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Sortir du nucléaire n°28



Septembre 2005

Commémoration

La bombe atomique a son histoire

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°28 - Septembre 2005

 Nucléaire militaire
Article publié le : 1er septembre 2005


Extraits du Journal L’Humanité du 8 août 1945

Depuis 1938, dans tous les pays, des savants s’employaient à cette tâche immense : libérer l’énergie nucléaire. Les travaux du professeur Frédéric Joliot Curie ont été d’un appoint énorme dans la réalisation de cette prodigieuse conquête de la science.



La bombe atomique tombée sur Hiroshima semble avoir causé des dégâts considérables. Les dépêches américaines ne parlent de rien moins que la disparition d’une ville de 200 000 habitants de la surface de la terre. (…)

Le retentissement de la découverte est considérable. Cependant, le Vatican s’est avisé de la désapprouver ! Qu’il nous soit permis de nous en étonner car lorsque les nazis avaient le privilège de mener la guerre totale avec une totale cruauté, le Saint-Siège ne s’était pas semblablement insurgé.

L’Amérique vient de révéler au monde une découverte scientifique qui est bien la plus sensationnelle du siècle. (…)

Le travail fut mené en France jusqu’en juin 1940, date à laquelle notre camarade Joliot-Curie fit partir ses collaborateurs en Angleterre, nantis d’un précieux bagage scientifique, alors que lui-même demeurait sur le territoire métropolitain pour y mener l’héroïque action de résistance que l’on sait.

Les travaux furent donc poursuivis en Angleterre par un groupe de physiciens franco-britanniques jusqu’à ce qu’en décembre 1941, après Pearl Harbour, les Américains prissent brusquement intérêt à la question. D’un commun accord, les travaux eurent alors lieu outre-Atlantique à proximité des riches gisements canadiens de pechblende, le minerai de l’uranium.

La grosse difficulté résidait en ce fait que seul un atome d’uranium d’une masse déterminée, le “U 236”, a cette propriété explosive. Il s’agissait donc de le séparer des autres, alors qu’il est lui-même particulièrement rare. Les Américains ont alors fait trois ans durant un effort prodigieux tant en ce qui concerne le matériel et les dépenses que le nombre de savants et de chercheurs engagés. Le chiffre de deux milliards de dollars indiqué par M. Truman représente une dépense qui équivaut à 100 milliards de francs, soit le quart de notre budget actuel. (…)

Lorsqu’en 1944 Joliot-Curie put enfin reprendre ses travaux, l’Amérique avait pris une avance considérable. Il est du reste à noter que jamais il n’aurait pu obtenir qu’on lui donnât en France les moyens matériels aussi considérables que ceux qu’eurent à leur disposition les savants des États-Unis. Comme le notait le président Truman, le risque scientifique fût énorme, car l’opération pouvait aussi bien ne pas réussir.

La bombe réalisée, l’énergie atomique est employée dans la guerre en Asie. Son effet est si foudroyant qu’il est bien probable qu’il ne laisse aux Nippons que le choix entre une capitulation à bref délai ou ce que l’on pourrait appeler un hara-kiri collectif. Mais là ne se borne pas l’intérêt de cette nouvelle richesse terrestre.

L’énergie atomique ou nucléaire est la plus compacte qu’on puisse imaginer. La meilleure illustration qu’on puisse en donner est le fait que l’énergie déployée dans un seul gramme de matière suffirait pour transporter un cuirassé au sommet de l’Himalaya !...

Cependant, l’énergie nucléaire libérée, il reste à savoir si l’on peut dès à présent la contrôler et la diviser de telle façon qu’elle puisse être utilisable dans un autre but que détruire.

Dans tous les cas, il semble qu’on sera à même avant quatre ou cinq années de l’utiliser à des fins industrielles comme source d’énergie électrique. Mais seulement dans des installations fixes. Le remplacement de l’essence par l’uranium comme force motrice dans les moteurs d’autos ou d’avions ne serait possible qu’ultérieurement après une grande simplification instrumentale, et surtout lorsque le prix de revient de l’énergie atomique, qui est maintenant considérable, aura suffisamment baissé pour en permettre la généralisation.

On peut donc prévoir à brève échéance une dépréciation du charbon, à échéance plus lointaine une dépréciation du pétrole.

En tout cas, on entrevoit la possibilité d’utiliser cette source d’énergie dans des endroits où l’énergie fait actuellement défaut. Le sous-sol du Sahara par exemple, mal connu jusqu’à présent pour cette raison, livrerait bientôt ses secrets.

Inutile de dire que l’uranium qu’on n’exploitait jusqu’alors que pour la recherche du radium prend, en tant que matière première, une importance de premier plan.

Les principales sources sont au Congo belge, au Canada, en Tchécoslovaquie et très probablement en Sibérie.

D’études parues dans des revues scientifiques d’U.R.S.S., il ressort que les savants soviétiques se sont fort préoccupés de cette question. Peut-être l’avenir nous réserve-t-il de ce côté des révélations plus étonnantes encore.

Car, après cela, qui osera encore prétendre qu’il y a des limites à la connaissance scientifique ?

Georges Royer

Extraits du Journal L’Humanité du 8 août 1945

La bombe atomique tombée sur Hiroshima semble avoir causé des dégâts considérables. Les dépêches américaines ne parlent de rien moins que la disparition d’une ville de 200 000 habitants de la surface de la terre. (…)

Le retentissement de la découverte est considérable. Cependant, le Vatican s’est avisé de la désapprouver ! Qu’il nous soit permis de nous en étonner car lorsque les nazis avaient le privilège de mener la guerre totale avec une totale cruauté, le Saint-Siège ne s’était pas semblablement insurgé.

L’Amérique vient de révéler au monde une découverte scientifique qui est bien la plus sensationnelle du siècle. (…)

Le travail fut mené en France jusqu’en juin 1940, date à laquelle notre camarade Joliot-Curie fit partir ses collaborateurs en Angleterre, nantis d’un précieux bagage scientifique, alors que lui-même demeurait sur le territoire métropolitain pour y mener l’héroïque action de résistance que l’on sait.

Les travaux furent donc poursuivis en Angleterre par un groupe de physiciens franco-britanniques jusqu’à ce qu’en décembre 1941, après Pearl Harbour, les Américains prissent brusquement intérêt à la question. D’un commun accord, les travaux eurent alors lieu outre-Atlantique à proximité des riches gisements canadiens de pechblende, le minerai de l’uranium.

La grosse difficulté résidait en ce fait que seul un atome d’uranium d’une masse déterminée, le “U 236”, a cette propriété explosive. Il s’agissait donc de le séparer des autres, alors qu’il est lui-même particulièrement rare. Les Américains ont alors fait trois ans durant un effort prodigieux tant en ce qui concerne le matériel et les dépenses que le nombre de savants et de chercheurs engagés. Le chiffre de deux milliards de dollars indiqué par M. Truman représente une dépense qui équivaut à 100 milliards de francs, soit le quart de notre budget actuel. (…)

Lorsqu’en 1944 Joliot-Curie put enfin reprendre ses travaux, l’Amérique avait pris une avance considérable. Il est du reste à noter que jamais il n’aurait pu obtenir qu’on lui donnât en France les moyens matériels aussi considérables que ceux qu’eurent à leur disposition les savants des États-Unis. Comme le notait le président Truman, le risque scientifique fût énorme, car l’opération pouvait aussi bien ne pas réussir.

La bombe réalisée, l’énergie atomique est employée dans la guerre en Asie. Son effet est si foudroyant qu’il est bien probable qu’il ne laisse aux Nippons que le choix entre une capitulation à bref délai ou ce que l’on pourrait appeler un hara-kiri collectif. Mais là ne se borne pas l’intérêt de cette nouvelle richesse terrestre.

L’énergie atomique ou nucléaire est la plus compacte qu’on puisse imaginer. La meilleure illustration qu’on puisse en donner est le fait que l’énergie déployée dans un seul gramme de matière suffirait pour transporter un cuirassé au sommet de l’Himalaya !...

Cependant, l’énergie nucléaire libérée, il reste à savoir si l’on peut dès à présent la contrôler et la diviser de telle façon qu’elle puisse être utilisable dans un autre but que détruire.

Dans tous les cas, il semble qu’on sera à même avant quatre ou cinq années de l’utiliser à des fins industrielles comme source d’énergie électrique. Mais seulement dans des installations fixes. Le remplacement de l’essence par l’uranium comme force motrice dans les moteurs d’autos ou d’avions ne serait possible qu’ultérieurement après une grande simplification instrumentale, et surtout lorsque le prix de revient de l’énergie atomique, qui est maintenant considérable, aura suffisamment baissé pour en permettre la généralisation.

On peut donc prévoir à brève échéance une dépréciation du charbon, à échéance plus lointaine une dépréciation du pétrole.

En tout cas, on entrevoit la possibilité d’utiliser cette source d’énergie dans des endroits où l’énergie fait actuellement défaut. Le sous-sol du Sahara par exemple, mal connu jusqu’à présent pour cette raison, livrerait bientôt ses secrets.

Inutile de dire que l’uranium qu’on n’exploitait jusqu’alors que pour la recherche du radium prend, en tant que matière première, une importance de premier plan.

Les principales sources sont au Congo belge, au Canada, en Tchécoslovaquie et très probablement en Sibérie.

D’études parues dans des revues scientifiques d’U.R.S.S., il ressort que les savants soviétiques se sont fort préoccupés de cette question. Peut-être l’avenir nous réserve-t-il de ce côté des révélations plus étonnantes encore.

Car, après cela, qui osera encore prétendre qu’il y a des limites à la connaissance scientifique ?

Georges Royer

Extraits du Journal L’Humanité du 8 août 1945



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