29 septembre 1957
La perte de refroidissement d’un réservoir de déchets radioactifs a entrainé son explosion. La catastrophe est survenue non loin de la ville de Tcheliabinsk. Elle a entraîné des rejets radioactifs très importants en dehors du site et au moins 200 personnes sont mortes. Environ 10 000 personnes ont été évacuées et une zone de 250 km² a été interdite d’accès. L’accident, tenu secret par le régime soviétique, ne fût révélé qu’en 1976 par Jaurès Medvedev.
Trente-trois ans avant Tchernobyl, l’URSS a subi dans l’Oural une catastrophe nucléaire de grande ampleur : 2 millions de curies (1) auraient été rejetés dans l’atmosphère le 29 septembre 1957, à 16 h 20, polluant la région de Kychtym, dans l’Oural, entre Sverdlovsk et Tcheliabinsk. Il s’agissait du premier centre soviétique de production de plutonium militaire édifié dès 1949, sous la conduite de l’académicien Igor Kourtchatov, et aucune information ne transpira en URSS ni à l’étranger (2). Le site contient des réacteurs plutonigènes pour fabriquer les charges nucléaires des missiles. Sur les six réacteurs, quatre viennent d’être fermés cette année(ndr :1990) Le cinquième le sera courant octobre. Quant au dernier, il fonctionne encore. [...]
Pour le traitement du combustible nucléaire et l’extraction du plutonium, une usine d’enrichissement avait été construite. Il fallait donc apprendre à maîtriser le maniement des déchets radioactifs. On en ignorait presque tout : de 1949 à 1952, on déversa dans un plan d’eau plusieurs millions de curies d’éléments radioactifs. Les responsables, ayant fini par soupçonner les dangers de cette pratique, décidèrent de stocker les déchets dans de grands réservoirs.
M. Séné : Le retraitement des combustibles irradiés d’où l’on extrait le plutonium entraîne des déchets hautement radioactifs, appelés produits de fission et dégageant une chaleur intense. Ces déchets se présentent sous forme liquide et doivent être stockés et refroidis pendant de longues périodes dans des enceintes spéciales C’est ce type de déchets qui est brassé et refroidi en permanence dans d’immenses cuves dans l’usine de retraitement française de La Hague, à la pointe du Cotentin.
A Kychtym, ces dépôts étaient constitués d’un ensemble de 60 réservoirs souterrains en acier inoxydable. Chaque réservoir d’un volume de 250 m3, était installé dans une sorte de fosse en béton aux parois de 60 cm d’épaisseur. La fosse de chaque réservoir était recouverte d’une dalle de 150 cm en béton d’un poids avoisinant les 160 t. Les réservoirs étaient refroidis en permanence grâce à une circulation d’eau à l’intérieur des fosses. La température à l’intérieur des cuves se situait autour de 300 à 350 degrés C. Plusieurs fois par jour, des équipes spécialisées vérifiaient la température et le niveau des solutions dans les réservoirs.
Le 29 septembre 1957, ces équipes n’avaient rien remarqué d’anormal, sinon que les parois d’un des réservoirs étaient chaudes mais les appareils de mesure n’avaient pas détecté d’élévation de la radioactivité. Il n’y avait alors que très peu de temps qu’on avait mis en service le premier réacteur ; dans le monde entier, ingénieurs et physiciens connaissaient encore très mal les processus, qu’ils découvraient au jour le jour.
Or, dans cette boîte de béton, le refroidissement par eau s’était interrompu, provoquant l’échauffement de la matière stockée, puis son ébullition. Les solutions contenaient, entre autres, du nitrate d’ammonium, un puissant explosif. Au fur et à mesure que ce composé se concentrait et s’échauffait il se rapprochait d’un point critique qui finit par être atteint, ce qui se traduisit par une violente explosion équivalente à de 5 à 10 tonnes de TNT. L’explosion fracassa le réservoir et souffla. comme une plume son couvercle de béton, tandis que les parois de la fosse étaient rejetées à plusieurs centaines de mètres de là.
Bien que cette explosion ne fût pas d’origine nucléaire mais chimique exothermique, elle rejeta à proximité du site 90 % des produits radioactifs que contenait le réservoir, tandis que les 10 % restants, soit 2 millions de curies, s’échappaient dans l’atmosphère. Le nuage monta à un kilomètre d’altitude. Un vent fort soufflait ; le nuage se dirigea vers le nord-est, laissant au sol une trace radioactive tout en longueur. Les scientifiques appelèrent celle-ci "VOURS" (Vostochono-Ouralski Radioactivni Sled), c’est-à-dire "trace radioactive de l’Oural de l’Est". La trace s’étalait sur plus d’une centaine de kilomètres de long