Dossier : Accidents nucléaires : ni oubli, ni pardon
Le nucléaire militaire, un accident en tant que tel ?
Si on en croit Le Petit Robert, un accident est défini comme un « événement imprévu et soudain qui entraîne des dégâts, met en danger ». La définition du Larousse, est plus explicite encore : « Événement fortuit qui a des effets plus ou moins dommageables pour les personnes ou pour les choses. » L’une comme l’autre, ces formules s’appliquent parfaitement au nucléaire militaire en tant que tel. À la seule différence que ce dernier n’est pas fortuit mais résulte d’un choix.
Il n’existe pas de rapport ou d’organisme public qui recense les accidents nucléaires militaires. Pour le civil, une classification a été mise en place : l’échelle INES. Seuls les événements classés aux niveaux 4 et supérieurs, sont considérés comme des accidents. Pour le militaire aucune classification n’a été mise en place par la communauté internationale. Cela pourrait laisser croire que toute utilisation des bombes atomiques est en tant que tel un accident entraînant des dommages irréparables. Ce que les habitants d’Hiroshima et de Nagasaki, comme le personnel et les populations des sites d’essais nucléaires qui en subissent aujourd’hui encore les conséquences, peuvent témoigner.
À ces accidents se rajoutent également ceux résultant de la fabrication de la bombe ou lors de manœuvres, qui peuvent affecter le matériel, mais également le personnel dans son quotidien. Des accidents sur lesquels les États sont particulièrement réticents à communiquer, s’abritant derrière le secret défense ; leurs circonstances et leurs gravités ne sont alors pas connues avec précision, voire même encore inconnues pour un certain nombre.
Parmi les principaux accidents militaires qui ont fait l’objet d’une information, figurent les pertes de sous-marins nucléaires américains et russes avec leurs bombes. Il faut aussi évoquer cet accident du 17 janvier 1966 où un avion B52 US perd ses quatre armes nucléaires à proximité de la ville espagnole de Palomares. Deux s’écrasent sur le sol, une dans une rivière et la dernière en mer. C’est uniquement de la chance qu’aucune n’ait explosée.
Wikipedia recense 39 accidents nucléaires militaires, classés en 3 catégories :
• 4 accidents lors d’essais nucléaires entre 1954 et 1970 ;
• 27 accidents sur des armes en service entre 1950 et 1980 ;
• 8 accidents sur des réacteurs de propulsion navale entre 1961 et 2005.
Surprenant, la France n’est citée qu’une seule fois pour le tir Béryl du 1er mai 1962 qui vit la montagne du Taourirt Tan Afella (Algérie) se fissurer et libérer un nuage radioactif contaminant plusieurs militaires et officiels. Alors que chaque essai a libéré des matières radioactives nocives tant pour l’environnement que pour la santé des populations. De même, dans ce listing ne figure aucun des accidents survenus à des sous-marins nucléaires français. Notamment la collision entre deux sous-marins nucléaires français (le Triomphant) et britannique (le HMS Vanguard) en février 2009, transportant chacun un lot de missiles avec leurs têtes nucléaires. Un accident qui aurait pu à lui tout seul provoquer une fuite radioactive importante, voire même une explosion nucléaire aux conséquences catastrophiques.
Cette mise en danger de sa propre population, ce déni de transparence et de démocratie, ne peuvent que renforcer notre détermination à éliminer ces armes de destruction.
Patrice Bouveret, Observatoire des armements www.obsarm.org