échelle internationale des évènements nucléaires INES.
[1] https://www.asn.fr/Informer/Actualites/Centrale-nucleaire-de-Belleville-sous-surveillance-renforcee
[2] voir https://www.edf.fr/groupe-edf/nos-energies/carte-de-nos-implantations-industrielles-en-france/centrale-nucleaire-de-belleville/actualites/l-unite-de-production-ndeg1-est-de-retour-sur-le-reseau-electrique
[3] Circuit fermé dans lequel la vapeur produite dans le générateur de vapeur est conduite à la turbine, qui transforme son énergie en énergie mécanique. Il comprend : la partie secondaire des générateurs de vapeur, la turbine, le condenseur, les systèmes d’extraction et de réchauffage de l’eau condensée jusqu’au retour au générateur de vapeur, ainsi que les tuyauteries associées. https://www.asn.fr/Lexique/C/Circuit-secondaire
[4] https://www.edf.fr/groupe-edf/nos-energies/carte-de-nos-implantations-industrielles-en-france/centrale-nucleaire-de-belleville/actualites/mise-a-l-arret-de-l-unite-de-production-ndeg1-de-la-centrale-de-belleville
[5] https://www.edf.fr/groupe-edf/nos-energies/carte-de-nos-implantations-industrielles-en-france/centrale-nucleaire-de-belleville/actualites/l-unite-de-production-ndeg1-reconnectee-au-reseau-electrique-national
[6] Un générateur de vapeur (GV) est un échangeur thermique entre l’eau du circuit primaire, portée à haute température (320 °C) et à pression élevée (155 bars) dans le cœur du réacteur, et l’eau du circuit secondaire qui se transforme en vapeur et alimente la turbine. Chaque générateur de vapeur comporte plusieurs milliers de tubes en forme de U, qui permettent les échanges de chaleur entre l’eau du circuit primaire et l’eau des circuits secondaires pour la production de la vapeur alimentant la turbine. les réacteurs à eau sous pression de 900 MWe comportent 3 générateurs de vapeur, les réacteurs de 1 300 MWe comportent 4 GV. https://www.asn.fr/Lexique/G/Generateur-de-vapeur