La Grande Marche, le nucléaire en questions
Cet été, on a marché de La Hague à Paris. Pour parler du nucléaire. Et de la transition énergétique. Ça nous a pris comme ça (ou presque).
Un constat
On est parti de quatre observations. Tout d’abord, l’ampoule qu’on allume est quelque peu déconnectée de toute question quant à la source d’énergie qui l’alimente tandis que le débat sur le nucléaire est surtout centré sur quelques lieux symboliques. L’information à laquelle le citoyen lambda a accès est erronée et incomplète. Il est difficile pour un non spécialiste de comprendre précisément les enjeux. Dans le même temps, les antinucléaires sont parfois vus comme des militants extrémistes sans visions d’avenir. Enfin, il est difficile de mobiliser aujourd’hui. Les gens se déplacent peu pour s’informer et les majeures sources d’information se limitent à un poste de télé, quelques journaux, YouTube, Facebook et Twitter.
Une idée (simple)
L’idée est simple. En un mois, marchons de La Hague à Paris. Pour décentrer le débat et proposer chaque soir une conférence, afin de répondre à autant de questions sur le sujet que possible. Il était indispensable de parler aussi des solutions. Si, si, les antinucléaires ont une vision. Un tiers des conférences devaient donc se concentrer sur la transition énergétique.
Il nous fallait également filmer afin que chacun puisse avoir accès à une information fiable sur internet. Important aussi, communiquer, via Facebook, Twitter, Instagram, sur notre site et via la presse. Enfin, il fallait que cela soit convivial, d’où la musique et les repas partagés.
Des principes simples et exigeants
Chercher les conférenciers les plus fiables en terme de connaissances, quitte à demander et à redemander pendant des mois. Accepter les divergences de points de vue avec une tolérance et un respect envers ceux qui ne pensent pas comme nous que ce soit chez les antinucléaires ou chez les pronucléaires. Communiquer autant que possible, malgré nos modestes moyens. Accepter que tout ne serait pas parfait et que chaque jour, les choses n’iraient pas forcément comme prévu, mais que le cap général serait conservé.
Y’avait plus qu’à...
En soi, un mois de marche avec des conférences tous les soirs, ce n’est rien d’autre que vingt-neuf fois vingt kilomètres de marche et une conférence. Une tâche complexe n’est rien d’autre qu’une multitude de tâches simples. Mais tel un château de cartes, il faut que chaque carte soit posée convenablement. Il est indispensable que chaque membre de l’équipe soit fiable et prêt à aller de l’avant, même si nous restons profondément humains. Aussi, que s’il a un souci, il en fasse part, parce qu’au fond, nous ne sommes que des êtres humains.
Il a fallu du temps aussi. On a commencé à contacter les associations locales et nationales en 2016. La réponse générale était que c’était intéressant... À nous d’avancer et ils verraient ensuite. Les associations se sont réellement engagées entre mars et juillet 2018.
Nous avions commencé à préparer le parcours en juin 2016, à appeler les conférenciers en octobre 2017 et les salles pour nous accueillir en décembre 2017. Lentement, mais sûrement. La vérité fut que, par manque de réponses, nous avons failli abandonner fin mai de cette année.
Une fois partis, que du bonheur... (ou presque) !
On a oublié deux personnes sur les deux premiers jours ! Aberrant, mais avec une vingtaine de nouvelles informations par jour, (heureusement Agnès et Thierry sont débrouillards et pas rancuniers). En gros, vingt nouvelles informations par jour, une ou deux catas évitées, plein de moments beaux et forts, quelques pleurs, l’erreur est probable. Donc, pour n’oublier personne au milieu du tsunami quotidien, il nous fallait partager au maximum toutes les petites infos quotidiennes. À quinze, les chances d’oublier sont diminuées d’autant et les bonnes idées ont plus de chance d’émerger.
Un journaliste par jour en moyenne est venu à notre rencontre mais il était important de mettre en scène tant que possible. La présence d’un danseur et d’un violoncelliste au Mémorial de Caen pour l’anniversaire de Nagasaki, nous a valu deux articles, un passage sur France 3 et un passage radio supplémentaire.
Il est encore trop tôt pour mesurer les résultats
250 marcheurs et un millier de personnes aux conférences. En 29 jours, ça s’additionne.
Une quarantaine de passages dans les médias, tous canaux confondus, le plus beau étant un titre : “Le nucléaire. Une énergie obsolète“ dans Ouest-France ! Les tweets et les relais facebooks ont bien fonctionné aussi.
Une lettre ouverte aux députés, des rencontres avec Barbara Pompili et Mathilde Panot et des rencontres à venir avec Laurence Dumont et Eric Alauzet [1]. Sans oublier le plus beau des résultats : une équipe et des liens forts avec de merveilleuses individualités prêtes à se retrouver tellement l’expérience fut heureuse et belle.
Bien sûr, nous aurions aimé travailler plus en amont avec les associations, nous aurions aimé communiquer plus encore, le temps et l’argent nous ont manqué. Nous aurions aimé flâner aussi.
Si la quasi-totalité des vidéos sont maintenant sur notre chaîne You-Tube, un gros travail nous attend encore : revoir chaque intervention, mettre en place des pages thématiques avec les teasers, les conférences, une table des matières de chaque vidéo, des mini-introductions, les mini-bios des intervenants, des glossaires et des accès par mots-clés.
De la Marche aux Marchés
Enfin, si cela tente certains, nous avons une nouvelle petite idée pour 2019. L’idée serait de promouvoir toute l’information acquise et de répondre aux questions des passants en faisant un marché par semaine en Normandie. Un jour à Bayeux (14), la semaine suivante au Petit Quevilly (76), puis à Bernay (87). 45 marchés en 1 an. À réfléchir ensemble pour commencer en janvier 2019.
Une autre marche ? Peut-être dans cinq ans si les vidéos ont eu du succès pour remettre tout ça à jour, si la direction du 0 % nucléaire n’est pas déjà sérieusement entamée d’ici là...
Nucléaire en Questions`
lagrandemarche.org
www.facebook.com/Nucleaireenquestions
https://twitter.com/NucEnQuestions
Je marche donc je suis - Témoignage d’Aurélie Chaput
Dans un pays où 70% de l’électricité est nucléaire, quand vous dites schématiquement que “le nucléaire c’est mal“, on arrive rapidement au point “bougie“ de la conversation, là où elle s’arrête. Le danger réel du nucléaire, l’état des centrales, la législation, l’arme atomique, le retraitement et les déchets, je n’y entendais pas grand-chose, je suis arrivée là aussi ignorante que curieuse. Et j’étais très curieuse.
Parler avec des “hiboux“ de la lutte de Bure, comprendre les implications de Greenpeace dans la lutte, les recours légaux possibles contre le nucléaire, les relations incestueuses entre EDF et Enedis nous ont conforté dans une certaine idée de l’importance de ce combat. Si je marche, si je milite, c’est pour une rupture idéologique, une (r)évolution consciente, pas parce que je pense que les politiques vont nous regarder et d’un coup d’un seul se dire “OK, on arrête le nucléaire, vingt clampins qui marchent, ça force le respect !“ Parcourir l’espace entre le Cotentin et la capitale en un mois nous rappelle que notre pays n’est pas si vaste, une information qui, avec la prédominance systémique de la voiture individuelle, échappe à notre perception. C’est aussi cela, remettre de la lenteur dans notre civilisation, qui pourrait en empêcher l’effondrement.
De part les hasards qu’elle a fait naître, les ami.e.s qu’elle a réuni.e.s, la Marche ne se finit pas vraiment dans le temps. Ainsi chacun.e de notre côté, nous continuons d’aller vers cet avenir sans nucléaire auquel nous aspirons tou.te.s. Un monde sans cette épée de Damoclès, ou du moins un monde où le risque n’est pas nié, puisque dès lors que des déchets existent déjà, il faudra les gérer. C’est comme fumer, il ne fallait pas commencer !
Notes
[1] Barbara Pompili, députée de la Somme, présidente de la commission du développement durable – LREM, Mathilde Panot, députée du Val de Marne – France Insoumise, Laurence Dumont, députée du Calvados – PS, Eric Alauzet, député du Doubs – PS