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Sortir du nucléaire n°48



Hiver 2010-2011

Précarité énergétique

Nucléaire + chauffage électrique + logement mal isolé = précarité énergétique

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°48 - Hiver 2010-2011

 Politique énergétique
Article publié le : 1er février 2011


La notion de précarité énergétique désigne officiellement les ménages qui dépensent plus de 10 % de leurs revenus pour se fournir en énergie. Une situation marginale ? Au moins 3,4 millions de ménages vivent cette situation en France, soit un ménage sur huit ! Ce sont les chiffres très officiels de l’Agence nationale pour l’habitat (Anah).



5 millions de "passoires thermiques" en France

Trop de logements français sont mal ou très mal isolés : 60 % à 70 % des 33 millions de logements ont en effet été construits avant 1974, date de l’entrée en vigueur de la première réglementation thermique.
5 millions de logements seraient "à risque". Les logements sociaux, plus récents et plus souvent en habitat collectif que la moyenne, consomment 30 % d’énergie de moins que les logements privés... mais près d’un HLM sur cinq (soit 800000 logements) reste une passoire thermique, qui consomme plus de 230 kWh/m2/an. Les foyers qui basculent dans la précarité énergétique vivent au départ dans l’un de ces logements très mal isolés, et utilisent des appareils énergivores. Puis survient une séparation, la baisse subite des revenus, ou la panne d’un système de chauffage qu’il faut remplacer. La situation s’aggrave avec les difficultés de paiement des factures d’électricité, ou le développement de maladies dues au froid. Elle finit par devenir inextricable lorsqu’il faut recourir à des chauffages d’appoint, d’un usage souvent très onéreux. "Tous les domaines de la vie sont alors touchés, selon la sociologue Isolde Devalière. Socialement, on est exclu parce que l’on n’ose plus recevoir d’amis chez soi. Et puis la santé se dégrade à cause
du froid et d’une mauvaise alimentation. Il faut parfois choisir entre manger et se chauffer."

La patrie du "grille pain" nucléaire

7,8 millions d’habitations se chauffent uniquement à l’électricité en France. Selon une étude menée en 2005 pour le compte de Greenpeace, les ménages français posséderaient à eux seuls autant d’appareils de chauffage électriques que l’ensemble des foyers européens réunis. Cette spécificité française s’explique par la prédominance du nucléaire : EDF SA a besoin d’écouler la surproduction structurelle des centrales nucléaires. Le kilowatt-heure est moins cher pour l’usager français que pour ses voisins, puisqu’une immense part des coûts du nucléaire est payée par les contribuables, non seulement hier et aujourd’hui, mais pendant des générations, avec les sommes folles qu’il faudra débourser pour démanteler le parc vieillissant, assurer la sécurité des installations, surveiller les déchets dont personne ne sait quoi faire, etc. Le chauffage électrique est souvent privilégié par les propriétaires : les convecteurs de type "grille-pain" sont très peu chers à l’achat, et évitent d’avoir à installer un deuxième réseau dans le logement (gaz, fioul ou autre). Mauvais calcul à long terme : le chauffage électrique devient un gouffre financier pour l’occupant du logement : en 2009, 100 kWh de chauffage électrique coûtaient 11,43 euros, contre 6,48 pour le gaz ou 7,47 pour le chauffage urbain.

Aides : des millions jetés par la fenêtre mal isolée

Chaque année, près de 300000 personnes bénéficient de l’aide des services sociaux pour régler leurs factures impayées. Mais la mauvaise isolation et un système inadapté de chauffage ne sont pas pris en compte par les aides publiques existantes. Il existe bien des tarifs sociaux de solidarité pour le gaz (TSS) et l’électricité (TPN) : en avril 2010, près de 653 000 personnes ont bénéficié du tarif de première nécessité (TPN) et 275 000 du tarif spécial de solidarité (TSS). Problème... ces dispositifs sont méconnus (moins d’une personne éligible sur deux y postule) ; rien n’est prévu pour ceux qui se chauffent au propane, au bois ou au charbon ; et enfin, le TPN ne s’applique que jusqu’à un plafond de 1200 kWh par an, soit à peine de quoi assurer l’éclairage d’un appartement et l’alimentation d’un frigo.

Rénover les logements ou financer l’EPR ?

La première solution serait de rénover le bâti : la meilleure énergie est celle qu’on ne consomme pas, et ces rénovations seraient créatrices d’emplois utiles et non-délocalisables. Le gouvernement se fixe officiellement comme objectif de rénover 300 000 logements grâce à une aide de solidarité écologique (ASE) réservée aux propriétaires occupants les plus modestes. L’État, dans le cadre du grand emprunt, mettra progressivement 500 millions d’euros sur la table d’ici à 2017. L’Anah ajoutera 750 millions. Au final, le montant de cette aide de solidarité écologique aux propriétaires sera seulement de 1100 à 1 600 euros par logement. Franck Dimitropoulos, animateur du Réseau des acteurs de la pauvreté et de la précarité énergétique dans le logement, estime qu’il faudrait environ 40 milliards d’euros, soit 32 fois plus. Par ailleurs, selon l’Union Sociale de l’Habitat, isoler les 800 000 logements HLM qui en ont le plus besoin coûterait 16 milliards d’euros (environ 20 000 euros par logement). La morale de l’histoire est bien connue : l’argent public coule à flot pour le nucléaire, mais pour limiter les gaspillages énergétiques, l’État en reste essentiellement au stade des belles paroles.

Les plus modestes, une fois de plus, sont oubliés

Isolde Devalière estime que l’aide de solidarité écologique ne cible pas les bons bénéficiaires : "si l’on regarde les dépenses énergétiques, il est vrai que les propriétaires occupants sont statistiquement plus nombreux à souffrir de précarité énergétique. Mais il faut aussi s’intéresser à d’autres indicateurs, comme l’inconfort thermique. Les études confirment que les locataires sont plus nombreux à avoir froid chez eux." À moins que le logement soit vraiment insalubre ou dangereux, personne ne peut contraindre le propriétaire à faire des travaux d’isolation, et les réglementations thermiques existantes ne s’appliquent qu’aux logements neufs. L’urgence serait donc de traiter la précarité énergétique des locataires. "Ce sont les plus démunis, ils sont impuissants. Pour eux, la seule marge de manoeuvre lorsque leur propriétaire ne veut pas financer de travaux d’isolation ou installer un chauffage efficace, c’est de couper le chauffage. C’est un vrai problème de société auquel on ne s’attaque pas". Certaines associations, comme la Fondation Abbé Pierre, réclament d’ailleurs l’intégration des critères de performance énergétique dans les textes encadrant l’indécence et l’insalubrité des logements. Elles espèrent interdire progressivement la mise en location de logements trop mal isolés, et donc contraindre les propriétaires à les rénover.

L’essentiel des informations et toutes les citations de cet article proviennent d’un dossier de Thibaut Schepman paru en novembre 2010 dans le magazine Alternatives économiques.

5 millions de "passoires thermiques" en France

Trop de logements français sont mal ou très mal isolés : 60 % à 70 % des 33 millions de logements ont en effet été construits avant 1974, date de l’entrée en vigueur de la première réglementation thermique.
5 millions de logements seraient "à risque". Les logements sociaux, plus récents et plus souvent en habitat collectif que la moyenne, consomment 30 % d’énergie de moins que les logements privés... mais près d’un HLM sur cinq (soit 800000 logements) reste une passoire thermique, qui consomme plus de 230 kWh/m2/an. Les foyers qui basculent dans la précarité énergétique vivent au départ dans l’un de ces logements très mal isolés, et utilisent des appareils énergivores. Puis survient une séparation, la baisse subite des revenus, ou la panne d’un système de chauffage qu’il faut remplacer. La situation s’aggrave avec les difficultés de paiement des factures d’électricité, ou le développement de maladies dues au froid. Elle finit par devenir inextricable lorsqu’il faut recourir à des chauffages d’appoint, d’un usage souvent très onéreux. "Tous les domaines de la vie sont alors touchés, selon la sociologue Isolde Devalière. Socialement, on est exclu parce que l’on n’ose plus recevoir d’amis chez soi. Et puis la santé se dégrade à cause
du froid et d’une mauvaise alimentation. Il faut parfois choisir entre manger et se chauffer."

La patrie du "grille pain" nucléaire

7,8 millions d’habitations se chauffent uniquement à l’électricité en France. Selon une étude menée en 2005 pour le compte de Greenpeace, les ménages français posséderaient à eux seuls autant d’appareils de chauffage électriques que l’ensemble des foyers européens réunis. Cette spécificité française s’explique par la prédominance du nucléaire : EDF SA a besoin d’écouler la surproduction structurelle des centrales nucléaires. Le kilowatt-heure est moins cher pour l’usager français que pour ses voisins, puisqu’une immense part des coûts du nucléaire est payée par les contribuables, non seulement hier et aujourd’hui, mais pendant des générations, avec les sommes folles qu’il faudra débourser pour démanteler le parc vieillissant, assurer la sécurité des installations, surveiller les déchets dont personne ne sait quoi faire, etc. Le chauffage électrique est souvent privilégié par les propriétaires : les convecteurs de type "grille-pain" sont très peu chers à l’achat, et évitent d’avoir à installer un deuxième réseau dans le logement (gaz, fioul ou autre). Mauvais calcul à long terme : le chauffage électrique devient un gouffre financier pour l’occupant du logement : en 2009, 100 kWh de chauffage électrique coûtaient 11,43 euros, contre 6,48 pour le gaz ou 7,47 pour le chauffage urbain.

Aides : des millions jetés par la fenêtre mal isolée

Chaque année, près de 300000 personnes bénéficient de l’aide des services sociaux pour régler leurs factures impayées. Mais la mauvaise isolation et un système inadapté de chauffage ne sont pas pris en compte par les aides publiques existantes. Il existe bien des tarifs sociaux de solidarité pour le gaz (TSS) et l’électricité (TPN) : en avril 2010, près de 653 000 personnes ont bénéficié du tarif de première nécessité (TPN) et 275 000 du tarif spécial de solidarité (TSS). Problème... ces dispositifs sont méconnus (moins d’une personne éligible sur deux y postule) ; rien n’est prévu pour ceux qui se chauffent au propane, au bois ou au charbon ; et enfin, le TPN ne s’applique que jusqu’à un plafond de 1200 kWh par an, soit à peine de quoi assurer l’éclairage d’un appartement et l’alimentation d’un frigo.

Rénover les logements ou financer l’EPR ?

La première solution serait de rénover le bâti : la meilleure énergie est celle qu’on ne consomme pas, et ces rénovations seraient créatrices d’emplois utiles et non-délocalisables. Le gouvernement se fixe officiellement comme objectif de rénover 300 000 logements grâce à une aide de solidarité écologique (ASE) réservée aux propriétaires occupants les plus modestes. L’État, dans le cadre du grand emprunt, mettra progressivement 500 millions d’euros sur la table d’ici à 2017. L’Anah ajoutera 750 millions. Au final, le montant de cette aide de solidarité écologique aux propriétaires sera seulement de 1100 à 1 600 euros par logement. Franck Dimitropoulos, animateur du Réseau des acteurs de la pauvreté et de la précarité énergétique dans le logement, estime qu’il faudrait environ 40 milliards d’euros, soit 32 fois plus. Par ailleurs, selon l’Union Sociale de l’Habitat, isoler les 800 000 logements HLM qui en ont le plus besoin coûterait 16 milliards d’euros (environ 20 000 euros par logement). La morale de l’histoire est bien connue : l’argent public coule à flot pour le nucléaire, mais pour limiter les gaspillages énergétiques, l’État en reste essentiellement au stade des belles paroles.

Les plus modestes, une fois de plus, sont oubliés

Isolde Devalière estime que l’aide de solidarité écologique ne cible pas les bons bénéficiaires : "si l’on regarde les dépenses énergétiques, il est vrai que les propriétaires occupants sont statistiquement plus nombreux à souffrir de précarité énergétique. Mais il faut aussi s’intéresser à d’autres indicateurs, comme l’inconfort thermique. Les études confirment que les locataires sont plus nombreux à avoir froid chez eux." À moins que le logement soit vraiment insalubre ou dangereux, personne ne peut contraindre le propriétaire à faire des travaux d’isolation, et les réglementations thermiques existantes ne s’appliquent qu’aux logements neufs. L’urgence serait donc de traiter la précarité énergétique des locataires. "Ce sont les plus démunis, ils sont impuissants. Pour eux, la seule marge de manoeuvre lorsque leur propriétaire ne veut pas financer de travaux d’isolation ou installer un chauffage efficace, c’est de couper le chauffage. C’est un vrai problème de société auquel on ne s’attaque pas". Certaines associations, comme la Fondation Abbé Pierre, réclament d’ailleurs l’intégration des critères de performance énergétique dans les textes encadrant l’indécence et l’insalubrité des logements. Elles espèrent interdire progressivement la mise en location de logements trop mal isolés, et donc contraindre les propriétaires à les rénover.

L’essentiel des informations et toutes les citations de cet article proviennent d’un dossier de Thibaut Schepman paru en novembre 2010 dans le magazine Alternatives économiques.



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