Article publié le 25 février 2010
Les Ogres de Barback sont parmi les incontournables de la scène française. Avec plusieurs albums à leur actif, dont 2 à destination des grands et des petits (Pit Ocha), les Ogres ont su apporter à la chanson un côté rock, décalé, poétique et engagé. Leurs expérimentations musicales, surtout lors de leurs concerts, sont tout autant de preuves d’ouverture musicale et culturelle. Les Ogres - 4 frères et soeurs - c’est aussi un esprit de famille où se rencontrent Les Fils de Teuhpu, les Hurlements de Léo, les Touffes Chrétiennes, Mon Côté Punk... le meilleur de la scène alternative !
Interview parue dans la revue "Sortir du nucléaire" n°61 :
En 2014, les Ogres de Barback fêtent leurs 20 ans d’existence et leur 8ème album studio. Composés de quatre frères et sœurs, ils ont depuis leurs débuts cultivés l’art d’user de bons mots et de mélodies aux diverses influences pour parler de faits de société. Rencontre avec Alice, une des sœurs du quatuor, peu de temps avant leur nouvelle tournée.
Q : "Vous m’emmerdez !" Pourquoi ce titre pour votre nouvel album ?
Il s’agit du titre d’une chanson que nous avons écrite lors des "manifestations pour tous" (contre le mariage de personnes homosexuelles) début 2013. Par provocation mais surtout par réaction à ce qui se passe autour de nous. Il témoigne de notre attitude et état d’esprit sur de nombreux sujets auxquels nous sommes sensibles. Nous souhaitons voir réagir notre public et pour cela sur notre tournée 2013, ce morceau ouvrait nos concerts.
Q : En concert ou sur album vous témoignez d’une ouverture musicale et de références alternatives.
Nous avons grandi avec le rock alternatif qui nous a influencés, et rendons hommage à certains groupes de cette scène musicale. Il nous arrive en concert de reprendre certains de leurs titres, comme "Salut à toi" des Bérurier Noir, nous avons enregistré un 4 titres de reprises de N.T.M., The Specials, Noir Désir et la Mano Negra, Fredo a reprit Renaud et Sam, Barbara. Le côté théâtral de Royal de Luxe nous influence également et sur scène, nous essayons de ne jamais présenter le même spectacle, de tout donner et de surprendre notre public... en finissant quelquefois avec des ambiances plus techno. Nous pouvons nous le permettre, nous ne devons notre carrière qu’à nous-mêmes et à notre entourage, nous sommes indépendants et en ce sens peu médiatisés.
Q : C’est dans cet état d’esprit que vous avez créé le label Irfan ?
Tout à fait. Début 2000, après un léger déboire avec une maison de disques, nous avons décidé de gérer notre carrière. Nous voulions pratiquer librement notre musique, auto-produire nos albums même si cela nous prend plus de temps. C’est parti d’un projet de tournée sous chapiteau en Europe de l’Est, notre maison de disques de l’époque ne voulait pas nous suivre, nous nous sommes donc séparés d’elle.
Aujourd’hui, cela nous permet de décider du prix des places en concert, du prix de vente des albums et d’aider la scène émergente. Cela nous semble également cohérent avec nos idées et positions. En 2013 par exemple, nous avons tourné uniquement dans des petits lieux, pour de petites associations.
Nous ne sommes pas des producteurs, nous mettons à disposition notre réseau de diffusion. Il y a un réel vivier de groupes de qualité en France. Nous essayons de les soutenir, nous participons individuellement à certains projets et mettons à disposition certains de nos contacts.
Q : Il vous arrive également de soutenir des militants.
En effet, nous avons déjà joué pour le Réseau Éducation Sans Frontières, Les Faucheurs Volontaires, Clowns sans Frontières, les Désobéissants et soutenu, entre autres, le Réseau "Sortir du nucléaire" pour la chaîne humaine en 2012, à laquelle nous étions également présents en famille. Nous sommes très souvent sollicités, nous répondons en fonction de notre disponibilité et ne soutenons aucun parti politique.
Q : Votre engagement ne vous pose-t-il pas de problèmes ?
C’est arrivé quelquefois dont au festival de l’Île Longue en Bretagne, situé à côté d’une base militaire et de sous-marins nucléaires. L’organisateur avait appris que nous voulions donner la parole aux Désobéissants, il l’a mal pris, nous a fait du chantage et nous menaçait de nous couper le courant ! Cette fois-là nous nous sommes laissé manipuler, c’est dommage. Une autre fois, un organisateur – le maire d’Oyonnax - a refusé de nous payer à cause de propos que nous avions tenus sur scène. Ils nous emmerdent avec leur censure ! Nous militons pour la liberté d’expression et le maintien du statut des intermittents du spectacle. Le problème ce ne sont pas les musiciens et les techniciens, mais les grosses boîtes de production, dont les télévisions, qui se servent de ce statut pour ne pas embaucher de personnel. Quand je vois qu’à notre niveau nous galérons pour renouveler notre statut, je n’ose penser aux autres artistes.
Propos recueillis par Jocelyn Peyret