26 juin 2019
Après les problèmes de ventilation* - et donc de refroidissement - des locaux du réacteur 1, nouvelle prise de risque avec lors du redémarrage du réacteur 6 de la centrale nucléaire de Gravelines (Nord).
Le bore** est un acide qui, dilué dans l’eau du circuit primaire***, permet de ralentir la réaction nucléaire. Tout comme les grappes de commande, qui sont plus ou moins insérées dans le cœur du réacteur, le principe est d’absorber des neutrons pour ralentir la réaction en chaine de fission des atomes. Le bore et les grappes de commande sont les 2 moyens dont dispose EDF pour modérer la réaction nucléaire dans ses installations. Mais s’il est trop concentré, le bore ne se dilue plus. Il forme des cristaux dans la cuve autour du combustible, empêchant alors le refroidissement du cœur du réacteur. L’ajustement de la concentration en bore, tout comme la position des grappes de commande, sont donc des paramètres fondamentaux pour le fonctionnement et la sûreté d’une installation nucléaire et sont strictement réglementés.
Et pourtant... Alors que le réacteur 6 redémarre après un arrêt de plusieurs semaines, non seulement la concentration en bore n’est pas ce qu’elle devrait être, mais le délai maximal autorisé pour retrouver une valeur conforme a été dépassé de plusieurs heures. Cumul d’erreurs de l’exploitant donc, qui lui vaudra une déclaration d’évènement significatif pour la sûreté classé au niveau 1 de l’échelle INES****, la fonction de refroidissement du réacteur, essentielle pour la sûreté, ayant été affectée. L’Autorité de sûreté nucléaire souligne l’incompatibilité entre des actions qui nécessitaient un important volume d’eau et le taux en bore de l’eau utilisée pour les réaliser, questionnant par là la bonne connaissance par les équipes de l’exploitant des principes fondamentaux de sûreté en matière nucléaire.
L.B.
Déclaration d’un événement de niveau 1 suite à une concentration en bore trop élevée dans le circuit primaire de l’unité n°6
Publié le 26/06/2019
Le 23 juin 2019, l’unité de production n°6 est en phase de redémarrage suite à l’arrêt programmé pour rechargement du combustible. Pour pouvoir monter en pression, il est nécessaire d’injecter de l’eau additionnée de bore* dans le circuit primaire. Or l’appoint d’eau a été effectué à partir d’un réservoir dont la concentration en bore était supérieure à la valeur requise.
L’opérateur, qui surveille les paramètres chimiques en salle de commandes, détecte la concentration en bore trop élevée de l’eau du circuit primaire. Le boremètre affiche une valeur de 3120 ppm pour une limite de 3075 ppm. Dans ce cas, les règles d’exploitation imposent de retrouver la valeur requise dans un délai de 8 h.
Pour diminuer la concentration en bore, un appoint d’eau est réalisé à partir d’un réservoir dont la concentration en bore est conforme. La valeur requise est retrouvée mais le délai imparti a été dépassé de 4h38. Cet écart à nos règles d’exploitation, qui n’a pas eu de conséquence ni sur la sûreté, ni sur l’environnement, a été déclaré par la direction de la centrale le 25 juin 2019 au niveau 1 de l’échelle INES graduée de 1 à 7.
Non-respect des spécifications techniques d’exploitation du réacteur 6 de la centrale nucléaire de Gravelines
Publié le 11/07/2019
Centrale nucléaire de Gravelines - Réacteurs de 900 MWe - EDF
Le 25 juin 2019, l’exploitant de la centrale nucléaire de Gravelines a déclaré à l’ASN un événement significatif pour la sûreté, relatif au non-respect des spécifications techniques d’exploitation du réacteur 6 concernant le dépassement de la concentration maximale en bore du circuit primaire.
Le bore, présent dans l’eau du circuit primaire sous forme d’acide borique dissous, permet de modérer, par sa capacité à absorber les neutrons, la réaction en chaîne. La concentration en bore est ajustée pendant le cycle en fonction de l’épuisement progressif du combustible en matériau fissile. Sa concentration doit être suivie ; lorsque sa concentration est trop élevée, le bore atteint sa limite de solubilité et peut cristalliser autour des crayons de combustibles et des éléments internes de la cuve. En conséquence, le refroidissement du cœur ne serait alors plus correctement assuré.
Depuis le 1er juin 2019, le réacteur 6 est à l’arrêt pour maintenance et rechargement d’une partie du combustible. Le 23 juin 2019, le rechargement du combustible est achevé, le réacteur est en phase de redémarrage. Après un premier contrôle de la concentration en bore du circuit primaire (2975 ppm), les opérations d’éventage et de montée en pression du circuit, par injection d’eau contenant du bore, sont réalisées. Trois heures après le début des opérations, un opérateur, qui suit les paramètres chimiques du circuit primaire, constate que la concentration en bore est anormalement élevée (3120 ppm). Conformément aux spécifications techniques d’exploitation, la conduite à tenir est alors de retrouver une concentration en bore inférieure à 3075 ppm sous 8 heures.
Afin de la baisser la concentration en bore, l’appoint en eau du circuit primaire est réalisé à partir d’un réservoir dont la concentration en bore est plus faible. Ce n’est que 12 heures 30 plus tard que la concentration en bore mesurée redevient inférieure à 3075 ppm. La conduite à tenir prescrite par les spécifications techniques d’exploitation n’a donc pas pu être respectée.
Cet événement n’a pas eu de conséquence sur les installations, les personnes et l’environnement. Toutefois l’événement ayant affecté la fonction de sûreté liée au refroidissement du réacteur, l’ASN le classe au niveau 1 de l’échelle INES (échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques, graduée de 0 à 7 par ordre croissant de gravité).
Une première analyse montre que cet événement est dû à une incompatibilité entre l’activité d’éventage et de pressurisation du circuit primaire, nécessitant un volume conséquent d’apport en eau, et la concentration élevée en bore de l’eau utilisée pour cette opération.
* Voir notre article Problème de ventilation en zone nucléaire : le réacteur 1 mis à l’arrêt du 19 juin 2019
** Le bore, présent dans l’eau du circuit primaire sous forme d’acide borique dissous, permet de modérer, par sa capacité à absorber les neutrons, la réaction en chaîne. La concentration en bore est ajustée pendant le cycle en fonction de l’épuisement progressif du combustible en matériau fissile.
Un boremètre est un dispositif permettant de mesurer le taux de bore du circuit primaire d’un réacteur. https://www.asn.fr/Lexique/B/Bore
*** Le circuit primaire est un circuit fermé, contenant de l’eau sous pression. Cette eau s’échauffe dans la cuve du réacteur au contact des éléments combustibles. Dans les générateurs de vapeur, elle cède la chaleur acquise à l’eau du circuit secondaire pour produire la vapeur destinée à entrainer le groupe turboalternateur. Le circuit primaire permet de refroidir le combustible contenu dans la cuve du réacteur en cédant sa chaleur par l’intermédiaire des générateurs de vapeur lorsqu’il produit de l’électricité ou par l’intermédiaire du circuit de refroidissement à l’arrêt lorsqu’il est en cours de redémarrage après rechargement en combustible. La température du circuit primaire principal est encadrée par des limites afin de garantir le maintien dans un état sûr des installations en cas d’accident. https://www.asn.fr/Lexique/C/Circuit-primaire
**** * INES : International nuclear and radiological event scale (Échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques) - Description et niveaux ici - https://www.asn.fr/Lexique/I/INES