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Sortir du nucléaire n°102



Été 2024
Crédit photo : Montage réalisé à partir de la photo de Thom Holmes - Unsplash

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Yamina Saheb : "Les débats sur la transition en France sont biaisés par la question du nucléaire"

Ingénieure en bâtiment et Docteure en énergétique, Yamina Saheb est parvenue à faire entrer le concept de “sobriété” dans le dernier rapport du GIEC. Grâce à elle, la sobriété, angle mort de la littérature scientifique sur la transition écologique et longtemps assimilée à l’efficacité énergétique, bénéficie désormais d’un laboratoire mondial.

Alternatives et sortie du nucléaire Maîtrise de l’énergie Politique énergétique
  • Pourquoi avoir cofondé le laboratoire mondial de la sobriété ? En quoi consiste-t-il ?

Pendant les travaux du GIEC, nous étions nombreux à être confrontés au même problème : c’était difficile de trouver de la littérature scientifique sur la sobriété et nous n’avions pas de forum pour nous réunir. Il y avait pourtant un véritable besoin de créer un corpus scientifique, et être en capacité d’influencer les rapports internationaux. J’ai donc co-organisé un premier sommet international de la sobriété, qui a réuni plus de 700 personnes, et le laboratoire international a été cofondé. Pour faire vivre cette communauté, le laboratoire va se doter d’un outil analytique en ligne, pour y compiler tout ce qui existe sur la sobriété. Une académie de la sobriété va également voir le jour, pour mettre en ligne des formations sur le sujet à partir de septembre. Des sommets sur la sobriété auront lieu régulièrement.

  • Quels liens faites-vous entre sobriété et transition énergétique ?

Le concept de sobriété n’est arrivé dans le monde occidental que dans les années 90, grâce à Wolfgang Sachs, qui a établi l’impossibilité de faire la transition énergétique sans sobriété. Il a développé le triptyque, repris par l’association négaWatt en 2002, “sobriété, efficacité, renouvelables”. Depuis l’ADEME et RTE ont intégré la sobriété à certains de leurs scénarios de transition. Mais les débats sur la transition en France sont biaisés par la question du nucléaire. On réfléchit à partir de la production d’électricité, alors qu’il faut partir de la consommation. Il faut également sortir du débat “ENR ou nucléaire”, car ce sont des choix technologiques. Par ailleurs, le 100 % renouvelables n’est possible que dans une économie sobre. Ce qu’il faut c’est donc une métamorphose du système : quand on parle de sobriété on remet l’humain au centre ainsi que le concept d’équité, et on part de là pour choisir la production.

  • Lors d’une précédente interview, vous nous expliquiez que ”la sobriété, c’est tout simplement revenir aux besoins essentiels en partageant équitablement les ressources naturelles et le budget carbone qu’il nous reste.” Quels sont les moyens d’y parvenir ? Comment ne pas faire reposer le poids de la sobriété sur les individus seuls ?

La sobriété dépend des politiques publiques : elles provoquent des pratiques du quotidien qui vont faire en sorte que les individus changent de comportement. À Paris par exemple, les gens font du vélo parce que la mairie a mis en place des pistes cyclables. Faire reposer la sobriété sur les individus sans mettre en place les politiques publiques qui la favorisent, ça revient à ne rien faire (hormis culpabiliser les individus). Comme lorsque le Président a demandé à la Première ministre un plan de sobriété l’hiver dernier : il demandait des changements de comportement, et non des politiques de sobriété.
En tant que citoyen on peut commencer par agir en votant, notamment aux élections européennes. Il faut élire des personnes qui ont démontré qu’elles se battent pour des politiques ambitieuses sur le plan environnemental. Pour avoir de la sobriété en France, il faut d’abord de la sobriété dans les politiques de l’Union européenne.

• Propos recueillis par Mathilde Damecour, chargée de campagne

  • Pourquoi avoir cofondé le laboratoire mondial de la sobriété ? En quoi consiste-t-il ?

Pendant les travaux du GIEC, nous étions nombreux à être confrontés au même problème : c’était difficile de trouver de la littérature scientifique sur la sobriété et nous n’avions pas de forum pour nous réunir. Il y avait pourtant un véritable besoin de créer un corpus scientifique, et être en capacité d’influencer les rapports internationaux. J’ai donc co-organisé un premier sommet international de la sobriété, qui a réuni plus de 700 personnes, et le laboratoire international a été cofondé. Pour faire vivre cette communauté, le laboratoire va se doter d’un outil analytique en ligne, pour y compiler tout ce qui existe sur la sobriété. Une académie de la sobriété va également voir le jour, pour mettre en ligne des formations sur le sujet à partir de septembre. Des sommets sur la sobriété auront lieu régulièrement.

  • Quels liens faites-vous entre sobriété et transition énergétique ?

Le concept de sobriété n’est arrivé dans le monde occidental que dans les années 90, grâce à Wolfgang Sachs, qui a établi l’impossibilité de faire la transition énergétique sans sobriété. Il a développé le triptyque, repris par l’association négaWatt en 2002, “sobriété, efficacité, renouvelables”. Depuis l’ADEME et RTE ont intégré la sobriété à certains de leurs scénarios de transition. Mais les débats sur la transition en France sont biaisés par la question du nucléaire. On réfléchit à partir de la production d’électricité, alors qu’il faut partir de la consommation. Il faut également sortir du débat “ENR ou nucléaire”, car ce sont des choix technologiques. Par ailleurs, le 100 % renouvelables n’est possible que dans une économie sobre. Ce qu’il faut c’est donc une métamorphose du système : quand on parle de sobriété on remet l’humain au centre ainsi que le concept d’équité, et on part de là pour choisir la production.

  • Lors d’une précédente interview, vous nous expliquiez que ”la sobriété, c’est tout simplement revenir aux besoins essentiels en partageant équitablement les ressources naturelles et le budget carbone qu’il nous reste.” Quels sont les moyens d’y parvenir ? Comment ne pas faire reposer le poids de la sobriété sur les individus seuls ?

La sobriété dépend des politiques publiques : elles provoquent des pratiques du quotidien qui vont faire en sorte que les individus changent de comportement. À Paris par exemple, les gens font du vélo parce que la mairie a mis en place des pistes cyclables. Faire reposer la sobriété sur les individus sans mettre en place les politiques publiques qui la favorisent, ça revient à ne rien faire (hormis culpabiliser les individus). Comme lorsque le Président a demandé à la Première ministre un plan de sobriété l’hiver dernier : il demandait des changements de comportement, et non des politiques de sobriété.
En tant que citoyen on peut commencer par agir en votant, notamment aux élections européennes. Il faut élire des personnes qui ont démontré qu’elles se battent pour des politiques ambitieuses sur le plan environnemental. Pour avoir de la sobriété en France, il faut d’abord de la sobriété dans les politiques de l’Union européenne.

• Propos recueillis par Mathilde Damecour, chargée de campagne



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