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Des accidents nucléaires partout

France : Anomalie générique : Mise à jour ratée sur 7 réacteurs

Difficultés de gestion et non-respect des règles, EDF à la traîne depuis 3 ans




22 août 2023


EDF met un peu de temps à mettre à jour les évolutions de ses procédures censées améliorer la sûreté de ses réacteurs nucléaires. Avec pour conséquence une détérioration des mesures prises pour éviter des accidents dans ses installations. Pour 7 réacteurs à Gravelines (Hauts-de-France), Tricastin (Auvergne-Rhône-Alpes) et Dampierre (Centre-Val de Loire), qui sont d’ailleurs parmi les plus vieux du parc nucléaire français, et durant 3 ans, les chargements et déchargements de combustible ont été faits sans que le bon fonctionnement des capteurs de pression dans l’enceinte de confinement n’ait été vérifié.


(Crédit photo : Wikimédia Commons)
Les bâtiments où sont situés la cuve et le combustible des réacteurs nucléaires doivent pouvoir retenir la radioactivité à l’intérieur. La ventilation joue un rôle fondamental pour ce confinement : outre la présence de filtres captant des radioéléments et d’un système de climatisation pour refroidir l’air et maintenir une température supportable tant pour le personnel que pour les équipements, les rejets dans l’environnement sont limités grâce à grâce à une différence de pression entre l’intérieur et l’extérieur du bâtiment réacteur.

Régulièrement, EDF doit vérifier en profondeur ses réacteurs, ce sont les réexamens périodiques (RP). Tous les 10 ans, vérifications de conformité, tests et modifications sont effectués. Les plus vieux réacteurs du parc nucléaire français en sont à leur le 4ème RP. De longs arrêts (nommés visites décennales) sont nécessaires pour réaliser les travaux associés. Les modifications des équipements et des systèmes sont si nombreuses pour ses réacteurs les plus anciens (900 MWe) que EDF doit les faire en 2 fois (phase A, phase B). Censées améliorer le niveau de sûreté de ces installations, pour peu qu’elles soient mal faites, c’est bien l’effet inverse que produisent ces modifications. Erreur technique lors des interventions, mauvaise configuration de circuit, oubli de mise à jour des procédures... Les sources d’erreurs ne manquent pas. Et c’est justement ce qu’il s’est passé pour les réacteurs 1, 2 et 3 de la centrale du Tricastin, pour les réacteurs 1 et 2 de Dampierre, et pour les réacteurs 1 et 3 de la centrale nucléaire de Gravelines, la plus grande de l’hexagone, où EDF prévoit 2 réacteurs supplémentaires  [1].

Une modification impliquait de réaliser des tests sur les capteurs de pression du bâtiment réacteur avant chaque manutention de combustible nucléaire. Les chargement et déchargements de cuve sont toujours des phases délicates, dans lesquelles l’étanchéité du bâtiment doit être parfaite, pour éviter tout rejet de radioactivité à l’extérieur en cas d’accident. On ne sait pas bien pourquoi ni comment, mais cette modification réglementaire a été oubliée sur ces 7 réacteurs nucléaires. On ne sait pas non plus comment il se fait que l’oubli n’ait été découvert qu’au bout de 3 ans.
Rien de bien grave selon l’exploitant nucléaire, qui classe l’incident comme significatif [2] pour la sûreté [3] de ces 7 réacteurs mais le met au plus bas niveau de l’échelle des incidents nucléaires (niveau 0) [4] . Si effectivement il n’y a pas eu d’accident lors des chargements et déchargements du combustible de ces réacteurs et si les capteurs de pression n’ont pas été sollicités, les faits démontrent bien la difficulté de l’industriel à suivre et à appliquer les changements au sein de ses installations. Alors que son but est de mettre en place plus de mesures pour éviter un accident ou en limiter les conséquences, EDF a produit l’effet inverse : il a fait sauter des mesures de précautions en ne testant pas ses capteurs quand les règles l’exigeaient. Et il a fait perdurer la situation durant 3 ans. L’exploitant nucléaire serait-il dépassé par un volume trop important d’activités ? Ou manque-t-il profondément de rigueur ?

Ce que dit EDF :

ESS générique niveau 0 - Non prise en compte d’une nouvelle exigence des Spécifications Techniques d’Exploitation lors du passage à l’état technique VD4 entrainant la non-réalisation d’essais dans leur périodicité. Publié le 22/08/2023

Sur les centrales nucléaires, des essais périodiques sont régulièrement réalisés afin de vérifier le bon fonctionnement des différents systèmes et matériels. Ces essais sont réalisés de manière ponctuelle sur des capteurs du système ETY, qui permettent de mesurer la pression de l’air à l’intérieur du bâtiment du réacteur.

Depuis juin 2019, une évolution des spécifications techniques d’exploitation pour certains réacteurs du palier 900 Mwe ayant réalisé leur quatrième visite décennale (état technique VD4 phase A*) implique la disponibilité de quatre capteurs de mesure de puissance du système ETY dans certaines configurations du réacteur. Cette évolution n’a pas été retranscrite dans la procédure d’essais périodiques.

Considérant l’indisponibilité des capteurs des chaines de mesure du système ETY dans ces situations, l’essai n’a pas été réalisé dans sa périodicité à plusieurs reprises lors des opérations de chargement et de déchargement du combustible entre le 5 novembre 2019 et le 26 novembre 2022 sur les réacteurs mentionnés précédemment.

Bien que sans conséquence réelle sur la sûreté des installations, la non-réalisation de cet essai périodique sur cette période constitue un écart aux règles générales d’exploitation, et a conduit EDF à déclarer à l’Autorité de sûreté nucléaire, le 8 août 2023, un événement significatif pour la sûreté à caractère générique au niveau 0 (en dessous de l’échelle INES qui en compte 7), pour les réacteurs mentionnés précédemment.

*Réacteurs 1 2 et 3 du Tricastin, 1 et 2 de Dampierre, 1 et 3 de Gravelines

https://www.edf.fr/la-centrale-nucleaire-de-dampierre-en-burly/les-actualites-de-la-centrale-nucleaire-de-dampierre/ess-generique-niveau-0-non-prise-en-compte-dune-nouvelle-exigence-des-specifications-techniques-dexploitation-lors-du-passage-a-letat-technique-vd4


[1Alors que le Conseil d’administration d’EDF a confirmé le 29 juin 2023 le lancement du projet à Penly (Normandie), la proposition d’une paire d’EPR2 à Gravelines a été confirmée lors du Conseil de politique nucléaire du 19 juillet. (...) Après une première présentation du dossier en Commission Locale d’information le 23 juin 2023, la prochaine étape significative sera la saisine de la Commission Nationale du Débat Public fin 2023 pour une concertation publique, qui pourrait prendre la forme d’un débat public, à l’été 2024. Source : https://www.edf.fr/la-centrale-nucleaire-de-gravelines/les-actualites-de-la-centrale-nucleaire-de-gravelines/le-projet-epr2-gravelines-se-precise

[2Événements significatifs : incidents ou accidents présentant une importance particulière en matière, notamment, de conséquences réelles ou potentielles sur les travailleurs, le public, les patients ou l’environnement. https://www.asn.fr/Lexique/E/Evenement-significatif En dessous des évènements significatifs, il y a les évènements dits « intéressants », et encore en dessous les « signaux faibles ». Un évènement catégorisé « significatif » est donc déjà « en haut de l’échelle » d’importance des évènements

[3La sûreté nucléaire est l’ensemble des dispositions techniques et des mesures d’organisation relatives à la conception, à la construction, au fonctionnement, à l’arrêt et au démantèlement des installations nucléaires de base, ainsi qu’au transport des substances radioactives, prises en vue de prévenir les accidents ou d’en limiter les effets. https://www.asn.fr/Lexique/S/Surete-nucleaire

[4INES : International nuclear and radiological event scale (Échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques) - Description et niveaux ici - https://www.asn.fr/Lexique/I/INES


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Installation(s) concernée(s)

Dampierre-en-Burly

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Gravelines

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Tricastin

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