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Sortir du nucléaire n°84



Hiver 2020

Alerter

Surveillance de la radioactivité : les citoyens agissent

En matière de nucléaire on peut s’intéresser au fonctionnement des centrales, à la gestion des déchets, aux transports, aux questions militaires mais également à la radioactivité. C’est en tout cas le choix de l’ACRO, de la CRIIRAD, et du Réseau Citoyen de surveillance de la Radioactivité Golfech-Le Blayais (RCSRGB). Interview croisée.

Autres organisations Pollution radioactive

Parlez-nous de la création de vos associations, de leurs objectifs et missions ?

ACRO : L’ ACRO est un laboratoire indépendant, créé en 1986 après Tchernobyl, dans une région fortement nucléarisée. Nos objectifs sont la protection de l’environnement, de la nature et de l’homme et la démocratisation des choix scientifiques et technologiques. L’ ACRO n’est pas antinucléaire. Pour faire vivre le laboratoire  [1] nous avons une activité commerciale (vente d’analyses et d’expertises, surveillance de laboratoires de recherche). Nous siégeons dans les CLI, au Haut comité à la transparence, au Comité d’orientation des recherches de l’IRSN, au débat public sur le PNGMDR... Nous essayons d’y influencer les décideurs. Nos résultats de mesure dans l’environnement sont tous publiés sur notre site Internet et versés dans la base nationale de mesures. Notre laboratoire est agréé par l’ASN.

CRIIRAD : La CRIIRAD  [2] est une association loi 1901, née en 1986, suite à la catastrophe de Tchernobyl, en réaction aux mensonges des autorités concernant l’intensité des retombées radioactives sur le territoire français. Son objectif est d’améliorer l’information et par voie de conséquence la protection des citoyens vis-à-vis des risques liés aux rayonnements ionisants, qu’il s’agisse de radioactivité naturelle, de pratiques médicales ou du nucléaire. Pour cela, elle dispose de son propre laboratoire d’analyse qui comporte sept techniciens et ingénieurs. Le laboratoire est agréé par l’ASN pour certaines mesures.

RCSRGB : La création du RCSRGB a été déclenchée le 19 octobre 2016 quand la centrale de Golfech a rejeté dans l’atmosphère des éléments radioactifs. Au même moment, un releveur indépendant signale des valeurs trop élevées à proximité  [3]. Cela a semé le doute sur la surveillance par les autorités. Nous avons donc voulu contrôler la radioactivité autour de la centrale par nous-mêmes. Nous avons été une quarantaine à suivre une formation dispensée par la CRIIRAD et le RCSRGB a été créé le 14 octobre 2017. Nous souhaitons développer un réseau d’une vingtaine de releveurs.

Comment fonctionnent vos observatoires citoyens de la radioactivité ?

ACRO : Nous organisons, depuis 15 ans, des campagnes de prélèvements, une fois par mois à La Hague, deux fois par an sur le littoral Normand, et de manière moins régulière sur tous les cours d’eau du bassin Seine Normandie. Nous avons un réseau d’un peu plus de 200 préleveurs qui réalisent 50 % de nos mesures de surveillance. Depuis deux ans nous surveillons également la Loire, à l’initiative et avec, des associations membres du Réseau “Sortir du nucléaire“.

Les points de vigilance sont la Loire, avec cette affaire des 310 Bq relevés, et le tritium dans l’eau du robinet. En cas d’accident grave, si Nogent a une fuite par exemple, comment les autorités vont-elles alimenter les 4 millions de Franciliens en eau potable ?

CRIIRAD : Afin d’informer très rapidement la population en cas de contamination, et avec le soutien de nombreuses collectivités territoriales, la CRIIRAD a mis en place, dès les années 90, un réseau de balises de surveillance en continu de la radioactivité atmosphérique. Il s’étend de la centrale du Bugey jusqu’en Avignon. Il ne s’agit pas de se substituer aux organismes officiels, mais d’exercer une vigilance qui les oblige à rendre compte de la réalité. Le collectif “nucléairejebalise“ porte actuellement un projet d’installation d’une balise en région parisienne.

Le réseau de préleveurs bénévoles est complémentaire. Il s’agit de citoyens, adhérents de la CRIIRAD, qui ont été formés pour effectuer régulièrement des mesures du taux de radiation ambiant, le recueil des eaux de pluie et en cas de besoin prélever le couvert végétal et le sol. Les résultats des premières mesures, qui ne concernaient que le sud-est, sont disponibles sur notre site  [4]. Le réseau compte actuellement une trentaine de participants répartis sur le territoire national.

RCSRGB : Nos neuf mesureurs relèvent la radioactivité quotidiennement. Nous avons fait analyser les sédiments, les plantes et l’eau de la Garonne suite aux révélations faites par l’ACRO sur le tritium dans l’eau. Nous menons des campagnes d’information du public via les médias régionaux, par exemple pour dénoncer la balise Téleray  [5] défectueuse sur le lieu de pompage en eau potable de la ville d’Agen. Nous sommes en lien avec les élus des communes voisines de la centrale afin de les tenir informés de nos résultats. Nous participons également à la CLI locale.

Qui peut rejoindre votre réseau de surveillance et comment faire ?

ACRO : Dans la zone du littoral normand, il suffit d’envoyer un mail à l’ACRO (NDLR : coordonnées ci-contre), pour être ajouté à la liste des préleveurs volontaires et prévenu par mail des campagnes qui sont aussi annoncées sur notre site Internet.

Pour la Loire et la Vienne, le mieux est de contacter les associations locales (NDLR : https://www.sortirdunucleaire.org/Groupes).

Dans une région où il n’y a pas d’observatoire si des personnes sont prêtes à en monter un, nous sommes partants, notamment sur la Seine. Avis aux amateurs !

CRIIRAD : Nous aimerions à terme avoir plusieurs bénévoles formés autour de chaque installation nucléaire mais il nous faut trouver pour cela d’avantage d’adhérents ainsi que les ressources financières nécessaires (NDLR : coordonnées ci-dessus).

Nous avons mis en place depuis plus de 20 ans des stages à l’utilisation d’un compteur Geiger pour le grand public. C’est en formant des citoyens, en France, au Niger et au Japon, que nous avons pu dénoncer des contaminations. Sans être membres du réseau CRIIRAD, les citoyens peuvent aussi s’inscrire aux stages sur notre site.

RCSRGB : Toutes les personnes intéressées pour devenir préleveurs ou pour soutenir l’association sont les bienvenues ! Il est possible de devenir adhérent ou de contribuer à notre crowdfunding. Les adhérents qui souhaitent participer à un autre niveau (réunion, prises de décision, vote), doivent être cooptés par un autre adhérent occupant déjà ce type de rôle.

Propos recueillis par Anne-Lise Devaux


Notes

[1L’ ACRO a également contribuée à la création d’un laboratoire après 2011 dans la banlieue de Tokyo.

[2Commission de Recherche et d’Information Indépendantes sur la Radioactivité

[3Entre 0,18 - 0,20 microSv alors que le bruit de fond se situe autour de 0,10.

[5Balise qui mesure la radioactivité

Parlez-nous de la création de vos associations, de leurs objectifs et missions ?

ACRO : L’ ACRO est un laboratoire indépendant, créé en 1986 après Tchernobyl, dans une région fortement nucléarisée. Nos objectifs sont la protection de l’environnement, de la nature et de l’homme et la démocratisation des choix scientifiques et technologiques. L’ ACRO n’est pas antinucléaire. Pour faire vivre le laboratoire  [1] nous avons une activité commerciale (vente d’analyses et d’expertises, surveillance de laboratoires de recherche). Nous siégeons dans les CLI, au Haut comité à la transparence, au Comité d’orientation des recherches de l’IRSN, au débat public sur le PNGMDR... Nous essayons d’y influencer les décideurs. Nos résultats de mesure dans l’environnement sont tous publiés sur notre site Internet et versés dans la base nationale de mesures. Notre laboratoire est agréé par l’ASN.

CRIIRAD : La CRIIRAD  [2] est une association loi 1901, née en 1986, suite à la catastrophe de Tchernobyl, en réaction aux mensonges des autorités concernant l’intensité des retombées radioactives sur le territoire français. Son objectif est d’améliorer l’information et par voie de conséquence la protection des citoyens vis-à-vis des risques liés aux rayonnements ionisants, qu’il s’agisse de radioactivité naturelle, de pratiques médicales ou du nucléaire. Pour cela, elle dispose de son propre laboratoire d’analyse qui comporte sept techniciens et ingénieurs. Le laboratoire est agréé par l’ASN pour certaines mesures.

RCSRGB : La création du RCSRGB a été déclenchée le 19 octobre 2016 quand la centrale de Golfech a rejeté dans l’atmosphère des éléments radioactifs. Au même moment, un releveur indépendant signale des valeurs trop élevées à proximité  [3]. Cela a semé le doute sur la surveillance par les autorités. Nous avons donc voulu contrôler la radioactivité autour de la centrale par nous-mêmes. Nous avons été une quarantaine à suivre une formation dispensée par la CRIIRAD et le RCSRGB a été créé le 14 octobre 2017. Nous souhaitons développer un réseau d’une vingtaine de releveurs.

Comment fonctionnent vos observatoires citoyens de la radioactivité ?

ACRO : Nous organisons, depuis 15 ans, des campagnes de prélèvements, une fois par mois à La Hague, deux fois par an sur le littoral Normand, et de manière moins régulière sur tous les cours d’eau du bassin Seine Normandie. Nous avons un réseau d’un peu plus de 200 préleveurs qui réalisent 50 % de nos mesures de surveillance. Depuis deux ans nous surveillons également la Loire, à l’initiative et avec, des associations membres du Réseau “Sortir du nucléaire“.

Les points de vigilance sont la Loire, avec cette affaire des 310 Bq relevés, et le tritium dans l’eau du robinet. En cas d’accident grave, si Nogent a une fuite par exemple, comment les autorités vont-elles alimenter les 4 millions de Franciliens en eau potable ?

CRIIRAD : Afin d’informer très rapidement la population en cas de contamination, et avec le soutien de nombreuses collectivités territoriales, la CRIIRAD a mis en place, dès les années 90, un réseau de balises de surveillance en continu de la radioactivité atmosphérique. Il s’étend de la centrale du Bugey jusqu’en Avignon. Il ne s’agit pas de se substituer aux organismes officiels, mais d’exercer une vigilance qui les oblige à rendre compte de la réalité. Le collectif “nucléairejebalise“ porte actuellement un projet d’installation d’une balise en région parisienne.

Le réseau de préleveurs bénévoles est complémentaire. Il s’agit de citoyens, adhérents de la CRIIRAD, qui ont été formés pour effectuer régulièrement des mesures du taux de radiation ambiant, le recueil des eaux de pluie et en cas de besoin prélever le couvert végétal et le sol. Les résultats des premières mesures, qui ne concernaient que le sud-est, sont disponibles sur notre site  [4]. Le réseau compte actuellement une trentaine de participants répartis sur le territoire national.

RCSRGB : Nos neuf mesureurs relèvent la radioactivité quotidiennement. Nous avons fait analyser les sédiments, les plantes et l’eau de la Garonne suite aux révélations faites par l’ACRO sur le tritium dans l’eau. Nous menons des campagnes d’information du public via les médias régionaux, par exemple pour dénoncer la balise Téleray  [5] défectueuse sur le lieu de pompage en eau potable de la ville d’Agen. Nous sommes en lien avec les élus des communes voisines de la centrale afin de les tenir informés de nos résultats. Nous participons également à la CLI locale.

Qui peut rejoindre votre réseau de surveillance et comment faire ?

ACRO : Dans la zone du littoral normand, il suffit d’envoyer un mail à l’ACRO (NDLR : coordonnées ci-contre), pour être ajouté à la liste des préleveurs volontaires et prévenu par mail des campagnes qui sont aussi annoncées sur notre site Internet.

Pour la Loire et la Vienne, le mieux est de contacter les associations locales (NDLR : https://www.sortirdunucleaire.org/Groupes).

Dans une région où il n’y a pas d’observatoire si des personnes sont prêtes à en monter un, nous sommes partants, notamment sur la Seine. Avis aux amateurs !

CRIIRAD : Nous aimerions à terme avoir plusieurs bénévoles formés autour de chaque installation nucléaire mais il nous faut trouver pour cela d’avantage d’adhérents ainsi que les ressources financières nécessaires (NDLR : coordonnées ci-dessus).

Nous avons mis en place depuis plus de 20 ans des stages à l’utilisation d’un compteur Geiger pour le grand public. C’est en formant des citoyens, en France, au Niger et au Japon, que nous avons pu dénoncer des contaminations. Sans être membres du réseau CRIIRAD, les citoyens peuvent aussi s’inscrire aux stages sur notre site.

RCSRGB : Toutes les personnes intéressées pour devenir préleveurs ou pour soutenir l’association sont les bienvenues ! Il est possible de devenir adhérent ou de contribuer à notre crowdfunding. Les adhérents qui souhaitent participer à un autre niveau (réunion, prises de décision, vote), doivent être cooptés par un autre adhérent occupant déjà ce type de rôle.

Propos recueillis par Anne-Lise Devaux



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