12 juillet 2022
L’année 2022 en est à la moitié, mais cela fait déjà plusieurs mois que le site nucléaire de Paluel (Normandie) a dépassé les limites de rejets dans l’environnement de certaines substances polluantes qui lui sont accordées. Au fil de très discrets communiqués, EDF a annoncé plusieurs fuites survenues sur les équipements de 2 réacteurs différents. Mais sans jamais donner de cumul. Au total, les "pertes" de fluides frigorigènes dépassent très largement la quantité autorisée à l’année : plus de 500 kilos de liquides de refroidissement se sont évaporés, alors que le site a le droit de "perdre" dans la nature 100 kg maximum par an.
Ces liquides dits frigorigènes sont couramment utilisés dans les centrales nucléaires pour refroidir l’air et les équipements. Ils permettent de maintenir des températures supportables pour l’homme et les matériels, facteur essentiel dans une installation où le principe est de créer de la chaleur pour la convertir en électricité.
Dès qu’ils sont à l’air libre, ces liquides deviennent des gaz. Des gaz à effet de serre au pouvoir réchauffant qui n’a rien à envier à celui du CO2, au contraire. Par exemple, 1 kg de fluide de type HFC-134a vaut 3710 kgeqCO2 à l’horizon de 20 ans.
Source (et pour en savoir plus) : Certains gaz à effet de serre des centrales nucléaires, Bernard Laponche, octobre 2020, Global Chance.
Pour se faire une idée, une fuite de 20 kg de fluide frigorigène R134-a revient à relâcher dans l’atmosphère 28,6 tonnes équivalent CO2 [1].
On ne sait pas quel type de fluide est utilisé à Paluel, mais la centrale avait annoncé en avril 2022 avoir cumulé au 23 mars, pour l’ensemble du site, une "perte" de liquide de refroidissement d’un peu plus de 113 kg. EDF avait alors déclaré un évènement significatif pour l’environnement en raison du dépassement de la limite autorisée qui est fixée à 100 kg (voir notre article du 12 avril sur cette déclaration d’incident).
Dans le communiqué résumant une partie des incidents déclarés en mai par le site nucléaire (communiqué publié le 12 juillet), EDF annonce un nouveau dépassement de cette limite réglementaire. Un contrôle réalisé le 15 mars met en évidence une fuite sur un groupe frigorifique du réacteur 4. La quantité "émise" dans l’environnement est de 150 kg. Manifestement, le bilan annoncé par EDF le 26 mars ne tenait pas compte de cette fuite. Aux 113 kilos avancés par l’industriel, il faut en ajouter 150 (soit 263 kg au total).
Dans le communiqué résumant une partie des évènements significatifs déclarés par la centrale nucléaire en juin, il est mentionné qu’un contrôle d’étanchéité réalisé en mars sur un groupe-froid du réacteur 1 n’a fait état d’aucune fuite. Mais qu’un autre contrôle réalisé 2 mois plus tard a détectée une fuite. Au total, 270 kg de liquide de refroidissement manquent dans le groupe-froid. EDF a déclaré aux autorités un nouveau dépassement de la limite autorisée.
L’industriel ne mentionne pas la somme totale des fuites cumulées de liquides frigorigènes et aucun lien n’est fait entre ses différentes déclarations. Mais le bilan à la fin juin (263 + 270 = 533 kg) est très largement au delà de la limite autorisée.
Au delà du caractère segmenté des informations communiquées par EDF qui ne favorise pas une vision d’ensemble, la quantité de fluides frigorigène perdue en seulement six mois (plus de 5 fois la limite annuelle) à de quoi interroger. Sachant que l’année est loin d’être terminée, on peut s’attendre à de nouvelles "pertes" et le bilan "d’émissions" de fluides frigorigènes de la centrale de Paluel s’en trouvera encore alourdi. EDF se donne-t-il vraiment les moyens de préserver au mieux l’environnement ?
L.B.
Emission de fluide frigorigène supérieur à 100 kg
Le 15 mars 2022, un contrôle trimestriel met en évidence des pertes de fluide frigorigène* sur un des groupes froids. Une intervention est réalisée à partir du 22 mars lorsque l’unité de production n°4 est mise à l’arrêt pour visite partielle. Les émissions successives, sur plusieurs semaines, font état d’une perte globale de 150 kg.
Le dépassement du seuil règlementaire de 100 kg/an a conduit le site à déclarer à l’Autorité de sûreté nucléaire, un événement significatif pour l’environnement (ESE) en mai 2022.
*Dans une installation industrielle, les fluides frigorigènes sont utilisés dans les systèmes de production de froid. Ils permettent le refroidissement et la climatisation de différents matériels.
Emission de fluide frigorigène entrainant le dépassement de la limite règlementaire
Dans une installation industrielle, les fluides frigorigènes sont utilisés dans les systèmes de production de froid. Ils permettent le refroidissement et la climatisation de différents matériels et locaux. Les opérations de contrôle et de maintenance réalisées régulièrement sur les groupes frigorifiques permettent de contrôler leur bon fonctionnement et l’absence d’émission de fluides frigorigènes.
Le 15 mars 2022, les équipes de la centrale nucléaire Paluel réalisent le contrôle trimestriel d’étanchéité des groupes frigorifiques de l’unité de production d’électricité n°1. Ce dernier se révèle satisfaisant et aucune fuite de fluide frigorigène n’ait détecté.
Le 13 juin 2022, un nouveau contrôle d’étanchéité des groupes frigorifiques de l’unité de production d’électricité n°1 est réalisé. Lors de cette opération, une fuite invisible à l’œil nu est détectée sur l’un des groupes. Une intervention permettant la remise en conformité du matériel est alors immédiatement engagée.
Le 15 juin 2022, le pesage du fluide frigorigène met en évidence une perte de 270kg de fluide par rapport à la quantité initialement contenue dans le groupe frigorifique.
Bien que cet événement n’a eu aucune conséquence sur la sûreté, le fonctionnement des installations, ni la santé des salariés, il constitue un dépassement de la limite réglementaire fixée à 100kg/an d’émission de fluide frigorigène.
La direction de la centrale nucléaire de Paluel a donc déclaré, le 17 juin 2022, un événement significatif environnement à l’Autorité de sûreté nucléaire.
[1] Inspection ASN INSSN-OLS-2022-0789 du 26/04/2022