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Sortir du nucléaire n°85



printemps 2020

Agir : Histoire de la lutte

Fessenheim, de la lutte initiale à la fermeture

Nous avons saisi l’occasion de la fermeture de la plus vieille centrale française [1] pour échanger avec l’un des militants historiques de la région de Fessenheim. Voici le témoignage de Jean-Jacques Rettig.

Luttes et actions Fessenheim

Bonjour Jean-Jacques. Vous avez été actif contre les douze projets de centrales dans la Plaine du Rhin dans les années 70. Comment cela a-t-il commencé pour vous ?

En 1967, ma femme et moi, nous militions en tant qu’enseignants pour que les radioscopies soient remplacées par des radiographies [2] . Puis nous avons vu arriver la question du nucléaire militaire et du nucléaire civil. Et quand a émergé le projet de centrale nucléaire à Fessenheim nous avons créé le Comité pour la sauvegarde de Fessenheim.

Que s’est-il passé à l’époque ? Quelles ont été les dynamiques à l’œuvre ?

Il y avait un projet de mégalopole de Bâle à Rotterdam, de Rotterdam à Milan et de Milan à Fos-sur-Mer, le tout alimenté par 12 centrales nucléaires installées dans la Plaine du Rhin.

Les groupes qui travaillaient sur l’agro-écologie, la pédagogie Freinet, les médecines alternatives et les comités antinucléaires, dont nous faisions partie, se sont très fortement opposés à ce projet. Le fonctionnement était toujours le même : collecte d’informations, structuration par des scientifiques, informations des populations, recherche de dialogue avec les édiles et les représentants de l’État, souvent face à un refus plus ou moins poli, manifestations et occupations de terrain en dernier ressort.

Après la manifestation de Marckolsheim en février 1975, tout le monde est allé à Wyhl du côté allemand. Nous avons regroupé 28 000 personnes pour une grande promenade dans la forêt primaire qui allait être détruite, aplani les barbelés et pris possession du site. Le chef de l’opération de police a suspendu l’opération de répression, une compagnie de policiers a refusé d’intervenir contre la population. Le terrain a été occupé pendant un an, tout le monde se relayait quotidiennement. Les dimanches c’était festif et convivial. Il y avait une buvette, un restaurant...

Autour de ces luttes, il y a eu d’énormes brassages culturels et générationnels. Les occupations de terrain regroupaient des profs, des vignerons, des agriculteurs, des moines Bouddhistes... Les grands-mères venaient avec leur petits enfants dans la Rotonde (salle commune) pour faire les devoirs. Nous avons même créé une université populaire !

Mais Fessenheim a été la seule à être construite. Comment l’expliquez-vous ?

Fessenheim était une exception. Partout ailleurs, il n’y avait pas de clôture pour délimiter le terrain et les populations locales se sont mobilisées très vite. À Fessenheim, EDF était implanté avec une centrale hydro électrique, une cité EDF. Le terrain était acheté et il a très vite été sécurisé avec une clôture électrifiée et des maîtres-chiens qui circulaient.

Pendant l’hiver 70 et 71 nous avons tenu à Fessenheim même des conférences mais les politiques et EDF ont gardé la main sur la localité. La perspective de l’argent sonnant et trébuchant était un des motifs pour les élus.

Le projet était d’installer quatre réacteurs. Les actions des opposants, 1 500 personnes en avril 1971 et 15 000 personnes en 1975, le nouveau maire en 1973 qui s’était donné comme objectif d’empêcher les réacteurs 3 et 4 de voir le jour ainsi que l’accident de Three Miles Island ont permis qu’il n’y ait que deux réacteurs à Fessenheim [3] .

Les douze réacteurs évités sont tous aussi importants que les deux construits à Fessenheim, c’est essentiel que la jeune génération de militants le sache et se souvienne.

Propos recueillis par Anne-Lise Devaux


Notes

[1Le réacteur 1 a fermé le 22 février 2020 et le réacteur 2 doit fermer le 30 juin 2020.

[2Les radioscopies sont des observations en direct contrairement aux radiographies qui sont des clichés. Elles ont été abandonnées car elles exposaient le patient et le médecin aux rayons X de manière excessive. Les enseignants en passait une chaque année.

[3Ils ont été installé à Cattenom

Bonjour Jean-Jacques. Vous avez été actif contre les douze projets de centrales dans la Plaine du Rhin dans les années 70. Comment cela a-t-il commencé pour vous ?

En 1967, ma femme et moi, nous militions en tant qu’enseignants pour que les radioscopies soient remplacées par des radiographies [1] . Puis nous avons vu arriver la question du nucléaire militaire et du nucléaire civil. Et quand a émergé le projet de centrale nucléaire à Fessenheim nous avons créé le Comité pour la sauvegarde de Fessenheim.

Que s’est-il passé à l’époque ? Quelles ont été les dynamiques à l’œuvre ?

Il y avait un projet de mégalopole de Bâle à Rotterdam, de Rotterdam à Milan et de Milan à Fos-sur-Mer, le tout alimenté par 12 centrales nucléaires installées dans la Plaine du Rhin.

Les groupes qui travaillaient sur l’agro-écologie, la pédagogie Freinet, les médecines alternatives et les comités antinucléaires, dont nous faisions partie, se sont très fortement opposés à ce projet. Le fonctionnement était toujours le même : collecte d’informations, structuration par des scientifiques, informations des populations, recherche de dialogue avec les édiles et les représentants de l’État, souvent face à un refus plus ou moins poli, manifestations et occupations de terrain en dernier ressort.

Après la manifestation de Marckolsheim en février 1975, tout le monde est allé à Wyhl du côté allemand. Nous avons regroupé 28 000 personnes pour une grande promenade dans la forêt primaire qui allait être détruite, aplani les barbelés et pris possession du site. Le chef de l’opération de police a suspendu l’opération de répression, une compagnie de policiers a refusé d’intervenir contre la population. Le terrain a été occupé pendant un an, tout le monde se relayait quotidiennement. Les dimanches c’était festif et convivial. Il y avait une buvette, un restaurant...

Autour de ces luttes, il y a eu d’énormes brassages culturels et générationnels. Les occupations de terrain regroupaient des profs, des vignerons, des agriculteurs, des moines Bouddhistes... Les grands-mères venaient avec leur petits enfants dans la Rotonde (salle commune) pour faire les devoirs. Nous avons même créé une université populaire !

Mais Fessenheim a été la seule à être construite. Comment l’expliquez-vous ?

Fessenheim était une exception. Partout ailleurs, il n’y avait pas de clôture pour délimiter le terrain et les populations locales se sont mobilisées très vite. À Fessenheim, EDF était implanté avec une centrale hydro électrique, une cité EDF. Le terrain était acheté et il a très vite été sécurisé avec une clôture électrifiée et des maîtres-chiens qui circulaient.

Pendant l’hiver 70 et 71 nous avons tenu à Fessenheim même des conférences mais les politiques et EDF ont gardé la main sur la localité. La perspective de l’argent sonnant et trébuchant était un des motifs pour les élus.

Le projet était d’installer quatre réacteurs. Les actions des opposants, 1 500 personnes en avril 1971 et 15 000 personnes en 1975, le nouveau maire en 1973 qui s’était donné comme objectif d’empêcher les réacteurs 3 et 4 de voir le jour ainsi que l’accident de Three Miles Island ont permis qu’il n’y ait que deux réacteurs à Fessenheim [2] .

Les douze réacteurs évités sont tous aussi importants que les deux construits à Fessenheim, c’est essentiel que la jeune génération de militants le sache et se souvienne.

Propos recueillis par Anne-Lise Devaux



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