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Sortir du nucléaire n°58



Eté 2013

Nucléaire militaire

Laser Mégajoule : relance de la course aux armements nucléaires

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°58 - Eté 2013

 Nucléaire militaire  Sites nucléaires


Afin de maintenir la menace exercée contre les autres pays par sa force de "dissuasion", la France s’est donné pour objectif le perfectionnement et la miniaturisation de son armement nucléaire et radioactif. Le fer de lance de ce programme est le Laser Mégajoule situé au Barp, en Gironde. La France viole ainsi le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (CTBT).



Les autres pays détenteurs de l’arme nucléaire ne développent pas ce type de programme car il est inutile pour valider et maintenir opérationnelles leurs bombes. La dissuasion repose sur le concept de la crédibilité des armes nucléaires. Comme les États-Unis viennent d’abandonner le National Ignition Facility (NIF), équivalent du Laser Mégajoule (LMJ) et sont toujours considérés comme une puissance nucléaire… nous sommes donc encore dans le mensonge et la propagande qui sont la marque originelle du nucléaire. De plus, cette structure est soumise au secret–défense. La réduction des dépenses militaires françaises dans le livre blanc de la Défense excluait récemment la dissuasion, dont le budget est "sanctuarisé" (hors de tout débat budgétaire). Son coût réel est volontairement incalculable ; il est estimé à 380 milliards d’euros depuis 1945.

Situé dans une région fortement marquée par l’industrie de l’armement et les centres d’essais militaires (Centre d’Essai des Landes où est testé le missile M51, polygone de tir de Saugnac et Muret pour les projectiles à l’uranium appauvri), le chantier du Laser Mégajoule serait en cours de finition. Le coût de ce projet pharaonique décidé en 1995 est passé de 1,2 à 6,6 milliards d’euros. Son entrée en fonction, initialement prévue pour 2005, aura peut-être lieu fin 2014.

LMJ, nouveau cheval de Troie de la prolifération nucléaire

Le Laser Mégajoule a pour objectif de reproduire en laboratoire les conditions physiques rencontrées lors du fonctionnement d’une arme nucléaire. Il est l’équivalent militaire d’ITER à Cadarache. Le Mégajoule utilisera la fusion par confinement inertiel. Une cible minuscule recevra une énergie de 1,8 mégajoules de 176 faisceaux lasers convergents qui vont produire un plasma très dense durant un très court instant. La cible est composée de 0,40 mg de deutérium et de 0,60 mg de tritium et la quantité d’énergie apportée devrait provoquer la fusion nucléaire de ces deux isotopes d’hydrogène. Lors des tirs, la matière sera portée, en quelques milliardièmes de secondes, à des températures de plusieurs dizaines de millions de degrés, des pressions de dizaines de millions de fois la pression atmosphérique, et des densités de plusieurs centaines de fois celle du plomb : des conditions physiques identiques à celles de la surface du soleil et des étoiles. C’est le rêve d’Icare. Atteindre les 15 millions de degrés nécessaires à la fusion de l’hydrogène n’est possible actuellement qu’avec une amorce au plutonium ou à l’uranium. Se passer de ces éléments rendrait possible une miniaturisation des bombes pour leur utilisation réelle lors de conflits sur les différents "théâtres d’opérations" , relançant ainsi la prolifération des armes atomiques. La banalisation de ces armes nucléaires permettrait leur dissémination incontrôlée et leur utilisation par toute organisation ou tout État ayant les moyens de se les procurer, relançant ainsi de nouvelles menaces nucléaires intolérables.

Les projectiles à l’uranium appauvri, débouché militaire pour les déchets du nucléaire civil, ont été largement utilisés en Bosnie, pendant les Guerres du Golfe, en Afghanistan, en Libye, à en ce moment au Mali. En Irak, on estime que 2000 tonnes d’uranium appauvri ont été répandues lors de la guerre. Le taux de malformations à Fallujah a dépassé Hiroshima et Nagasaki et le taux de cancers a été multiplié par 40 suite aux bombardements. La "demi-vie" de l’uranium appauvri est de 4,5 milliards d’années… Il provoque chez les populations contaminées une multiplication de cancers, de leucémies et de malformations congénitales graves, ainsi que l’altération irréversible du patrimoine génétique humain.

Mobilisation citoyenne contre le laser Mégajoule

Dès 2005, l’association Tchernoblaye demandait une expertise indépendante sur les lâchers d’hexafluorure d’uranium à l’air libre lors de tirs radioactifs dont l’objectif officiel était de "mieux comprendre son comportement". Les riverains ont donc servi de cobayes, comme les travailleurs du chantier pharaonique du Mégajoule où on remue une terre potentiellement contaminée. Vu le degré de confinement de la sphère centrale du Mégajoule et les conditions physiques phénoménales déployées lors des tirs, un plan particulier d’intervention (PPI) prenant en compte ces risques majeurs pour les populations locales est réclamé au Préfet de la Gironde par l’association pacifiste Négajoule ! afin de répondre aux interrogations des citoyens sur leur sécurité. Négajoule ! exige l’arrêt des recherches nucléaires au Mégajoule et la reconversion des moyens financiers, techniques et scientifiques pour le soin aux victimes du nucléaire, les recherches et l’application des techniques de démantèlement des centrales, de l’armement nucléaire et la décontamination des zones irradiées dans le monde. L’argent public ne doit pas servir à la mise au point de bombes atomiques qui mènent l’humanité à une mort certaine.

Les militants ne disposant pas des moyens de communication quasi illimités du CEA, l’accent est mis sur la visibilité des actions et leur symbolique. Le débat contradictoire est apporté à chaque exposition itinérante vantant le Mégajoule et tous les 6 du mois (jour d’Hiroshima), banderoles et drapeaux animent le rond-point pour interpeller les passants qui montrent de nombreux signes de solidarité.

Le 6 août 2012, un torii, portail sacré japonais avec le mot "Paix" en plusieurs langues et le symbole "peace and love" a été érigé sur le domaine public départemental face au Mégajoule. Il remplaçait celui installé lors du passage des "indignés" espagnols et disparu le lendemain. Plainte a été déposée en gendarmerie pour profanation. Ce mémorial de la Paix a fait l’objet de nombreux articles de presse et d’une bataille politico-administrative qui s’est soldée par son enlèvement. Le maire de Salles nous suggère de le réimplanter : Négajoule ! propose de l’installer devant les écoles de la commune. Par contre, les ginko-bilobas, arbres symboliques car résistants aux agents mutagènes, comme les radiations, sont restés : la force de la vie… Et depuis, un Toriikit amovible se dresse à chaque manifestation. Il est devenu un moyen d’expression, facilement reproductible et personnalisable pour les actions antinucléaires et pacifistes. Les maires des communes alentours sont sollicités afin de devenir "maires pour la paix" et engager leur collectivité sur les chemins de la non-violence.

Hiroshima-Fukushima, mêmes dégâts, le nucléaire civil et militaire ne sont qu’une seule et même menace pour la survie de l’espèce humaine. Le droit à la vie et la pérennité des espèces est incontestable, leur mise en danger délibérée constitue un crime contre l’humanité.

Jean-Marc Louvet
Président de l’association Négajoule !
https://negajoule.free.fr

Les autres pays détenteurs de l’arme nucléaire ne développent pas ce type de programme car il est inutile pour valider et maintenir opérationnelles leurs bombes. La dissuasion repose sur le concept de la crédibilité des armes nucléaires. Comme les États-Unis viennent d’abandonner le National Ignition Facility (NIF), équivalent du Laser Mégajoule (LMJ) et sont toujours considérés comme une puissance nucléaire… nous sommes donc encore dans le mensonge et la propagande qui sont la marque originelle du nucléaire. De plus, cette structure est soumise au secret–défense. La réduction des dépenses militaires françaises dans le livre blanc de la Défense excluait récemment la dissuasion, dont le budget est "sanctuarisé" (hors de tout débat budgétaire). Son coût réel est volontairement incalculable ; il est estimé à 380 milliards d’euros depuis 1945.

Situé dans une région fortement marquée par l’industrie de l’armement et les centres d’essais militaires (Centre d’Essai des Landes où est testé le missile M51, polygone de tir de Saugnac et Muret pour les projectiles à l’uranium appauvri), le chantier du Laser Mégajoule serait en cours de finition. Le coût de ce projet pharaonique décidé en 1995 est passé de 1,2 à 6,6 milliards d’euros. Son entrée en fonction, initialement prévue pour 2005, aura peut-être lieu fin 2014.

LMJ, nouveau cheval de Troie de la prolifération nucléaire

Le Laser Mégajoule a pour objectif de reproduire en laboratoire les conditions physiques rencontrées lors du fonctionnement d’une arme nucléaire. Il est l’équivalent militaire d’ITER à Cadarache. Le Mégajoule utilisera la fusion par confinement inertiel. Une cible minuscule recevra une énergie de 1,8 mégajoules de 176 faisceaux lasers convergents qui vont produire un plasma très dense durant un très court instant. La cible est composée de 0,40 mg de deutérium et de 0,60 mg de tritium et la quantité d’énergie apportée devrait provoquer la fusion nucléaire de ces deux isotopes d’hydrogène. Lors des tirs, la matière sera portée, en quelques milliardièmes de secondes, à des températures de plusieurs dizaines de millions de degrés, des pressions de dizaines de millions de fois la pression atmosphérique, et des densités de plusieurs centaines de fois celle du plomb : des conditions physiques identiques à celles de la surface du soleil et des étoiles. C’est le rêve d’Icare. Atteindre les 15 millions de degrés nécessaires à la fusion de l’hydrogène n’est possible actuellement qu’avec une amorce au plutonium ou à l’uranium. Se passer de ces éléments rendrait possible une miniaturisation des bombes pour leur utilisation réelle lors de conflits sur les différents "théâtres d’opérations" , relançant ainsi la prolifération des armes atomiques. La banalisation de ces armes nucléaires permettrait leur dissémination incontrôlée et leur utilisation par toute organisation ou tout État ayant les moyens de se les procurer, relançant ainsi de nouvelles menaces nucléaires intolérables.

Les projectiles à l’uranium appauvri, débouché militaire pour les déchets du nucléaire civil, ont été largement utilisés en Bosnie, pendant les Guerres du Golfe, en Afghanistan, en Libye, à en ce moment au Mali. En Irak, on estime que 2000 tonnes d’uranium appauvri ont été répandues lors de la guerre. Le taux de malformations à Fallujah a dépassé Hiroshima et Nagasaki et le taux de cancers a été multiplié par 40 suite aux bombardements. La "demi-vie" de l’uranium appauvri est de 4,5 milliards d’années… Il provoque chez les populations contaminées une multiplication de cancers, de leucémies et de malformations congénitales graves, ainsi que l’altération irréversible du patrimoine génétique humain.

Mobilisation citoyenne contre le laser Mégajoule

Dès 2005, l’association Tchernoblaye demandait une expertise indépendante sur les lâchers d’hexafluorure d’uranium à l’air libre lors de tirs radioactifs dont l’objectif officiel était de "mieux comprendre son comportement". Les riverains ont donc servi de cobayes, comme les travailleurs du chantier pharaonique du Mégajoule où on remue une terre potentiellement contaminée. Vu le degré de confinement de la sphère centrale du Mégajoule et les conditions physiques phénoménales déployées lors des tirs, un plan particulier d’intervention (PPI) prenant en compte ces risques majeurs pour les populations locales est réclamé au Préfet de la Gironde par l’association pacifiste Négajoule ! afin de répondre aux interrogations des citoyens sur leur sécurité. Négajoule ! exige l’arrêt des recherches nucléaires au Mégajoule et la reconversion des moyens financiers, techniques et scientifiques pour le soin aux victimes du nucléaire, les recherches et l’application des techniques de démantèlement des centrales, de l’armement nucléaire et la décontamination des zones irradiées dans le monde. L’argent public ne doit pas servir à la mise au point de bombes atomiques qui mènent l’humanité à une mort certaine.

Les militants ne disposant pas des moyens de communication quasi illimités du CEA, l’accent est mis sur la visibilité des actions et leur symbolique. Le débat contradictoire est apporté à chaque exposition itinérante vantant le Mégajoule et tous les 6 du mois (jour d’Hiroshima), banderoles et drapeaux animent le rond-point pour interpeller les passants qui montrent de nombreux signes de solidarité.

Le 6 août 2012, un torii, portail sacré japonais avec le mot "Paix" en plusieurs langues et le symbole "peace and love" a été érigé sur le domaine public départemental face au Mégajoule. Il remplaçait celui installé lors du passage des "indignés" espagnols et disparu le lendemain. Plainte a été déposée en gendarmerie pour profanation. Ce mémorial de la Paix a fait l’objet de nombreux articles de presse et d’une bataille politico-administrative qui s’est soldée par son enlèvement. Le maire de Salles nous suggère de le réimplanter : Négajoule ! propose de l’installer devant les écoles de la commune. Par contre, les ginko-bilobas, arbres symboliques car résistants aux agents mutagènes, comme les radiations, sont restés : la force de la vie… Et depuis, un Toriikit amovible se dresse à chaque manifestation. Il est devenu un moyen d’expression, facilement reproductible et personnalisable pour les actions antinucléaires et pacifistes. Les maires des communes alentours sont sollicités afin de devenir "maires pour la paix" et engager leur collectivité sur les chemins de la non-violence.

Hiroshima-Fukushima, mêmes dégâts, le nucléaire civil et militaire ne sont qu’une seule et même menace pour la survie de l’espèce humaine. Le droit à la vie et la pérennité des espèces est incontestable, leur mise en danger délibérée constitue un crime contre l’humanité.

Jean-Marc Louvet
Président de l’association Négajoule !
https://negajoule.free.fr



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