Suède
Une étincelle suffit pour provoquer un accident nucléaire !
LEurope est passée à deux doigts de la catastrophe nucléaire le 25 juillet 2006 à cause dun court-circuit qui a provoqué le black-out dun réacteur à Forsmark en Suède. Selon un ancien responsable de cette centrale, cest lévénement le plus dangereux depuis Harrisburg et Tchernobyl.
Alors que la panne gravissime du réacteur suédois a fait la UNE de la presse en Europe, on en a très peu entendu parler en France. Le Réseau "Sortir du nucléaire" apporte donc la lumière sur le plus grave événement lié à un réacteur nucléaire depuis lexplosion de Tchernobyl, il y a exactement 20 ans.
Le 25 juillet dernier à la centrale nucléaire de Forsmark (Suède) un court-circuit dans le réseau électrique extérieur de la centrale a provoqué la perte dalimentation électrique du réacteur n°1. Le réacteur a alors été stoppé dun seul coup en raison de la coupure de courant. Tous les écrans de la salle de contrôle se sont éteints simultanément : les opérateurs se sont retrouvés sans les commandes face à un réacteur incontrôlé et incontrôlable. Une seule solution pour éviter la fusion du coeur : mettre en route les quatre générateurs de secours pour alimenter en électricité les pompes de refroidissement du réacteur. Mais aucun na démarré spontanément comme il aurait dû le faire dès quune panne de lalimentation extérieure survient. Deux générateurs samorcèrent après un temps de latence sur lequel l’exploitant et les autorités suédoises gardent le flou mais deux autres générateurs nont pas répondu. Il semblerait que les batteries des générateurs aient été affectées par le court-circuit. Le cur ne pouvant plus désormais suffisamment évacuer sa chaleur, sest échauffé [1], le niveau de leau dans le circuit primaire a baissé de deux mètres et la pression a dégringolé à 12 bars alors quelle doit être maintenue à 70 bars. Dans ces conditions laccident majeur nest plus quune question de minutes. Or il faudra 23 minutes à léquipe en place pour finalement arriver à démarrer manuellement les deux autres générateurs de secours. 23 minutes pendant lesquelles les opérateurs nont pas su si le réacteur était vraiment à larrêt et si leurs actions avaient les conséquences voulues [2]. Pourquoi seulement deux générateurs sur quatre ont-ils finalement démarré alors que les quatre générateurs étaient de même conception ?
On lignore toujours.
Que se serait-il passé si aucun des générateurs de secours navait fonctionné à Forsmark le 25 juillet ?
La première phase de la destruction du cur, selon les Suédois, se serait produite 7 minutes plus tard et la fusion, dans lheure qui aurait suivi, produisant un dégagement colossal de radioactivité qui se serait disséminée dans toute lEurope. Une fois le processus de fusion du cur entamé, lexplosion du réacteur risquait de se produire à nimporte quel moment [3]. Le réacteur de Forsmark est bien passé très très près de la catastrophe nucléaire.
Un ancien responsable et constructeur du réacteur n°1 de Forsmark, Lars-Olov Höglund, a confirmé quil sagissait bien dun événement gravissime : "Cest un pur hasard si la fusion du cur na pas eu lieu" déclara-t-il au journal suédois Svenska Dagablet [4].
Faut-il rappeler que lorganisme de contrôle nucléaire américain, la NRC [5], estime que 50 % des scénarios menant à la fusion du cur ont une seule et même cause : la coupure de courant du
réacteur [6] ?
Comme un défaut générique est très vraisemblablement à lorigine de la panne gravissime, lorganisme de contrôle nucléaire suédois a fermé préventivement trois réacteurs.
Si lon tient compte des réacteurs fermés pour maintenance, la Suède a aujourdhui la moitié de ses réacteurs en berne. LAllemagne et la Finlande examinent de près chacun de leurs réacteurs nucléaires et la France, bien évidemment, ne fait rien, persuadée quelle est de son infaillibilité. On pourra toujours nous raconter que cela ne peut pas arriver aux réacteurs français parce que leur conception est différente mais cest un court-circuit hors du réacteur qui a mis à genoux le réacteur suédois.
EDF et la DGSNR [7] doivent impérativement démontrer que ce risque nexiste pas en France. Jusquà preuve du contraire, laccident majeur nucléaire est possible en France en raison dun court-circuit sur le réseau électrique. En attendant, les 58 réacteurs nucléaires français doivent être arrêtés et inspectés minutieusement pour déterminer sil y a ou non un tel défaut
générique.
Oui, on peut perdre le contrôle dun réacteur occidental récent pendant plus de 20 minutes. Oui, on risque laccident nucléaire à cause dun simple court-circuit. Non, les tenants de latome nont pas tout prévu. Preuve en est la déclaration de lAIEA [8] rapportée lannée dernière par lexploitant du réacteur suédois : La centrale nucléaire de Forsmark est une des plus sûres au monde et il devrait être possible de la faire fonctionner pendant encore 50 ans [9].
Belle clairvoyance !
La technologie nucléaire est extrêmement fragile par essence parce quelle met en uvre une infinité de procédés plus complexes les uns que les autres, rendant les sources daccidents multiples et imprévisibles. Le nucléaire est par nature périlleux et ingérable. Forsmarks Kraftgrupp, lexploitant de la centrale de Forsmark, lavait probablement oublié en affirmant en 2005 qu"un réacteur nucléaire nest en réalité quune bouilloire géante" [10].
La crise nucléaire de Forsmark montre clairement que les réacteurs russes RBMK ne sont pas les seuls à être dangereux mais que, bien au contraire, tous les réacteurs nucléaires sont menaçants même sils sont construits par une des nations les plus développées au monde, la Suède. Le nucléaire nous fait prendre des risques ahurissants sans pouvoir assurer notre sécurité.
Le jeu en vaut-il vraiment la chandelle ?
Pour quon arrête de jouer nos vies à la roulette russe, exprimons notre refus de lénergie nucléaire à nos gouvernants en rejoignant le 17 mars 2007 les manifestations du Réseau "Sortir du nucléaire" contre la relance du nucléaire à Lyon, Toulouse, Rennes, Strasbourg et Lille.
Martin Leers,
chargé de campagne au Réseau "Sortir du nucléaire"
Dossier complet sur cette crise nucléaire : www.sortirdunucleaire.fr
[1] Même lorsque un réacteur nucléaire ne produit pas délectricité, il faut continuer à le refroidir car des fissions nucléaires se poursuivent à lintérieur du coeur. A titre dexemple, un réacteur de 1300 MW un mois après son arrêt produit encore 6 MW de puissance résiduelle.
[2] Rapport préliminaire de lorganisme de sûreté nucléaire suédois concernant Forsmark 1 : www.ski.se
[3] Notamment due à lémission dhydrogène produit par loxydation du zirconium des gaines abritant le combustible quand le cur fond (cf. rapport scientifique d’activité 2002 de l’IRSN p.28).
[4] https://www.svd.se/dynamiskt/inrikes/did_13348422.asp
[5] Nuclear Regulatory Commission
[6] HIRSCH, Helmut, Nuclear Reactor Hazards Report. p.121.
[7] Direction Générale de la Sûreté Nucléaire et de la Radioprotection
[8] Agence Internationale de lEnergie Atomique
[9] https://www.forsmark.com/upload/277/eng_broschyr.pdf
[10] https://www.forsmark.com/upload/277/eng_broschyr.pdf