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Des accidents nucléaires partout

France : Dampierre : Quand EDF gère mal la réaction nucléaire

Problème sur les grappes de commande et mauvais dosage en bore, la maîtrise de la réactivité malmenée




29 septembre 2023


Alors que le réacteur 1 de la centrale nucléaire de Dampierre (Centre - val de Loire) était en cours de redémarrage, un problème est survenu sur les grappes de commande, le principal outil de maîtrise de la puissance de la réaction nucléaire. EDF a alors diminué la puissance de son réacteur, mais il a sous-dosé le bore, le second moyen dont il dispose pour contrôler la réaction nucléaire.


Crédit photo : André Paris

Les faits sont survenus en juin 2023, mais c’est après plusieurs mois que le public sera informé. En cause, le temps d’analyse approfondie par EDF des faits qui se sont produits lors du redémarrage du réacteur 1 de Dampierre. Non seulement EDF a commencé à démarrer son réacteur alors qu’une avarie affectait les grappes de commande  [1] sans qu’elle n’ait été détectée préalablement, mais qui plus est, l’industriel a mal dosé le bore [2] qu’il a injecté dans la cuve pour diminuer la puissance de la réaction nucléaire qu’il avait lancée. Ce n’est qu’au bout de 4 heures que la concentration de cette substance qui absorbe les neutrons est revenue au niveau autorisé.

Par cette double erreur, manque de vérification du bon fonctionnement des grappes de commande et sous-dosage du bore dans le circuit de refroidissement principal, l’industriel a directement entravé sa capacité à garder le contrôle de la réaction nucléaire. Les faits, significatifs [3] pour la sûreté [4] , ont été déclarés à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) le 26 septembre 2023.

Ce que dit EDF :

Déclaration d’un événement significatif pour la sûreté de niveau 1 pour non-respect des Spécifications Techniques d’Exploitation (STE)

Publié le 29/09/2023

Le pilotage d’un réacteur s’inscrit dans un cadre de prescriptions, parmi lesquelles les spécifications techniques d’exploitation (STE), qui regroupent l’ensemble des règles à respecter pour la conduite des installations.

Le 4 juin 2023, l’unité de production n°1 est en phase de redémarrage après son arrêt pour maintenance programmée et est maintenue à puissance nulle. À 12h04, lors d’essais préalables à l’augmentation de puissance, un défaut sur un groupe de grappes de contrôle* est détecté par les opérateurs présents en salle de commande.

Dans cette situation, les STE prévoient la mise à l’arrêt du réacteur sous une heure, ce qui est engagé à 13h03. Les opérateurs mesurent la concentration en bore** de l’eau présente dans le réacteur. Celle-ci est mesurée à 1590 ppm, ce qu’ils estiment être supérieur à celle prescrite par les STE pour un réacteur à l’arrêt.

À 14h40, après l’analyse complète de la situation, le chef d’exploitation demande qu’une augmentation de la concentration en bore soit lancée pour atteindre 2000 ppm (concentration requise par les STE dans cette situation particulière). Elle sera atteinte à 17h40.

L’analyse a posteriori a conclu que l’augmentation de la concentration en bore aurait due être mise en œuvre dès la mise à l’arrêt du réacteur et au plus tard sous une heure, conformément aux STE.

Cette mise en œuvre tardive n’a pas eu d’impact réel sur la sûreté de l’installation. Toutefois, en raison du non-respect des spécifications techniques d’exploitation (STE), la centrale nucléaire de Dampierre-en-Burly a déclaré cet événement le 26 septembre à l’Autorité de sûreté nucléaire comme un événement significatif de sûreté de niveau 1 (anomalie) sur l’échelle INES, qui en compte 7.

* Les grappes de contrôles permettent d’agir avec précision sur la puissance du réacteur. Pour le faire démarrer, pour l’arrêter, pour le faire fonctionner à différents niveaux de puissance, on agit sur l’intensité de la réaction en chaîne au moyen de barres de contrôle constituées de matériaux qui ont la faculté d’absorber les neutrons. La descente de ces barres dans le cœur du réacteur provoque l’absorption des neutrons et donc le ralentissement de la réaction en chaîne.

** Le bore est un minéral présent à l’état naturel dans le sol, l’eau et les aliments. Il a pour faculté chimique d’être neutrophage (pouvoir d’absorption des neutrons) et se mesure en ppm « partie par million ».

https://www.edf.fr/la-centrale-nucleaire-de-dampierre-en-burly/les-actualites-de-la-centrale-nucleaire-de-dampierre/declaration-dun-evenement-significatif-pour-la-surete-de-niveau-1-pour-non-respect-des-specifications-techniques-dexploitation-ste


Ce que dit l’ASN :

Non-respect de la conduite à tenir prévue par les règles générales d’exploitation

Publié le 10/10/2023

Centrale nucléaire de Dampierre-en-Burly Réacteurs de 900 MWe - EDF

Le 26 septembre 2023, EDF a déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) un évènement significatif pour la sûreté relatif au non-respect de la conduite à tenir prévue par les règles générales d’exploitation du réacteur 1 de la centrale nucléaire de Dampierre-en-Burly en cas de concentration en bore inférieure à celle requise dans le circuit primaire.

Pour contrôler la réaction nucléaire dans le cœur du réacteur et assurer ainsi la maîtrise de la réactivité, l’exploitant dispose de deux moyens principaux :

  • ajuster la concentration de bore dans l’eau du circuit primaire, le bore ayant la propriété d’absorber les neutrons produits par la réaction nucléaire ;
  • introduire les grappes de commande dans le cœur ou les en retirer ; ces grappes de commande contiennent des matériaux absorbant les neutrons.

Les règles générales d’exploitation sont un recueil de règles approuvées par l’ASN qui définissent le domaine autorisé de fonctionnement de l’installation et les prescriptions de conduite des réacteurs associées. Dans le cas où la concentration en bore est inférieure à l’attendu alors que le réacteur est en arrêt normal sur générateur de vapeur, les règles générales d’exploitation imposent à l’exploitant de la rétablir sous une heure.

Le 4 juin 2023, alors le réacteur 1 était en puissance et effectuait des essais de redémarrage, un aléa matériel sur les grappes de commande a amené l’exploitant à procéder au repli du réacteur en arrêt normal sur générateur de vapeur. L’analyse de l’événement effectuée a posteriori a révélé que le repli du réacteur a été réalisé avec une concentration en bore inférieure à celle définie dans les règles générales d’exploitation et que la concentration en bore attendue en arrêt normal sur générateur de vapeur n’a été retrouvée qu’au bout d’environ quatre heures. Les règles générales d’exploitation, qui prévoient le rétablissement de la concentration en bore dans le réacteur sous une heure n’ont donc pas été respectées.

Cet évènement n’a pas eu de conséquence pour les personnes et l’environnement.

Néanmoins, en raison de sa détection tardive, cet événement qui a affecté la fonction de sûreté maîtrise de la réactivité du réacteur a été classé au niveau 1 de l’échelle INES (échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques, graduée de 0 à 7 par ordre croissant de gravité).

https://www.asn.fr/l-asn-controle/actualites-du-controle/installations-nucleaires/avis-d-incident-des-installations-nucleaires/non-respect-de-la-conduite-a-tenir-prevue-par-les-regles-generales-d-exploitation13


[1Grappes de commande : Pour contrôler la réaction nucléaire dans le cœur du réacteur, l’exploitant dispose de deux moyens principaux : - ajuster la concentration de bore dans l’eau du circuit primaire, le bore ayant la propriété d’absorber les neutrons produits par la réaction nucléaire, - introduire les grappes de commande dans le cœur ou les en retirer, ces grappes de commande contiennent des matériaux absorbant les neutrons. II convient, en marche normale du réacteur, de maintenir certaines grappes à un niveau suffisant, fixé par les spécifications techniques, d’une part pour que leur chute puisse étouffer efficacement la réaction nucléaire en cas d’arrêt d’urgence, d’autre part pour assurer une bonne répartition du flux de neutrons. https://www.asn.fr/lexique/G/Grappes-de-commande

[2Le bore, présent dans l’eau du circuit primaire sous forme d’acide borique dissous, permet de modérer, par sa capacité à absorber les neutrons, la réaction en chaîne. La concentration en bore est ajustée pendant le cycle en fonction de l’épuisement progressif du combustible en matériau fissile. https://www.asn.fr/lexique/b/Bore

[3Événements significatifs : incidents ou accidents présentant une importance particulière en matière, notamment, de conséquences réelles ou potentielles sur les travailleurs, le public, les patients ou l’environnement. https://www.asn.fr/Lexique/E/Evenement-significatif En dessous des évènements significatifs, il y a les évènements dits « intéressants », et encore en dessous les « signaux faibles ». Un évènement catégorisé « significatif » est donc déjà « en haut de l’échelle » d’importance des évènements

[4La sûreté nucléaire est l’ensemble des dispositions techniques et des mesures d’organisation relatives à la conception, à la construction, au fonctionnement, à l’arrêt et au démantèlement des installations nucléaires de base, ainsi qu’au transport des substances radioactives, prises en vue de prévenir les accidents ou d’en limiter les effets. https://www.asn.fr/Lexique/S/Surete-nucleaire


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Installation(s) concernée(s)

Dampierre-en-Burly

Nombre d'événements enregistrés dans notre base de données sur cette installation
94