Analyse
Energies renouvelables : plus on en parle, moins on en fait ?
Au-delà de toutes les critiques que l’on peut formuler tant sur le fond que sur la forme, le Débat national sur l’énergie, dont la phase "publique" s’est achevée le 24 mai à Paris, aura au moins permis de vérifier une chose : hormis quelques vestiges du passé dont la blancheur des cheveux est là pour nous rassurer, plus un responsable politique, y compris dans les rangs de la majorité actuelle, ne conteste l’intérêt des énergies renouvelables et la nécessité de soutenir leur développement.
Le compte est loin dy être
Dans son discours de clôture, Nicole Fontaine annonce, pour la loi dorientation sur lénergie prévue à lautomne, un renforcement de la politique gouvernementale de soutien aux énergies renouvelables. Elle confirme au passage lobjectif de 21 % délectricité dorigine renouvelable en 2010 inclus dans une directive quelle connaît bien, puisque celle-ci a été adoptée en septembre 2001, sous présidence française du Conseil et alors quelle était elle-même présidente du Parlement européen.
Quel que soit le degré de sincérité que lon accorde à ces propos, que lon ne pourra juger quà laune des actes futurs et non sur de simples discours, on peut tout de même affirmer, sans trop risquer de se tromper, que « cest plutôt mal parti », si lon en juge par lexpérience de ces dernières années et la situation actuelle.
La France sest en effet dotée, depuis quelques années déjà, dune amorce de politique incitative à travers diverses dispositions comme lobligation dachat de lélectricité renouvelable, des avantages fiscaux (TVA à taux réduit, crédit dimpôt, amortissement accéléré), ou les aides de lADEME et de certaines Régions en faveur par exemple, du solaire thermique et du bois-énergie.
Certes le compte est loin dy être si lon veut que notre pays puisse un jour rattraper son retard chronique dans toutes les filières des « nouvelles énergies renouvelables » (notamment éolien, solaire thermique et photovoltaïque, micro-hydraulique, biomasse, biogaz, géothermie), alors que lon continue de nous servir le discours quelque peu ranci de la France championne dEurope grâce à sa grande hydraulique des années 50 et au bois de chauffe de nos campagnes depuis le Moyen-Âge.
Malgré tout, on pouvait quand même penser quaprès des années de totale indigence du secteur, on allait assister à un début de frémissement, ne serait-ce que pour montrer que lon cherche à se conformer aux engagements internationaux comme le protocole de Kyoto ou les objectifs du Livre Blanc de la Commission européenne de 1998 (qui prévoit un doublement de 6 à 12 % de la contribution des énergies renouvelables au « bouquet énergétique » européen entre 2000 et 2010, et dont les 21% délectricité sont une traduction sectorielle).
Un bilan plus que maigre
Quelques années plus tard, le bilan est plus que maigre. Même les filières les mieux loties, comme léolien qui bénéficie dun tarif dachat correct contrairement aux autres, ne parviennent pas à décoller sérieusement. Plus de trois ans après linstauration de lobligation dachat, aucun contrat nest encore signé sous ce régime, et la France atteignait péniblement fin 2002 les 150 MW alors que lAllemagne, bien moins ventée, dépassait les 12 000 MW. Bien plus que lacharnement de quelques opposants irréductibles souvent téléguidés par le lobby nucléaire, la cause principale de ce retard est la jungle administrative qui entoure tout projet de production délectricité renouvelable souhaitant bénéficier de lobligation dachat par EDF, qui rend les procédures extrêmement longues, coûteuses et incertaines.
Quant au budget de lADEME, qui avait connu une augmentation régulière ces dernières années, ayant épuisé tous les fonds de tiroir et victime des restrictions budgétaires, il se trouve dans lincapacité de faire face au-delà du premier semestre à une demande en augmentation, fruit de la relance de la politique de promotion et dinformation menée depuis quelques années. Pire : le transfert de quelques millions deuros restant disponibles sur le secteur des déchets, suite à la suspension des aides aux collectivités censées être en règle avec la loi depuis juillet 2002, est bloqué pour des raisons purement administratives par un obscur et tatillon fonctionnaire de Bercy, alors quil permettrait de « tenir » quelques mois.
La situation des entreprises qui, prenant à la lettre un affichage politique positif, se sont lancées dans des projets de développement ou dinstallations de production est aujourdhui tellement critique que même le président du Syndicat des énergies renouvelables, qui compte parmi ses adhérents des gens aussi peu influents quAREVA et dirige à titre personnel une filiale à 50% dEDF (SIIF-énergie), sest trouvé dans lobligation de lancer un cri dalarme et de parler de licenciements dans les mois à venir.
Dans cette affaire, la France est victime de deux handicaps majeurs qui se conjuguent :
- Lincroyable capacité de résistance à tout changement jugé non conforme par la haute administration de lÉtat et des grandes entreprises publiques et privées du secteur de lénergie, qui percole jusquau moindre guichet de sous-préfecture et au centre local EDF-GDF-services.
- Lapproximation et lincohérence, depuis 30 ans, des politiques françaises en faveur des énergies renouvelables, ponctuées de grands effets de manche accompagnant de timides efforts, entrelardées de longues périodes de stagnation et de vaches maigres.
Les énergies renouvelables, secteur émergent sil en est, ont plus que tout autre besoin pour se développer dune volonté politique forte et durable, et dun cadre juridique, administratif et financier approprié et stable.
Dans ce contexte, la perspective dune loi dorientation, qui viendrait chapeauter toute la série de modifications nécessaires des lois ordinaires, décrets et autres règlements afin de lever les entraves actuelles, pourrait sembler de nature à soulever quelques espoirs, même si le catalogue des mesures à prendre pourrait sétendre à linfini et même si on peut craindre que la complexité de lentreprise ne conduise à des demi-mesures inefficaces.
Dailleurs, les propositions nont pas manqué dans le cadre du Débat national sur lénergie auquel les professionnels des énergies renouvelables, quils soient associatifs, industriels ou appartenant aux collectivités locales, ont unanimement décidé de participer activement, quelle que soit leur opinion sur le rôle et la place du nucléaire et de lEPR.
De la poudre aux yeux pour amuser la galerie
Mais, quel quen soit le résultat, lélaboration, ladoption et la mise en uvre dune loi dorientation est un processus long et complexe. Le risque est réel que dici là les ailes que le modeste secteur français des énergies renouvelables commençait à se sentir pousser aient été définitivement coupées.
Devant la gravité de la situation actuelle, le gouvernement serait bien inspiré de prendre avant lété les quelques mesures durgence qui simposent, à commencer par lalimentation du budget de lADEME, pour faire face à ses propres engagements de lannée en cours, et par la publication de la circulaire aux préfets sur la clarification des procédures administratives applicables à léolien que tout le monde attend depuis plus de deux ans.
Faute de quoi, faisant la démonstration de sa mauvaise volonté, ou - pire - de son incapacité à agir, il pourrait bien accréditer la thèse selon laquelle les discours de tribune en faveur des énergies renouvelables ne sont que poudre aux yeux pour amuser la galerie et que le Débat sur lénergie na dautre objectif que de justifier lEPR.
Personne ne pourrait ni ne devrait sen réjouir, même les plus acharnés parmi les militants anti-nucléaires, sauf peut-être lactuelle détentrice du portefeuille du ministère de lenvironnement, alias « lerreur de casting » : elle pourra ainsi être sûre quon népuisera pas de si tôt les énergies renouvelables et quon en laissera tout plein à nos enfants (*).
A LIRE
Les énergies renouvelables en BD
Une association du Sud-Ouest, « Energies solaires développement », a réédité en 2002 une excellente B.D. narrant les aventures de Solix, feu follet bondissant en provenance directe du soleil . Sa mission ? Enquêter sur les énergies renouvelables sur la Terre. Tout au long dun périple à travers le monde, vous découvrirez, en 36 pages couleur et 9 fiches techniques, la maîtrise de lénergie et les différentes filières des énergies renouvelables. Amusant et très instructif, cet ouvrage destiné à vos chères têtes blondes ou aux grands enfants ne manquera pas de vous divertir. Prix : 10 euros (frais denvoi inclus) à commander au Réseau « Sortir du nucléaire » 9, rue Dumenge 69317 LYON Cedex 04 Chèque à lordre de « Sortir du nucléaire ».
Energies renouvelables
Les brico-thèmes : le plaisir de faire soi-même
Il sagit dun excellent hors-série du magazine Système D de juillet 2002 qui présente de façon complète et détaillée comment fabriquer sa propre installation en énergie renouvelable. Voici le sommaire :
- une éolienne multipale
- une éolienne à vitesse constante
- une éolienne à deux rotors
- une éolienne de pompage
- le chauffage solaire
- des capteurs pour leau chaude
- le solaire pour la piscine
- le chauffage solaire à air
- une cuisinière solaire
- solaire : orientation automatique
- réussir une installation photo-voltaique
- une micro-turbine micro-électrique
- un « bélier » hydraulique
- un générateur de gaz méthane
- la géothermie
Bourré de nombreux conseils et adresses, ce hors-série de 80 pages est disponible auprès du Réseau « Sortir du nucléaire » (7 euros, port compris). A commander au 9, rue Dumenge, 69317 Lyon Cedex 04.
Marc Jedliczka
marcjed@wanadoo.fr
(*) daprès une citation authentique de Roselyne Bachelot.