22 avril 2024
À deux reprises en avril 2024 le réacteur 1 de la centrale de Golfech (Occitanie) a dépassé, en température et en puissance, les limitations imposées par l’Autorité de sûreté nucléaire. Ces sorties de route sont le résultat de défaillances matérielles et d’un mauvais diagnostic technique.
Crédit photo : André Paris
C’est d’abord le 17 avril, alors que le réacteur était à pleine puissance, que la température du principal circuit de refroidissement (le circuit primaire [1]) a augmenté, jusqu’à dépasser les limites maximales autorisées. Et avec elle la puissance de la réaction nucléaire. Les alarmes ont retenti en salle de commande à 5h du matin. L’industriel mettra une heure à ramener le réacteur à une température autorisée (307.3°C max). Le problème est diagnostiqué : un dispositif servant à faire des essais, qui était connecté au système qui régule automatiquement la température, en perturbait le signal.
Quelques jours plus tard, le 22 avril, la même alarme retentit en salle de commande au petit matin : le circuit primaire est trop chaud et la puissance du réacteur trop forte. Le risque est que l’eau se mette à bouillir et s’évapore. Sans eau, plus de refroidissement du combustible. Sans refroidissement, plus d’évacuation de la chaleur, surchauffe, et risque de fusion du cœur. Cette fois, l’industriel réagit plus rapidement : la sortie de route est allée moins loin (307.4°C) et a durée moins longtemps (20 secondes). Le problème - qui avait aussi causé la première sortie de route le 17 avril - venait du dysfonctionnement de matériels du système de régulation de température. EDF a remplacé dans la journée 2 cartes électroniques entre lesquelles un défaut de transmission des valeurs de température était apparu.
Un diagnostic correctement posé le 17 avril ou des vérifications complémentaires ultérieures auraient permis d’éviter la répétition de la perte de contrôle de la puissance du réacteur. EDF a déclaré aux autorités un premier incident le 19 avril, comme étant significatif [2] pour la sûreté [3] de son réacteur. L’industriel a dû compléter sa déclaration le 24 avril.
Les communiqués de l’industriel et de l’Autorité de sûreté (ASN) ne disent pas comment un diagnostic erroné a pu être posé et ne pas être détecté par des investigations complémentaires. Pas plus qu’ils ne précisent de quand datent les derniers contrôles des matériels du régulateur de température du réacteur, ni s’ils ont été fait correctement. Outre les dépassements des limitations de puissance imposées à un réacteur nucléaire et le délai de réaction de l’industriel aux commandes, ces incidents pointent des contrôles insuffisants et des analyses techniques défaillantes.
L.B.
Déclaration d’un ESS de niveau 1 relatif au non-respect des spécifications techniques d’exploitation [4]
Publié le 22/04/2024
Evénement sûreté
Le 17 avril 2024, alors que le réacteur n°1 est en production à pleine puissance, une défaillance du dispositif de régulation de la température du circuit primaire [5] est apparue. Celle-ci a conduit à un dépassement, durant moins d’une heure, de la valeur de température moyenne autorisée par les spécifications techniques d’exploitation (STE) qui est de 307,3°C. La température du circuit primaire a dépassé cette valeur de 1,7 °C.
Dès la détection de cette configuration inappropriée, le personnel en charge de l’exploitation du réacteur a procédé aux opérations permettant de retrouver une température du circuit primaire conforme aux valeurs prescrites par les spécifications techniques d’exploitation. Une intervention technique a ensuite permis de retrouver le bon fonctionnement du dispositif de régulation de la température du circuit primaire.
Le 22 avril 2024, la température du circuit primaire a dépassé de 0,1 °C la valeur de 307,3°C, pendant 20 secondes. Les investigations effectuées ont confirmé le même dysfonctionnement que celui observé le 17 avril 2024. Une intervention technique complémentaire a donc été menée pour garantir le bon fonctionnement du dispositif de régulation de la température du circuit primaire.
Cet événement n’a eu aucune conséquence réelle sur la sécurité du personnel, sur les installations et sur l’environnement. Cependant, en raison du non-respect des spécifications techniques d’exploitation, il a été déclaré par la Direction de la Centrale nucléaire de Golfech le vendredi 19 avril 2024, à l’Autorité de sûreté nucléaire, au niveau 1 de l’échelle INES qui en compte 7. Cette déclaration a été complétée le 24 avril, en raison du dépassement temporaire de température du circuit primaire observé le 22 avril.
Sortie du domaine de fonctionnement autorisé du réacteur 1
Publié le 29/04/2024
Centrale nucléaire de Golfech Réacteurs de 1300 MWe - EDF
Le 19 avril 2024, l’exploitant de la centrale nucléaire de Golfech a déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) un événement significatif pour la sûreté relatif à la sortie du domaine de fonctionnement autorisé par les règles générales d’exploitation (RGE), en raison d’une température moyenne trop élevée de l’eau du circuit primaire principal (CPP) du réacteur 1. La déclaration de cet événement a été complétée le 24 avril 2024 à la suite d’une seconde sortie du domaine de fonctionnement autorisé survenue le 22 avril 2024.
Les RGE sont un recueil de règles approuvées par l’ASN qui définissent le domaine de fonctionnement autorisé de l’installation et les prescriptions de conduite des réacteurs associées. Elles précisent notamment les limites minimales et maximales autorisées pour la pression et la température de l’eau du circuit primaire.
En pilotage automatique, la régulation de la température moyenne du circuit primaire s’effectue à l’aide des grappes de contrôle dites « groupe R ». Un automatisme de régulation contrôle le niveau d’insertion des grappes de contrôle du groupe R en fonction notamment de la température moyenne du circuit primaire principal et de la puissance thermique du circuit primaire principal comparée à celle du circuit secondaire principal.
Le 17 avril 2024, le réacteur était en production et en pilotage automatique. A 5h02, une alarme indiquant une puissance du réacteur élevée est apparue. Cette alarme résulte d’un dysfonctionnement matériel ayant faussé la transmission des valeurs de température entre deux cartes électroniques de l’automatisme de régulation. Ce dernier a alors provoqué une augmentation de la température moyenne du circuit primaire et de la puissance du réacteur.
Après avoir analysé la situation et diminué la puissance de consigne de l’installation, l’exploitant Cette situation a généré une sortie du domaine de fonctionnement autorisé d’environ une heure avec une température maximale atteinte de 309 °C alors que la température maximale autorisée par les RGE est 307,3 °C.
Les premiers diagnostics réalisés par l’exploitant ont conclu que le dysfonctionnement était dû à une perturbation du signal par l’instrumentation d’essai qui était connecté au système de régulation du pilotage automatique. Le site a donc débranché ce système d’essai, ce qui a corrigé le dysfonctionnement.
Le 22 avril 2024 à 5h02, une alarme indiquant une puissance du réacteur élevée est apparue à nouveau. A 5h05, l’exploitant a repris en pilotage manuel le groupe R pour diminuer la température moyenne du circuit primaire principal. Cette situation a généré une sortie du domaine de fonctionnement autorisé d’environ vingt secondes avec une température maximale atteinte de 307,4 °C. Le même jour vers 19h, l’exploitant a remplacé les deux cartes électroniques de l’automatisme de régulation entre lesquelles le défaut de transmission des valeurs de température était apparu, ce qui a permis de retrouver un fonctionnement normal de cet automatisme.
Cet événement n’a pas eu de conséquence sur les installations, les personnes et l’environnement. Toutefois, l’événement a affecté la fonction de sûreté liée à la maîtrise de la réactivité du réacteur. En raison de la sortie de domaine de fonctionnement autorisé du réacteur 1, cet événement a été classé au niveau 1 de l’échelle INES (échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques, graduée de 0 à 7 par ordre croissant de gravité).
[1] Le circuit primaire est un circuit fermé, contenant de l’eau sous pression. Cette eau s’échauffe dans la cuve du réacteur au contact des éléments combustibles. Dans les générateurs de vapeur, elle cède la chaleur acquise à l’eau du circuit secondaire pour produire la vapeur destinée à entraîner le groupe turboalternateur. Le circuit primaire permet de refroidir le combustible contenu dans la cuve du réacteur en cédant sa chaleur par l’intermédiaire des générateurs de vapeur lorsqu’il produit de l’électricité ou par l’intermédiaire du circuit de refroidissement à l’arrêt lorsqu’il est en cours de redémarrage après rechargement en combustible. La température du circuit primaire principal est encadrée par des limites afin de garantir le maintien dans un état sûr des installations en cas d’accident. https://www.asn.fr/Lexique/C/Circuit-primaire
[2] Événements significatifs : incidents ou accidents présentant une importance particulière en matière, notamment, de conséquences réelles ou potentielles sur les travailleurs, le public, les patients ou l’environnement. https://www.asn.fr/Lexique/E/Evenement-significatif En dessous des évènements significatifs, il y a les évènements dits « intéressants », et encore en dessous les « signaux faibles ». Un évènement catégorisé « significatif » est donc déjà « en haut de l’échelle » d’importance des évènements
[3] La sûreté nucléaire est l’ensemble des dispositions techniques et des mesures d’organisation relatives à la conception, à la construction, au fonctionnement, à l’arrêt et au démantèlement des installations nucléaires de base, ainsi qu’au transport des substances radioactives, prises en vue de prévenir les accidents ou d’en limiter les effets. https://www.asn.fr/Lexique/S/Surete-nucleaire
[4] Les spécifications techniques d’exploitation (STE) sont un recueil de règles d’exploitation approuvées par l’Autorité de sûreté nucléaire, qui définissent le domaine autorisé de fonctionnement d’une centrale nucléaire et les prescriptions de conduite du réacteur associées.
[5] Le circuit primaire principal est un circuit fermé, contenant de l’eau sous pression. Les limites de température de ce circuit, imposées par les spécifications techniques d’exploitation, garantissent une marge qui permet de se prémunir contre tout risque d’ébullition de l’eau.