Des garanties de sûreté insuffisantes à ce stade… et qui ne pourront jamais être apportées
Cet avis, qui vient confirmer les critiques déjà portées par l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire et la Commission Nationale d’Évaluation, ne fait que corroborer ce que soulignent les associations et experts indépendants depuis plusieurs années [1]. Le ton diplomatique employé ne doit pas faire illusion : les 45 pages de la lettre accompagnant l’avis mettent en évidence des lacunes considérables.
Impossibilité de prévenir et limiter les risques d’incendie des déchets bitumineux, confinement insuffisant des rejets radioactifs, lacunes importantes dans la surveillance du stockage, récupérabilité des déchets compromise en cas d’accident… Sur ces sujets cruciaux, les réponses de l’Andra sont insuffisantes, amenant même l’ASN à formuler des « réserves » qu’il sera difficile de lever. Ces réserves confirment l’impasse technologique du projet ; les différents problèmes étant directement liés aux choix de conception même du stockage, engager de nouvelles recherches complémentaires ne démontrera rien de nouveau.
Par ailleurs, cet avis met à mal le fameux concept de « réversibilité » du stockage, mis en avant pour améliorer son acceptabilité sociale. Celui-ci apparaît non seulement incompatible avec les exigences de sûreté, mais également impossible à garantir : la possibilité de retirer les déchets ou de poursuivre le stockage en cas d’accident n’est pas démontrée, et sans doute exclue. Les défenseurs du projet doivent cesser de berner les élus et habitants avec de telles promesses malhonnêtes !
Évitons le gaspillage financier, renonçons à ce projet infaisable !
Jamais l’Andra ne pourra apporter la « raisonnable assurance » que toutes les exigences de sûreté seront réunies et un dépôt de la Demande d’Autorisation de Création mi-2019 apparaît profondément illusoire.
Continuer à gaspiller dans de nouvelles démonstrations les sommes largement insuffisantes provisionnées pour la gestion des déchets radioactifs est aussi inutile qu’indécent. Rappelons par ailleurs que celles-ci ne suffiront jamais à couvrir les coûts réels de CIGÉO ; c’est à juste titre que la sous-évaluation de ces coûts – qui fait d’ailleurs l’ojet d’un recours des associations [2]- soulève des interrogations tant de la part de la Commission Nationale d’Évaluation que de parlementaires de tous bords.
Abandonner ce projet dangereux et impossible à financer relève de l’intérêt général. À ce titre, les méthodes de l’Andra et des autorités pour criminaliser les opposants (surveillance permanente, intimidation policière, convocation de militants associatifs et syndicaux pour des motifs flous afin de nourrir des procédures répressives lourdes) sont d’autant plus inadmissibles.
Contact :
Charlotte Mijeon - 06 64 66 01 23
Synthèse des failles de sûreté relevées par l’ASN
Synthèse des failles de sûreté relevées par l’ASN
Sur un certain nombre de points, l’ASN pointe l’insuffisance des recherches, voire émet des réserves. Mais comme le soulignent les associations, il ne sert à rien de poursuivre les démonstrations pour tenter de pallier aux risques identifiés, dans la mesure où ces failles découlent des choix de conception du projet eux-mêmes…
▸ L’ASN met particulièrement en exergue le risque d’inflammation des déchets bitumés, qui pourrait se traduire par des rejets radioactifs massifs en surface. Elle estime ainsi que « les options de conception retenues à ce stade ne permettent ni de prévenir ni de limiter les risques à un niveau acceptable en cas de réaction exothermique à l’intérieur d’un colis de déchets bitumés ». Pour y pallier, elle estime qu’un traitement destiné neutraliser la réaction chimique de ces déchets devrait être privilégié. Mais il reste à démontrer que cette opération, qui nécessiterait l’emploi d’une torche à plasma, puisse s’avérer réalisable à l’échelle industrielle pour les 40 000 « colis » concernés ! Ce point a d’ailleurs amené la Commission Nationale d’Évaluation à appeler à la mise en place urgente d’une expertise internationale. Consciente de ces incertitudes, l’ASN préconise de poursuivre en parallèle des études visant à modifier la conception du stockage… autant dire modifier le projet de fond en comble !
▸ Comme le souligne l’ASN, la capacité globale de confinement de l’installation est insuffisante et l’architecture du stockage doit être revue pour éviter une contamination trop importante en surface. Cependant, les associations et experts indépendants soulignent que l’Andra ne pourra agir qu’à la marge : le fait d’avoir choisi des alvéoles « irradiantes », car laissées ouvertes jusqu’à ce qu’elles soient remplies de colis très radioactifs, va fatalement de pair avec des rejets en surface. La Commission Nationale d’Évaluation a d’ailleurs aussi souligné ce problème dans son dernier rapport, préconisant le bouchage progressif des alvéoles… ce qui revient à abandonner le concept de réversibilité.
▸ Selon l’ASN, l’Andra doit encore prouver que l’installation résiste aux agressions : séisme, mais aussi incendie des déchets les plus dangereux Or la configuration même du projet est propre à générer les conditions d’un tel incendie, en rassemblant des déchets fortement émetteurs d’hydrogène et bitumineux susceptibles de s’enflammer dans un espace confiné, alors qu’un dysfonctionnement des installations électriques pourrait déclencher une étincelle…
▸ L’ASN souligne que le dossier « présente des lacunes importantes dans l’élaboration de la stratégie de surveillance et des moyens à mettre en œuvre à long terme ». Ainsi, les moyens de surveillance de certains paramètres clés ne pourraient peut-être pas être mis en œuvre !
▸ L’ASN estime que les réponses apportées par l’Andra concernant la possibilité d’intervenir, retirer des déchets ou poursuivre le stockage en cas d’accident ne sont pas satisfaisantes, ce qui remet en question le fameux principe de réversibilité. Mais comment cette récupérabilité serait-elle possible au vu de la dangerosité des déchets stockés et de l’impossibilité de maîtriser un accident souterrain ?
▸ D’autres points problématiques sont également évoqués dans la lettre accompagnant l’avis : risques de corrosion des aciers, tenue douteuse des bétons choisis, effets potentiels de l’accumulation d’hydrogène sur les milieux argileux une fois le stockage scellé, endommagement de la roche résultant des scellements…
▸ Rappelons enfin que l’inventaire des déchets destinés à CIGÉO n’est toujours pas fixé à ce stade, point qui risque encore d’entraîner des évolutions substantielles du projet.
Lettre ASN :