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Ukraine : Guerre et risques nucléaires

Risques nucléaires en Ukraine : "le danger est clair et présent"

Article publié le 24 août 2022



Quels risques la guerre fait-elle peser sur la sécurité des installations nucléaires ? À quelles menaces les populations riveraines des centrales ukrainiennes et les personnes travaillant dans les installations doivent-elles faire face ?

Andrey Ozharovskiy, "ingénieur nucléaire de formation et militant antinucléaire par conscience", fait le point sur la situation.

La centrale de Zaporijjia - © ralph1969 cc 3.0 - image modifiée


La principale chose à garder à l’esprit est que les installations nucléaires sont si spécifiques qu’elles sont mentionnées dans les conventions de Genève.

En février, le directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), Rafael Mariano Grossi, a souligné que la Conférence générale de l’AIEA - le rassemblement annuel de tous les États membres de l’organisation - a adopté une décision en 2009 stipulant que "toute attaque armée et menace contre des installations nucléaires consacrées à des fins pacifiques constitue une violation des principes de la Charte des Nations Unies, du droit international et du Statut de l’Agence". 2

Ainsi, le danger clair et présent de toute attaque armée et menace contre les installations nucléaires est évident.

Prenons l’exemple de la centrale nucléaire de Zaporijia. Les forces armées russes ont pris le contrôle du site de la centrale nucléaire après une bataille à grande échelle. Un des bâtiments accueillant un réacteur a été endommagé, un bâtiment non nucléaire (un centre de formation) a presque été détruit.

Les principaux risques sont :

1/ Une défaillance du confinement qui peut à son tour provoquer une défaillance et une fusion de la cuve du réacteur.

En cas de bombardement (intentionnel ou non) de l’un des 6 réacteurs que compte la centrale de Zaporijia par de l’artillerie lourde ou un missile, le confinement du bâtiment peut être fortement endommagé et, par conséquent, le réacteur peut lui-aussi être endommagé. Début mars, au moment de l’attaque sur la centrale, trois des six réacteurs étaient dans un état "chaud". S’ils avaient été endommagés, la pression aurait pu laisser échapper environ le quart de l’inventaire radioactif du réacteur.

Une fusion à grande échelle du réacteur aurait alors pu se produire. Cela pourrait entraîner une forte contamination radioactive dans un rayon de plusieurs centaines de kilomètres autour du site.

© Oleksandra Bardash - unsplash

2/ Une défaillance des conteneurs de combustible nucléaire usé

Il y a un espace de stockage à sec des barres de combustible nucléaire usé sur le site de la centrale nucléaire de Zaporijia : quelques 150 conteneurs, accueillant 24 assemblages de combustible usé chacun. En cas de bombardement, les conteneurs peuvent être détruits et le combustible nucléaire usé serait dispersé dans l’environnement. La contamination peut s’étendre sur quelques centaines de mètres seulement.

3/ Les erreurs humaines d’exploitation de la centrale

Le stress subit par le personnel sur place est un facteur sérieux. Malgré le fait que la centrale nucléaire de Zaporijia est maintenant sous contrôle russe, la production d’énergie n’a pas été arrêtée et 2 ou 3 réacteurs sont en phase "chaude". Les actions des opérateurs sont donc essentielles, mais on ne peut pas être sûr que les techniciens et les autres membres du personnel travaillant dans la centrale puissent agir efficacement sous la pression car l’armée étrangère contrôle leur installation.

4/ Un vide juridique

Personne ne sait qui est responsable de la sûreté nucléaire et de la radioprotection à la centrale nucléaire de Zaporijia. Il est clair que l’Ukraine a perdu le contrôle, mais la Russie (et en particulier "Rosatom", l’entreprise nucléaire russe d’État) n’a pas officiellement confirmé qu’elle était désormais aux commandes. Récemment, un haut responsable russe a déclaré que la Russie pouvait vendre de l’électricité produite à la centrale nucléaire de Zaporijia à l’Ukraine mais les forces russes n’ont pas pris la responsabilité de la sécurité nucléaire et radiologique, et n’ont pas officiellement informé l’AIEA qu’elles contrôlaient cette centrale.

Propos recueillis par Louiselle Debiez

Des soldats russes irradiés à Tchernobyl ?

© filip andrejevic - unsplash

Sur leur belliqueux chemin vers Kyiv, les soldats russes se sont arrêtés à Tchernobyl. Entre le 24 février et le 31 mars, ils ont occupé la zone d’exclusion qui englobe la centrale nucléaire. Tranchées dans la "forêt rousse", l’une des zones les plus contaminée du monde, sorties dans des zones conta- minées, "visite" des installations où se trouvent des sources radioactives... Durant leurs 5 semaines d’occupation de cette zone, les soldats russes se seraient exposés à de fortes doses de radiations. Si plusieurs sources ukrainiennes, biélorusses et même britanniques ont rapporté des cas de contamination et de syndrome d’irradiation aiguë, des mesures réalisées sur place après leur départ tendent plutôt à prouver que les doses reçues seraient insuffisantes pour conduire à un tel risque pour les soldats. Dans un échange avec le media CheckNews Jean-Christophe Gariel, directeur général adjoint de l’Institut français de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) insiste : "il faut rester extrêmement prudent quant à ce que l’on peut dire concernant ce qui se déroule actuellement dans cette zone de guerre. Nos informations sur ce qui s’y passe restent très limitées". [1]

Toujours est-il que l’on peut se questionner sur les impacts à long terme sur la santé des soldats russes, de même que sur leur niveau de connaissance des risques liés à l’occupation du site de Tchernobyl...

La principale chose à garder à l’esprit est que les installations nucléaires sont si spécifiques qu’elles sont mentionnées dans les conventions de Genève.

En février, le directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), Rafael Mariano Grossi, a souligné que la Conférence générale de l’AIEA - le rassemblement annuel de tous les États membres de l’organisation - a adopté une décision en 2009 stipulant que "toute attaque armée et menace contre des installations nucléaires consacrées à des fins pacifiques constitue une violation des principes de la Charte des Nations Unies, du droit international et du Statut de l’Agence". 2

Ainsi, le danger clair et présent de toute attaque armée et menace contre les installations nucléaires est évident.

Prenons l’exemple de la centrale nucléaire de Zaporijia. Les forces armées russes ont pris le contrôle du site de la centrale nucléaire après une bataille à grande échelle. Un des bâtiments accueillant un réacteur a été endommagé, un bâtiment non nucléaire (un centre de formation) a presque été détruit.

Les principaux risques sont :

1/ Une défaillance du confinement qui peut à son tour provoquer une défaillance et une fusion de la cuve du réacteur.

En cas de bombardement (intentionnel ou non) de l’un des 6 réacteurs que compte la centrale de Zaporijia par de l’artillerie lourde ou un missile, le confinement du bâtiment peut être fortement endommagé et, par conséquent, le réacteur peut lui-aussi être endommagé. Début mars, au moment de l’attaque sur la centrale, trois des six réacteurs étaient dans un état "chaud". S’ils avaient été endommagés, la pression aurait pu laisser échapper environ le quart de l’inventaire radioactif du réacteur.

Une fusion à grande échelle du réacteur aurait alors pu se produire. Cela pourrait entraîner une forte contamination radioactive dans un rayon de plusieurs centaines de kilomètres autour du site.

© Oleksandra Bardash - unsplash

2/ Une défaillance des conteneurs de combustible nucléaire usé

Il y a un espace de stockage à sec des barres de combustible nucléaire usé sur le site de la centrale nucléaire de Zaporijia : quelques 150 conteneurs, accueillant 24 assemblages de combustible usé chacun. En cas de bombardement, les conteneurs peuvent être détruits et le combustible nucléaire usé serait dispersé dans l’environnement. La contamination peut s’étendre sur quelques centaines de mètres seulement.

3/ Les erreurs humaines d’exploitation de la centrale

Le stress subit par le personnel sur place est un facteur sérieux. Malgré le fait que la centrale nucléaire de Zaporijia est maintenant sous contrôle russe, la production d’énergie n’a pas été arrêtée et 2 ou 3 réacteurs sont en phase "chaude". Les actions des opérateurs sont donc essentielles, mais on ne peut pas être sûr que les techniciens et les autres membres du personnel travaillant dans la centrale puissent agir efficacement sous la pression car l’armée étrangère contrôle leur installation.

4/ Un vide juridique

Personne ne sait qui est responsable de la sûreté nucléaire et de la radioprotection à la centrale nucléaire de Zaporijia. Il est clair que l’Ukraine a perdu le contrôle, mais la Russie (et en particulier "Rosatom", l’entreprise nucléaire russe d’État) n’a pas officiellement confirmé qu’elle était désormais aux commandes. Récemment, un haut responsable russe a déclaré que la Russie pouvait vendre de l’électricité produite à la centrale nucléaire de Zaporijia à l’Ukraine mais les forces russes n’ont pas pris la responsabilité de la sécurité nucléaire et radiologique, et n’ont pas officiellement informé l’AIEA qu’elles contrôlaient cette centrale.

Propos recueillis par Louiselle Debiez

Des soldats russes irradiés à Tchernobyl ?

© filip andrejevic - unsplash

Sur leur belliqueux chemin vers Kyiv, les soldats russes se sont arrêtés à Tchernobyl. Entre le 24 février et le 31 mars, ils ont occupé la zone d’exclusion qui englobe la centrale nucléaire. Tranchées dans la "forêt rousse", l’une des zones les plus contaminée du monde, sorties dans des zones conta- minées, "visite" des installations où se trouvent des sources radioactives... Durant leurs 5 semaines d’occupation de cette zone, les soldats russes se seraient exposés à de fortes doses de radiations. Si plusieurs sources ukrainiennes, biélorusses et même britanniques ont rapporté des cas de contamination et de syndrome d’irradiation aiguë, des mesures réalisées sur place après leur départ tendent plutôt à prouver que les doses reçues seraient insuffisantes pour conduire à un tel risque pour les soldats. Dans un échange avec le media CheckNews Jean-Christophe Gariel, directeur général adjoint de l’Institut français de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) insiste : "il faut rester extrêmement prudent quant à ce que l’on peut dire concernant ce qui se déroule actuellement dans cette zone de guerre. Nos informations sur ce qui s’y passe restent très limitées". [1]

Toujours est-il que l’on peut se questionner sur les impacts à long terme sur la santé des soldats russes, de même que sur leur niveau de connaissance des risques liés à l’occupation du site de Tchernobyl...



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