Armement nucléaire
Projet du PS pour 2012 : quid de l’arme nucléaire ?
La campagne présidentielle et législative a démarré depuis plusieurs mois, non seulement sur le plan médiatique, mais également au sein de toute une nébuleuse de "think tanks" et autres commissions d’experts chargés d’élaborer des boîtes à outils dans laquelle les candidats viendront puiser leurs argumentaires. Le débat sur l’arme nucléaire va-t-il se limiter, comme en 2007, à l’étalage de l’incompétence des candidats autour du nombre de sous-marins nucléaires français ?
Les socialistes viennent de mettre sur la table leur projet pour 2012 : un document intitulé "Le changement" regroupant "30 priorités"*. Malaise et inquiétude : dans ce document, pas un seul paragraphe, pas une seule phrase ne traite de la Force de dissuasion… Les mots "arme nucléaire" ne sont cités ni évoqués nulle part. Comme si cela n’existait pas, comme si cela était un "gros mot", comme si cela n’entrait pas dans les fonctions majeures du président que d’être détenteur du pouvoir de déclencher le feu nucléaire !
Une seule phrase aborde — de manière floue — l’enjeu et le rôle de la force militaire pour la France : "Nous voulons une Europe qui s’engage résolument pour le développement, pour la résolution des conflits et la promotion de la paix en développant autant que possible une véritable diplomatie européenne et construisant l’Europe de la Défense, pour la lutte contre le terrorisme en protégeant les citoyens par les moyens modernes respectueux du droit, et en aidant les pays en développement et leurs peuples à combattre les organisations terroristes". Mais aucune des 30 propositions ne vient ensuite étayer concrètement ce vœu.
Or, en septembre 2010, le Conseil national du PS a adopté à l’unanimité un texte sur "La nouvelle donne internationale et européenne" appelant à placer "notre ambition internationale au cœur du projet socialiste pour 2012". Certes, ce texte ne va pas jusqu’à remettre en cause la légitimité de la dissuasion nucléaire, mais il propose que la France joue "son rôle d’impulsion dans les débats sur le désarmement et la non-prolifération des armes de destruction massive". "La France exprimera son soutien à la perspective d’un monde sans armes nucléaires", précise le document. Une "audace" bien vite oubliée à l’approche de l’ouverture de la campagne !
Faut-il en conclure que le Parti socialiste entend "redresser la France et proposer un nouveau modèle de développement" tout en maintenant la force nucléaire et ses projets de modernisation, le montant croissant des dépenses et les trop nombreux engagements militaires en cours ?
Et devant la "timidité" des socialistes à aborder franchement le débat sur la nécessité de sortir le plus rapidement possible du nucléaire — civil —, suite à la catastrophe de Fukushima au Japon, faut-il y voir la crainte que cela entraîne aussi une remise en cause du nucléaire "militaire", ou au minimum l’ouverture d’un débat sur l’utilité du maintien des 300 têtes nucléaires, dont un nombre suffisant pour détruire la planète, prêtes à déclencher le feu nucléaire en à peine quelques heures ?
Toutefois, des responsables "défense" du PS ont récemment reçu des représentants d’Armes nucléaires STOP et de l’Association des médecins pour la prévention de la guerre nucléaire. Ils ont manifesté un intérêt pour des propositions visant à réduire la force nucléaire, voire l’abandon de la Force aéroportée, ne serait-ce que pour réaliser des économies budgétaires indispensables à la réussite de leur projet…
De nouvelles rencontres sont souhaitables à leurs yeux... Saurons-nous les convaincre que la "promotion de la paix" passe par l’engagement prioritaire pour le désarmement nucléaire et que soit impérativement inclue dans leur programme une proposition n°31 manifestant l’engagement du Parti socialiste pour le désarmement nucléaire de la France ?
Patrice Bouveret
Observatoire des armements (www.obsarm.org)
* Les documents cités sont disponibles sur le site : www.parti-socialiste.fr