Article publié le 9 septembre 2011
Le mercredi 9 août 2011, dans la plus grande discrétion, l’Autorité de sûreté nucléaire publie sur son site un avis d’incident relatif à la centrale de Golfechi. Cet événement fait écho aux problèmes récurrents rencontrés à Paluel en mettant en évidence une anomalie générique que l’on rencontre sur l’ensemble du parc électronucléaire français.
Au cours de ces opérations EDF a constaté plusieurs anomalies au niveau de la visserie des vannes situées sur le circuit de refroidissement intermédiaire qui ne garantissent plus leur fonctionnement en cas de séisme. Le circuit de refroidissement intermédiaire (RRI) est un matériel qui permet de refroidir, en fonctionnement normal comme en situation accidentelle, l’ensemble des matériels et fluides des systèmes auxiliaires et de sauvegarde du réacteur. Les équipements d’un réacteur qui seraient nécessaires pour faire face à un séisme important sont conçus pour fonctionner dans ces conditions dégradées. Ces matériels sont dits « qualifiés » pour le risque séisme.
En 2009, des anomalies sur des matériels « qualifiés » pour le risque séisme ont été détectées sur plusieurs centrales nucléaires. Ainsi une campagne de vérification a été prévue durant l’arrêt du réacteur n° 2 de la centrale de Golfech afin de vérifier l’état des matériels « qualifiés » pour le risque séisme. Les différents équipements à vérifier ont fait l’objet d’une hiérarchisation suivant leur localisation et leur importance au regard de la sûreté. Cette action a permis d’identifier les robinets les plus sensibles au séisme à contrôler et, si nécessité, à remettre en conformité en priorité. Des anomalies ont été identifiées sur les systèmes de fixation de l’actionneur de quatre vannes du circuit RRI. Le fonctionnement de ces vannes en situation normale n’était pas remis en cause, toutefois, les défauts mis en évidence ne permettaient plus de garantir la commande de la vanne en cas de séisme.
Les causes de ces anomalies ne sont pas connues à ce jour.
Un avis de l’ASN en date du 1er juin 2011 apporte des éléments complémentaires qui permettent de prendre la mesure de la fragilité des centrales nucléaires françaises face aux risques sismiques.
Les défauts rencontrés consistent en l’absence de dispositifs de serrage ou la présence de dispositifs inadaptés sur la visserie des vannes qualifiées[1] au séisme. Des erreurs de montage initiales ou commises lors d’opérations de maintenance seraient à l’origine de ces anomalies qui remettent en cause la qualification des vannes.
A la suite de cet événement, EDF avait engagé en 2009 des actions de vérification et de remise en conformité des anomalies constatées sur les réacteurs de Chooz et de Civaux. En février 2010, l’ASN a demandé à EDF de mettre en œuvre des dispositions complémentaires afin de prévenir la récurrence des écarts sur les réacteurs du palier N4 mais également sur les réacteurs de 900 et 1300 MWe.
En conséquence, EDF a mis à jour le 28 juin 2010 sa déclaration d’incident et a défini un programme de contrôle qui prend en compte l’ensemble des réacteurs exploités par EDF qui s’applique à compter de septembre 2010. EDF a défini ce programme de contrôle sur la base d’une priorisation des matériels à vérifier issue d’une analyse de sûreté. EDF s’est engagé à remettre en conformité tout écart constaté à l’issue de ces contrôles. Dans ce cadre, les contrôles réalisés sur le réacteur n°2 du CNPE de Tricastin et le réacteur n°1 de Saint-Alban-Saint-Maurice ont permis de détecter des défauts de serrage de la visserie qualifiée au séisme.
Dans un cas comme dans l’autre, que ce soit au sujet des N4 de Chooz et Civaux ou des P2 tel Golfech ou Penly, on en revient toujours au même avis établi en 2009 par l’ASN à l’issue d’une étude par l’ASN des documents de sûreté remis par EDF au sujet des réacteurs de 1450 MWe [1].
Les travaux de maintenance demandés par l’ASN n’ont toujours pas été réalisés à ce jour. L’anomalie générique des centrales françaises demeure et fait peser un risque supplémentaire sur les populations et l’environnement. Un risque non négligeable en Normandie, même si d’aucuns considèrent que l’activité sismique est faible sur le littoral de la Manche. Ainsi, le 14 juillet dernier s’est produit un séisme d’une amplitude modéré (4,5 sur l’échelle de Richter) au large du Calvados [2]. En dépit des propos rassurant d’EDF un doute persiste, comme en témoigne Pierre Barbey (Association pour le Contrôle de la Radioactivité dans l’Ouest, ACRO) dans les colonnes du quotidien Ouest-France : « Toute la problématique a été montrée par Fukushima. Les Japonais avaient imaginé un séisme maximal de magnitude 9. Il a été de 9,5. » Selon lui, les exploitants devraient pousser plus loin, afin d’envisager le niveau de séisme qui conduirait à une rupture du système de refroidissement du cœur du réacteur ou des piscines. « Il faut imaginer l’inimaginable ! [3] »
Remarques sérieuses s’il en est puisque une experte du Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) reconnaît leur pertinence. Le risque sismique existe bel bien de l’aveu même des experts des pouvoirs publics. On peut sans difficulté trouver une documentation abondante à ce sujet. Il apparaît nettement que ni les tremblements de terre ni les vagues de fond ne sont inconnus dans la région.
[1] https://www.asn.fr/index.php/Les-actions-de-l-ASN/Le-controle/Actualites-du-controle/Avis-d-incidents-des-installation-nucleairDes/2009/Anomalie-generique-concernant-la-tenue-au-seisme-de-vannes-du-palier-N4
[2] Le 1er juillet un séisme de magnitude 2.8 a eu lieu au large de Fécamp