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Areva victime des mauvaises radiations de Bouygues
Voilà qui tombe vraiment bien : alors que l’Elysée veut privatiser Areva, leader mondial de l’industrie nucléaire, au profit d’Alstom et de la maison Bouygues, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) vient d’ordonner la suspension des travaux de bétonnage sur le chantier du réacteur EPR, produit phare d’Areva, en construction à Flamanville. Or qui a coulé la plus grande partie de ce béton ? La maison Bouygues !
Cette décision “une première dans l’histoire des centrales nucléaires en France” a contraint EDF à arrêter les travaux. Un des responsables de l’ASN justifie ainsi ce choix : "Ces anomalies illustrent un manque de rigueur qui est inacceptable". En clair, EDF, chargée de l’ingénierie, Bouygues et les autres entreprises qui ont obtenu les marchés de génie civil travaillent sans "rigueur" à Flamanville.
A deux reprises, le 12 octobre 2007 puis le 8 avril 2008, les inspecteurs de l’Autorité de sûreté nucléaire avaient contrôlé les travaux en cours. Ils s’étaient plaints, alors, de la qualité du béton, regrettant qu’EDF n’exerce pas de manière satisfaisante "la surveillance de ces prestations", en l’occurrence celles de la maison Bouygues. Plus grave, "l’outil informatique" qui devait permettre ces contrôles ne fonctionnait pas le jour de la première inspection.
Fission nucléaire. La lecture des deux rapports de l’ASN datés des 4 novembre 2007 et 28 avril 2008, dont "Le Canard" s’est procuré des copies, apprend aussi que "des fissures" sont apparues "à la suite de la coulée d’un bloc de béton composant la plate-forme (le radier) de l’îlot nucléaire de l’EPR". Bref, les fondations du futur réacteur. Pas moins ! Les améliorations demandées n’ayant pas été réalisées, les experts de la sûreté nucléaire se sont donc fâchés. Sanction : la suspension pour un mois du chantier. Avec, en prime, une lettre d’injonction, signée du "chef de division", Thomas Oudré : il y exige qu’EDF mette enfin au point des procédures de contrôle satisfaisantes avant toute reprise des travaux.
L’arrêt de la construction du réacteur EPR de Flamanville, s’il a été mentionné par "Les Echos" et "Le Monde", n’a évidemment pas été annoncé sur TF1. Il aurait pourtant été amusant d’informer les téléspectateurs que la maison Bouygues, à qui Sarko veut offrir le nucléaire français, n’est même pas fichue de couler du béton conforme aux exigences… du nucléaire !
Areva : les pertes enflent en Finlande
Les pertes d’Areva sur la construction de l’EPR finlandais Olkiluoto 3 pourraient s’avérer astronomiques. Chez le leader mondial du nucléaire, des sources confidentielles évoquent désormais un montant de 2,2 milliards d’euros de pénalités de retard à verser à terme au client, la compagnie d’électricité TVO.
En signant, en décembre 2003, ce contrat de 3 milliards d’euros (dont 1,7 pour la partie nucléaire), Areva, chef d’orchestre du projet, s’était engagé à remettre les clés d’OL3 à la mi-2009, soit quatre ans après le début des travaux de ce tout premier EPR, alors que le groupe avait toujours livré les réacteurs de la génération précédente en cinq ans.
Malheureusement, les retards se sont vite accumulés, notamment dans le gros œuvre, ce qui a d’ailleurs conduit à appeler Bouygues à la rescousse. Du coup, Areva s’est calé sur un nouvel objectif de livraison en 2011, que le constructeur ne semble aujourd’hui plus du tout certain de pouvoir tenir.
C’est ainsi que le réacteur serait susceptible de coûter in fine 5,2 milliards d’euros au constructeur français. Cette issue fragiliserait évidemment le projet d’ouverture du capital en vue d’un développement autonome d’Areva, que défend sa présidente, Anne Lauvergeon.
L’Etat, qui ne souhaite pas éponger la facture de ce désastre, pourrait privilégier un rapprochement du champion nucléaire avec Alstom, comme le propose Martin Bouygues, l’actionnaire principal du fabricant de TGV et de centrales au charbon. A condition, bien sûr, que le roi du béton renfloue Areva.
Source : Capital.fr - 21 mai 2008
Jérôme Canard
Source : Le Canard enchaîné
mercredi 4 juin 2008