Une étude internationale révise à la hausse les effets du nucléaire et propose des normes plus drastiques.
Cest une solide dose de poil à gratter que quarante-six scientifiques viennent de glisser dans la boîte aux lettres de diverses institutions internationales, dont la Commission européenne. Le premier rapport (1) du Comité européen sur les risques de radiations (2) remet en cause les normes et méthodes dévaluation qui ont prévalu jusquà présent en matière de radioprotection.
Sollicitée et financée par le groupe Verts européens, il y a cinq ans, lélaboration de cette étude a été coordonnée par le chimiste anglais Chris Busby et a rassemblé une palette dexperts « indépendants » du monde entier. Nous avons développé une méthodologie qui remédie aux manquements bien connus de la commission internationale de protection contre les rayonnements (CIPR), expose Chris Busby, cheville ouvrière de létude. Le modèle du CIPR a une base physique datant de la découverte de lADN. Comme tous les modèles, elle est de nature mathématique, réductrice et simpliste. Bref dépassée.
Historiques, ces modèles prennent pour base danalyse la quantité de cancers et de leucémies constatés suite à lexplosion de Hiroshima en 1945. Une relation linéaire trop simple, estiment les experts, qui déplorent labsence de prise en compte de facteurs liés à lexposition interne (ingestion et inhalation de particules) à la base de nombreux cancers, notamment aux abords des usines de retraitement de plutonium, en Russie. Mais les cancers ne sont pas les seules affections visées, pointe létude, qui évoque les mutations de lADN induites par la catastrophe de Tchernobyl, en 1986.
Un facteur de risque multiplié par soixante
Afin de revoir lévaluation des risques lors des expositions aux rayonnements ionisants (essais nucléaires, pollution historique, proximité de centrales
), létude a créé de nouveaux facteurs de pondération dits de « danger biophysique » ou de « danger lié la biochimie de lisotope ». En appliquant ces principes aux données officielles des Nations Unies, limpact sur la santé humaine dune faible irradiation chronique est multiplié par soixante ! Si bien que le total des morts par cancers est estimé à quelque 61,6 millions depuis 1945, contre 1,1 million selon les sources officielles. Le nombre de cancers est pour sa part évalué à 123,2 millions contre 2,3. Létude estime en outre que les radiations ont induit une importante mortalité infantile et ftale (3,4 millions).
Conséquence « logique » pour ces experts : il importe de réduire la dose maximale de rayonnement admissible à 0,1 millisievert (contre 1 mSv actuellement) pour chaque être humain. Cela fait quinze ans que je collecte et janalyse limpact des radiations à faible dose, commente le biologiste russe Alexey Yablokov, coauteur de létude. Ces données mont convaincu que les standards internationaux ont jusquà présent reflété davantage les intérêts de lindustrie nucléaire que le souci réel de la santé humaine. Ce rapport est une bonne base pour créer un nouveau Comité mondial sur les risques des radiations !
Un vecteur politique, donc. Les Verts européens déclarent vouloir utiliser les résultats de cette étude afin de renforcer les normes européennes. Le Parlement sest prononcé en ce sens, il y a quatre ans. Mais il avait été désavoué par le Commission. Du poil à gratter, disait-on ?
Christophe Schoune
Article paru dans le journal Le Soir (Belgique) du 12 février 2003
(1) Synthèse et commande du rapport : www.euradcom.org
(2) CERR, Comité européen sur le risque de lirradiation, avenue de la Fauconnerie, 73, B-1170 Bruxelles-Belgique
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