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Au niveau constitutionnel, une protection des générations futures renforcée
Le Conseil constitutionnel, à la demande d’une soixantaine d’associations et de riverain·es du projet Cigéo, s’est prononcé le 27 octobre 2023 sur le cadre légal prévoyant les modalités de stockage en couche géologique profonde des déchets les plus radioactifs de la filière nucléaire. De cette saisine, il était surtout attendu que le Conseil constitutionnel se prononce sur la protection que la Charte de l’environnement accorde aux générations futures. La décision du 27 octobre 2023 est en cela une réelle avancée pour nos futurs contentieux, même si elle a finalement considéré que le cadre légal de Cigéo était en l‘espèce suffisamment protecteur pour les générations futures.
La dimension transgénérationnelle du droit de l’environnement
Notre manière de vivre n’est ni acquise, ni immuable : elle est menacée par un bouleversement annoncé lié au triptyque changement climatique / raréfaction de l’eau / effondrement de la biodiversité. Doucement, la communauté internationale a pris conscience de ce danger et l’a relié à l’activité humaine. Sous la pression croissante de l’opinion publique nationale et internationale, les gouvernements ont commencé à s’inquiéter de l’état général de l’environnement et ont introduit une législation destinée à combattre les diverses pollutions que nous causons.
Pour répondre à l’impératif besoin d’un « développement plus durable », le droit de l’environnement a établi un régime régulateur destiné à prévenir et limiter les futurs dommages causés à l’environnement par l’homme.
Le droit de l’environnement est donc avant tout un droit de protection, qui s’articule autour d’une idée centrale présentée à l’alinéa 7 de la Charte de l’environnement : les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures à satisfaire leurs propres besoins.
L’apport de la décision du 27 octobre 2023
La décision de 2023 concernant le cadre légal prévoyant les modalités de stockage en couche géologique profonde des déchets les plus radioactifs de la filière nucléaire a permis de préciser la manière dont le Conseil constitutionnel prend en considération les générations futures. Il n’est plus seulement question d’admettre une dimension transgénérationnelle du droit à l’environnement, mais d’offrir une place équitable aux générations futures lors des choix pris dans le présent.
Ainsi, l’interprétation qui a été faite de la Charte de l’environnement, à travers l’articulation de l’article 1er de la Charte et l’alinéa 7 de son préambule, a permis au Conseil d’intégrer les générations futures parmi les bénéficiaires du droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé.
Concrètement, cette décision a pour effet d’encadrer l’action du législateur et de l’Administration qui, lorsqu’ils adoptent des mesures pouvant porter une atteinte grave et durable à l’environnement, doivent prendre en compte les conséquences qu’elles auront sur les générations futures. À défaut, leurs décisions risquent d’être censurées par les juges constitutionnel et administratif.
C’est d’ailleurs ce qui s’est passé dès le 7 novembre 2023 lorsque le tribunal administratif de Strasbourg a, sur le fondement du droit des générations futures, suspendu la décision par laquelle le préfet du Haut-Rhin autorisait le stockage souterrain en couches géologiques profondes, pour une durée illimitée, de 42 000 tonnes de déchets toxiques sur le site de Stocamine en Alsace.
Lisa Pagani, Juriste