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France : Tricastin : Fuite et difficultés de réparation sur le circuit de refroidissement du réacteur 3

EDF laisse le réacteur fonctionner plusieurs jours au lieu de l’arrêter




4 février 2022


Le 30 janvier 2022, EDF a dû mettre à l’arrêt le réacteur 3 de la centrale du Tricastin (Drôme). En cause, une fuite d’huile sur une pompe du circuit ASG, qui fourni de l’eau aux générateurs de vapeur en cas de problème et qui refroidit le réacteur lors des arrêts et des redémarrages. Une fuite qui était déjà survenue quelques jours avant et qui avait pourtant été réparée.


Le 2 février 2022, EDF annonce par un bref communiqué que le réacteur 3 du Tricastin est "reconnecté au réseau électrique" après avoir été arrêté pour " le remplacement d’un joint au niveau de la tuyauterie de la turbopompe du circuit d’alimentation de secours des générateurs de vapeur".

Ce circuit dit ASG permet non seulement d’apporter de l’eau aux générateurs de vapeur en cas de problème avec l’alimentation normale (et donc d’évacuer la chaleur produite par la réaction nucléaire), mais aussi de refroidir le réacteur lors de ses arrêts et de ses redémarrages. C’est un circuit essentiel qui est d’ailleurs, pour cette raison, redondant : il est composé de 2 voies similaires et indépendante, il est doublé pour plus de précautions tant son bon fonctionnement est important. Ce circuit ASG doit donc faire l’objet de toutes les attentions de l’exploitant. Les règles qui régissent le fonctionnement de l’installation nucléaire imposent d’ailleurs sa réparation dans les 24 heures si un problème survient sur l’une ou l’autre de ses voies. Si EDF n’y arrive pas, il doit mettre à l’arrêt son réacteur nucléaire. Or les arrêts coûtent cher à EDF : un réacteur arrêté ne produit plus d’électricité, mais il en consomme énormément. Tout comme il a un besoin permanent d’apport en eau.

Quelques jours après l’annonce du redémarrage - et de l’arrêt - du réacteur 3, EDF publie une déclaration d’incident significatif pour la sûreté [1]  [2] , classé au niveau 1 de l’échelle INES [3], qui donne une toute autre ampleur à l’arrêt du réacteur. Et soulève des questions quant à de la qualité des réparations et des contrôles techniques qui sont faits après interventions sur des équipements importants par EDF.

En réalité, la même fuite d’huile a été détectée dès le 27 janvier sur la pompe du circuit ASG. EDF lance rapidement les réparations pour qu’elles soient terminées dans les 24 heures, car sans cette pompe, toute une voie du circuit ASG ne peut plus fonctionner. Et il faudra alors arrêter le réacteur.
Le lendemain, 28 janvier 2022, la réparation est effectuée et la pompe est considérée comme fonctionnelle. Mais elle n’a pas fonctionné bien longtemps. dans la nuit du 29 janvier, la fuite d’huile survient de nouveau. Cette fois, EDF n’arrive pas à la réparer. Le réacteur sera arrêté le lendemain, après 3 jours de dysfonctionnement du circuit ASG. Les règles d’exploitation fixées par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) imposent pourtant un délai maximum de 24 heures.

Le 2 février 2022, EDF déclarera aux autorité un évènement significatif pour la sûreté. Pas au titre de maintenance de mauvaise qualité ou de contrôles techniques post-interventionnels insuffisants. Mais pour non respect des règles d’exploitation.
Quand un exploitant nucléaire détecte les fuites mais n’est pas capable de réparer correctement dans les délais impartis ni de s’en tenir aux règles édictées dans de telles situations, il accroît lui-même les risques générés par son installation. Il fait ainsi preuve d’une inconséquence flagrante, qui se manifeste jusque dans sa manière de présenter les faits. Cette attitude est-elle acceptable de la part d’un industriel aux commandes d’un réacteur nucléaire ? La productivité passerait-elle avant la qualité et la sûreté ?

Ce que dit EDF :

  • Actualité de l’unité de production n°3

Exploitation

Publié le 31/01/2022

Mercredi 2 février, l’unité de production n°3 a été reconnectée au réseau électrique. Elle avait été arrêtée le 30 janvier pour permettre le remplacement d’un joint au niveau de la tuyauterie de la turbopompe du circuit d’alimentation de secours des générateurs de vapeur, située en zone non nucléaire.

Les quatre unités de production sont connectées au réseau électrique.

https://www.edf.fr/la-centrale-nucleaire-du-tricastin/les-actualites-de-la-centrale-nucleaire-du-tricastin/actualite-de-l-unite-de-production-ndeg3-0

  • Non-respect de la conduite à tenir prévue par les règles générales d’exploitation du réacteur 3

Evénement sûreté

Publié le 04/02/2022

Les règles générales d’exploitation sont un recueil de règles approuvées par l’ASN qui définissent le domaine autorisé de fonctionnement de l’installation et les prescriptions de conduite des réacteurs associées. Elles prescrivent notamment les délais maximums de réparation et les conduites à tenir en cas d’indisponibilité des systèmes requis pour assurer la sûreté des réacteurs.

Doté de deux voies redondantes, le circuit d’alimentation de secours des générateurs de vapeur (ASG) est utilisé en cas de défaillance de l’alimentation normale en eau afin d’assurer le refroidissement du réacteur. Il est également utilisé lors des phases de démarrage et de mise à l’arrêt du réacteur.

Jeudi 27 janvier 2022, un défaut sur un joint d’étanchéité est détecté par la présence d’huile sous une des pompes du circuit ASG, située en zone non nucléaire. La pompe est alors considérée indisponible. Les règles générales d’exploitation prévoient un délai de réparation sous 24 heures. Vendredi 28 janvier, dans le délai imparti, les activités de maintenance et de contrôles permettent la remise en service de la pompe, considérée comme disponible. Dans la nuit du samedi 29 au dimanche 30 janvier, la présence d’huile sous la pompe est de nouveau détectée et conduit à une nouvelle indisponibilité. Les activités de contrôle et de maintenance ne permettent pas de remettre en service la pompe. Les équipes d’exploitations procèdent alors à la mise à l’arrêt du réacteur, conformément aux spécifications techniques d’exploitation. Des expertises complémentaires conduisent à la réalisation d’une nouvelle intervention et à la disponibilité de la pompe ASG, puis au redémarrage du réacteur 3.

Les investigations menées a posteriori par les équipes d’exploitation conduisent à considérer l’indisponibilité de la pompe ASG à partir du 27 janvier. Les règles générales d’exploitation, qui prévoient une réparation sous 24 heures, n’ont donc pas été respectées a posteriori.

Le refroidissement du réacteur ayant été assuré par la voie redondante ASG et par un autre circuit, cet événement n’a pas eu de conséquence réelle sur la sûreté des installations. Néanmoins, en raison du non-respect de la conduite à tenir prévue dans les règles générales d’exploitation, la direction de la centrale du Tricastin a déclaré le 2 février 2022 à l’Autorité de sûreté du nucléaire un événement significatif de sûreté au niveau 1 de l’échelle INES qui en compte 7.

https://www.edf.fr/la-centrale-nucleaire-du-tricastin/les-actualites-de-la-centrale-nucleaire-du-tricastin/non-respect-de-la-conduite-a-tenir-prevue-par-les-regles-generales-d-exploitation-du-reacteur-3


Ce que dit l’ASN :

Dépassement du délai de mise à l’arrêt d’un réacteur fixé par les règles générales d’exploitation

Publié le 11/02/2022

Centrale nucléaire du Tricastin Réacteurs de 900 MWe - EDF

Le 2 février 2022, EDF a déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) un événement significatif pour la sûreté relatif au dépassement du délai fixé par les règles générales d’exploitation (RGE) pour procéder à la mise à l’arrêt du réacteur 3 de la centrale nucléaire du Tricastin après la détection d’une fuite d’huile sur la turbopompe du système d’alimentation de secours des générateurs de vapeur.

Le 27 janvier 2022, alors que le réacteur était en production, un écoulement d’huile a été détecté sur la turbopompe du système d’alimentation de secours des générateurs de vapeur (ASG). Le diagnostic a conclu à l’indisponibilité de la turbopompe ASG depuis 15h53, heure de détection de l’anomalie. Dans cette situation, les RGE prévoient que la mise à l’arrêt du réacteur soit amorcée sous 24 heures, sauf si l’équipement est rendu disponible avant l’expiration de ce délai. Une intervention de réparation a donc été programmée et réalisée le 28 janvier matin. A l’issue, la turbopompe a été déclarée disponible et le réacteur n’a donc pas été mis à l’arrêt.

Le 30 janvier matin, un écoulement d’huile a de nouveau été constaté sur cette même turbopompe. Cet équipement a alors été de nouveau déclarée indisponible à partir de 5h11. Malgré une nouvelle tentative de réparation la fuite est restée présente et a nécessité une intervention plus longue que les 24 heures autorisées par les RGE lorsque le réacteur est en production. L’arrêt du réacteur a donc été engagé le 31 janvier à 3h11, conformément aux RGE.

A l’issue de l’arrêt du réacteur, la turbopompe a fait l’objet d’une nouvelle intervention de réparation, qui a permis le redémarrage du réacteur.

Rétrospectivement il est apparu que la turbopompe était indisponible depuis le 27 janvier à 15h53 et que le délai d’amorçage du repli du réacteur dans les 24 heures, imposé par les RGE, n’avait pas été respecté.

Le système ASG est équipé de deux motopompes et d’une turbopompe. Les deux motopompes d’alimentation étant restées disponibles, cet événement n’a pas eu de conséquence sur l’installation, le personnel ou l’environnement.

En raison du non-respect du délai d’amorçage du repli prescrit par les règles générales d’exploitation du réacteur, cet événement a été classé au niveau 1 de l’échelle INES.

https://www.asn.fr/l-asn-controle/actualites-du-controle/installations-nucleaires/avis-d-incident-des-installations-nucleaires/depassement-du-delai-de-mise-a-l-arret-d-un-reacteur-fixe-par-les-regles-generales-d-exploitation

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[1Événements significatifs : incidents ou accidents présentant une importance particulière en matière, notamment, de conséquences réelles ou potentielles sur les travailleurs, le public, les patients ou l’environnement. https://www.asn.fr/Lexique/E/Evenement-significatif

[2La sûreté nucléaire est l’ensemble des dispositions techniques et des mesures d’organisation relatives à la conception, à la construction, au fonctionnement, à l’arrêt et au démantèlement des installations nucléaires de base, ainsi qu’au transport des substances radioactives, prises en vue de prévenir les accidents ou d’en limiter les effets. https://www.asn.fr/Lexique/S/Surete-nucleaire

[3INES : International nuclear and radiological event scale (Échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques) - Description et niveaux ici - https://www.asn.fr/Lexique/I/INES


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Installation(s) concernée(s)

Tricastin

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