Stratégie industrielle
Retard en vue pour l’EPR français
Faisabilité technique à démontrer, capacités de production insuffisantes : pour Areva, les obstacles industriels saccumulent pour construire lEPR de Flammanville dici à 2012 comme prévu.
Question de crédibilité pour le numéro 1 mondial du nucléaire. A ses interlocuteurs, Anne Lauvergeon, la présidente dAreva, affirme quelle fera tout pour que la cuve de lEPR de Flamanville- 3 et notamment sa partie supérieure, la virole porte-tubulure, la pièce maîtresse qui nécessite la fonte et le travail dun lingot creux dacier faiblement allié de 420 à 430 tonnes soit fabriquée dans lex-« sanctuaire industriel du nucléaire français », dans le bassin du Creusot/Chalon-sur-Saône. Il ne peut en être autrement.
Areva, qui na déjà pas pu assurer la production de la première commande EPR destinée au finlandais TVO et a dû la sous-traiter au Japon, doit pouvoir réussir à maîtriser parfaitement lélaboration de cette énorme virole. Une condition indispensable si le groupe veut vendre demain, à la Chine ou aux Etats-Unis, le seul réacteur de troisième génération aujourdhui sur le marché. Un défi et une course de vitesse difficiles pour pouvoir surmonter cette « situation stratégique handicapante ».
Quatre ans de recherche
Résultat : le planning du premier EPR français est, à ce stade, bel et bien décalé de plusieurs années. La fabrication des pièces de la partie supérieure de la cuve, la plus complexe de lîlot nucléaire, devrait être lancée dans deux ans pour que le réacteur puisse être mis en service, comme le souhaite EDF, en 2012. Elle ne le sera pas. De même pour les générateurs de vapeur dont quatre pièces de la virole sur huit demanderont encore deux ans détudes.
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Parer au plus pressé
Faute de commandes nouvelles, la métallurgie nucléaire a perdu de sa superbe en France ces quinze dernières années, et surtout compromis son indépendance. La cuve de Civaux-2, le dernier réacteur dEDF mis en service près de Poitiers fin 1999, a été coulée et forgée au début des années 1990. Ces heures fastes ne sont plus quun lointain souvenir. De surcroît, la partie supérieure de la cuve de lEPR est très différente de celle de la génération précédente (palier N4), qui supposait la réalisation dun lingot creux de 190 tonnes, une partie supérieure de la cuve en deux pièces et une tubulure posée et soudée sur des orifices creusés dans la virole.
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Manifestement, les concepteurs du projet EPR les Allemands de Siemens et les Français réunis au sein de Framatome ANP ne se sont pas attardés sur les questions de faisabilité industrielle.
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Conséquence : il faut aujourdhui parer au plus pressé. Lingénierie dAreva est en surchauffe (trois ans et demi de commandes signées) en raison des deux grands chantiers finlandais et français, mais aussi des importantes commandes françaises et américaines en particulier (seize couvercles de cuves, vingt et un générateurs de vapeur et trois pressuriseurs). Du fait des pyramides dâge ou de larrêt du programme nucléaire allemand depuis six ans, nombre dingénieurs et de chercheurs, des deux côtés du Rhin, sont partis vers dautres horizons professionnels ou en préretraite.
Un pôle de compétitivité
Lautre défi est économique et passe par le projet de pôle de compétitivité PNB (Pôle Nucléaire Bourgogne) : lancer la fabrication de la totalité dune cuve pour un ou deux réacteurs nest plus rentable après plusieurs années de sous-activité des sites bourguignons spécialisés depuis toujours dans les composants lourds. Areva et ses partenaires souhaiteraient des engagements à long terme dEDF, au-delà de lactuelle tête de série. Combien dEPR suivront Flamanville et à quelle échéance ? Aucun engagement irrévocable na été pris ni par lEtat, ni par EDF, devenue société anonyme et déjà soucieuse de limpact de ses décisions sur son entrée en Bourse, en principe toujours prévue avant la fin de cette année.
Via ce projet, les industriels impliqués dans laventure du « réacteur du XXIe siècle » vendent aux pouvoirs publics lidée quil faut, dès maintenant, séquiper pour construire cinquante EPR. En France, bien sûr, mais aussi en Chine, en Inde, au Pakistan, en Corée du Sud ou en Suède. Soit, en moyenne, quatre EPR par an. Doù lobligation de rassembler, au plus vite, pour pouvoir « fabriquer les composants lourds du circuit primaire », 157 millions deuros de crédit, dont 140 millions pour des investissements industriels (cuve et générateurs de vapeur) et 17 millions pour la Recherche et Développement et la formation.
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Extraits de L’Usine nouvelle
Jeudi 26 mai 2005