30 juillet 2018
Redémarrage émaillé d’incidents pour le réacteur 2 de Paluel. Après plus de 3 ans d’arrêt, alors que le réacteur atteignait 15% de sa puissance le 24 juillet 2018, un cumul de problèmes a entrainé l’arrêt de la turbine et a eu pour conséquence une baisse importante de la température du circuit primaire*. Le réacteur est alors sorti du domaine de fonctionnement autorisé, puisque la température du circuit primaire est passée sous la limite minimale prescrite par les règles générales d’exploitation (RGE).
Tout est parti d’un simple diagnostic sur une armoire électrique. Cela a entrainé l’ouverture d’un sectionneur et l’arrêt de la turbine. Les grappes de commande sont descendues dans le cœur du réacteur pour ralentir la réaction nucléaire en chaine. Du bore (poison neutronique) a également été introduit dans le circuit primaire pour diminuer la réactivité [1]. Ces actions cumulées ont entrainé une baisse de la température du circuit primaire sous la valeur minimale autorisée par les RGE [2]. Ce nouvel incident déclaré le 27 juillet est le 3ème de cet acabit en un mois.
C’est le second repli [3] du réacteur en 2 semaines. Le 9 juillet, un cumul d’avaries avait déjà forcé les équipes à abaisser la pression et la température du circuit primaire. Une turbopompe était indisponible mais l’exploitant ne s’en est pas rendu compte. L’évènement a été classé comme significatif pour la sûreté au niveau 1. Fin juin, c’était le système de surveillance de la pression et de la température du circuit primaire qui tombait en panne et qui n’a pas pu être réparé dans les délais réglementaires. Là encore, évènement significatif pour la sûreté classé au niveau 1.
Le réacteur 2 de Paluel a été mis à l’arrêt en mai 2015. Il devait être la vitrine du grand carénage d’EDF, ce programme de grands travaux lancé pour entretenir les installations nucléaires et éventuellement permettre la prolongation de leur fonctionnement. Mais la chute d’un générateur de vapeur (GV) de plus de 300 tonnes de 20 mètres de haut lors de son remplacement le 31 mars 2016 a causé de tels dégâts que son redémarrage a été repoussé un nombre (presque) incalculable de fois (voir notre article sur la chute du GV). Initialement prévu pour le 16 juillet, EDF annonce désormais un redémarrage pour le 4 août. Comme souvent, l’avis de l’Autorité de sûreté nucléaire nous en apprend bien plus sur le déroulement des évènements que la communication faite par l’exploitant qui semble-t-il, a bien du mal a maitriser son installation nucléaire.
L.B.
Sortie du domaine d’exploitation autorisé de l’unité de production n°2 suite à l’arrêt de la turbine
Le 30/07/18
Le 24 juillet 2018, l’unité de production n°2 est couplée au réseau, à 15% de sa puissance. A 9h29, une intervention dans une armoire électrique génère plusieurs défauts provoquant le déclenchement de la turbine, c’est-à-dire son arrêt. Les équipes de la centrale détectent immédiatement une alarme en salle de commande et appliquent leur procédure. Une seconde alarme apparaît et les opérateurs, conformément à leur procédure, injectent du bore dans le circuit primaire. Il est alors constaté un refroidissement rapide du circuit primaire entraînant une baisse du niveau du pressuriseur, conduisant les opérateurs à appliquer des consignes spécifiques. A 10h37, la température du circuit primaire est de nouveau conforme et l’installation est remise en conformité.
La température du circuit primaire n’ayant plus été conforme aux règles d’exploitation pendant 10 minutes, la Direction de la centrale de Paluel a déclaré et événement, le 27 juillet 2018 à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), comme événement significatif sûreté de niveau 1 sur l’échelle INES, qui en compte 7.
Le 31/07/18
Sortie du domaine de fonctionnement autorisé du réacteur 2 de la centrale nucléaire de Paluel
Le 27 juillet 2018, EDF a déclaré à l’ASN un événement significatif relatif à la sortie du domaine de fonctionnement autorisé par température basse du réacteur 2, ce qui constitue un écart aux règles générales d’exploitation.
Les règles générales d’exploitation sont un recueil de règles approuvées par l’ASN qui définissent le domaine autorisé de fonctionnement de l’installation et les prescriptions de conduite associées.
Le 24 juillet 2018 à 9h29, alors que le réacteur 2 est en production avec une puissance de 15%, EDF réalise un diagnostic sur une armoire électrique, conduisant à l’ouverture inappropriée d’un sectionneur et provoquant le déclenchement de la turbine.
Les grappes de commande [4] descendent dans le cœur afin de diminuer la réactivité, jusqu’à atteindre la valeur minimale autorisée par les RGE. L’opérateur lance alors les opérations de borication [5] visant également à diminuer la réactivité, puis le repli du réacteur.
Ces actions cumulées entrainent une baisse de la température du circuit primaire sous la valeur minimale autorisée par les RGE à 9h42. La sortie du domaine de fonctionnement par température basse dure jusqu’à 9h52 avec le passage du réacteur dans le domaine d’exploitation d’arrêt normal sur les générateurs de vapeur (AN/GV).
Cet écart n’a pas eu de conséquence sur le personnel ni sur l’environnement. Toutefois, compte-tenu de la sortie du domaine de fonctionnement, cet événement a été classé au niveau 1 de l’échelle INES.
* Le circuit primaire est un circuit fermé, contenant de l’eau sous pression. Cette eau s’échauffe dans la cuve du réacteur au contact des éléments combustibles. Dans les générateurs de vapeur, elle cède la chaleur acquise à l’eau du circuit secondaire pour produire la vapeur destinée à entrainer le groupe turboalternateur. (...) Le circuit primaire permet de refroidir le combustible contenu dans la cuve du réacteur en cédant sa chaleur par l’intermédiaire des générateurs de vapeur lorsqu’il produit de l’électricité ou par l’intermédiaire du circuit de refroidissement à l’arrêt lorsqu’il est en cours de redémarrage après rechargement en combustible. La température du circuit primaire principal est encadrée par des limites afin de garantir le maintien dans un état sûr des installations en cas d’accident. https://www.asn.fr/Lexique/C/Circuit-primaire
[1] La réactivité est une grandeur permettant de mesurer l’écart d’un cœur par rapport à la criticité https://www.asn.fr/Lexique/R/Reactivite
[2] Les RGE (Règles générales d’exploitation) sont un recueil de règles approuvées par l’ASN qui définissent le domaine autorisé de fonctionnement de l’installation et les prescriptions de conduite associées. https://www.asn.fr/Lexique/R/RGE
[3] Le repli d’un réacteur consiste à abaisser la pression et la température de son circuit primaire en application de ses règles générales d’exploitation - https://www.asn.fr/Lexique/R/Repli
[4] Les grappes de commande contiennent des matériaux absorbant les neutrons permettant de contrôler la réaction nucléaire dans le cœur du réacteur en les introduisant dans le cœur ou en les retira
[5] Injection de bore dans le circuit de refroidissement primaire d’un réacteur à eau sous pression, effectuée afin de maîtriser la réactivité du cœur. Le bore agit en tant que poison neutronique.