6 mars 2020
L’exploitant de la centrale nucléaire de Cruas (Drôme) vient de déclarer début mars 2020 que plusieurs pics de radioactivité ont été enregistrés dans un bâtiment, sur plusieurs jours consécutifs, en janvier et février 2020 mais aussi en octobre et en novembre 2019. Mais EDF n’a interdit l’accès de ces locaux contaminés à ses employés que fin janvier et les a sciemment fait travailler au milieu de particules radioactives, sans protections adaptées.
Ce que le communiqué de l’exploitant ne dit pas c’est qu’il a aussi, à chaque fois, rejeté cet air contaminé dans l’atmosphère. Des relevés faits toutes les semaines ont montré une activité bêta globale d’origine artificielle dans les rejets de la ventilation dès le 20 octobre 2019. Mais ce n’est qu’en janvier 2020 qu’EDF a commencé à en chercher l’origine. Il s’est avéré que le sas où étaient décontaminés les outils utilisés en zone nucléaire n’était pas étanche. "Défaut de gestion lors d’opérations de décontamination d’outillages ayant entraîné une dispersion de la contamination et des rejets radioactifs gazeux non autorisés" dira l’Autorité de sûreté, violation à 4 reprises d’une prescription réglementaire et multiples défaillances organisationnelles.
Difficile de comprendre comment cette situation a été possible puisque l’air de ce bâtiment où sont mis tous les outils contaminés est contrôlé toutes les semaines. EDF justifie la présence de particules radioactives volatiles dans les locaux par des opérations de décontamination de matériels et de maintenance. Rien d’exceptionnel a priori, ces opérations se rapportent à des activités courantes. Peut être les opérations en elles-mêmes n’ont pas été réalisées correctement ? Ce qui signifie qu’elles n’ont pas été préparées ni surveillées ni contrôlées après coup, ou alors pas convenablement. Et en effet, puisque si le nettoyage des outils contaminés s’est bien effectué dans un sas, celui-ci n’était pas étanche. Il n’y a donc pas eu confinement des radionucléides, mais dissémination.
Selon le communiqué EDF, du 8 au 15 janvier et du 22 janvier au 1er février 2020, l’air du bâtiment était radioactif. Mais l’exploitant n’en a interdit l’accès à son personnel que le 28 janvier. Petite cerise sur le gâteau, il s’avère, contrôles a posteriori un peu approfondis faits après ces détections, que ça a aussi été le cas du 22 octobre au 1 novembre 2019 et encore du 15 au 22 novembre 2019.
EDF se justifie derechef : même s’il l’a détectée tardivement, cette exposition de son personnel ne pose pas de problème, puisque les valeurs d’activité cumulées représentent toutefois moins de 0,001 % de la limite annuelle fixée par la réglementation applicable au site nucléaire. Concernant la nature et le vivant, aucun problème non plus : rien n’a été détecté en limite de l’installation nucléaire, ni dans l’air ni dans l’eau, par le seul et unique prélèvement réalisé on ne sait pas trop quand. Donc aucune conséquence pour l’environnement.
Il n’empêche que les travailleurs ont été exposés à des particules radioactives alors que cela aurait pu leur être évité, si l’exploitant faisait preuve de plus de rigueur, faisait ses analyses dans les temps et respectait les règles censées régir le fonctionnement de son usine nucléaire. Surveiller les niveaux de radioactivité, et surtout réagir et prendre des mesures adéquates en conséquence, ne semblent pas être un enjeu prioritaire pour l’exploitant nucléaire. Les relevés des filtres de surveillance des rejets de la ventilation du bâtiment montraient clairement la présence d’une activité bêta globale d’origine artificielle dès le mois d’octobre 2019. Mais ce n’est qu’en janvier 2020 qu’EDF commencera à chercher son origine. Il n’y a pas si longtemps, une inspection de l’Autorité de sûreté nucléaire révélait des niveaux de doses largement au-delà des limites autorisées sur l’aire de stockage des outils contaminés. Là encore des contrôles et mesures avaient régulièrement été faits. Mais malgré des niveaux jusqu’à 30 fois supérieurs par endroits, EDF n’avait tout simplement rien fait. L’exploitant a laissé la situation perdurer durant des mois, aux dépends encore une fois des travailleurs et de l’environnement.
L.B.
Détection d’activité dans un circuit de ventilation suite à des opérations de maintenance d’outillages
Publié le 06/03/2020
A la centrale EDF de Cruas-Meysse, l’analyse des mesures périodiques hebdomadaires effectuées dans le circuit de ventilation du bâtiment de stockage des outillages dédiés à la zone contrôlée a mis en évidence de faibles élévations ponctuelles de l’activité à deux reprises (du 8 au 15 janvier et du 22 janvier au 1er février 2020). Une décontamination de matériels stockés dans ces locaux et une intervention de maintenance sur du matériel contaminé sont à l’origine de la mise en suspension de particules radioactives volatiles dans le bâtiment.
Des analyses complémentaires réalisées suite à la détection de cet événement ont mis en évidence de faibles élévations d’activité dans ces locaux du 22 octobre au 1 novembre 2019 ainsi que du 15 au 22 novembre 2019, périodes correspondant au repli des matériels utilisés en zone contrôlée à la fin de l’arrêt de l’unité de production n°1.
Identifiées tardivement, les valeurs d’activité cumulées représentent toutefois moins de 0,001 % de la limite annuelle fixée par la réglementation applicable à la centrale de Cruas-Meysse.
Le 28 janvier, de manière préventive, l’accès à ces locaux a été interdit au personnel. La décontamination de l’ensemble des locaux et des mesures préalables ont permis d’en ré-autoriser l’accès le 3 février 2020.
Cet écart n’a pas eu de conséquence sur l’environnement. Le contrôle de l’activité de l’air ambiant en limite de site, le débit de dose au niveau des balises de surveillance ainsi qu’un prélèvement d’eau à proximité de la ventilation n’ont révélé aucune évolution sur la période.
La Direction de la centrale a déclaré un événement significatif de sûreté au niveau 1 de l’échelle INES à l’Autorité de sûreté nucléaire le 5 mars 2020.
Défaut de gestion lors d’opérations de décontamination d’outillages ayant entraîné une dispersion de la contamination et des rejets radioactifs gazeux non autorisés
Publié le 09/03/2020
Centrale nucléaire de Cruas-Meysse - Réacteurs de 900 MWe - EDF
Le 5 mars 2020, EDF a déclaré un évènement significatif relatif au rejet, à quatre reprises entre octobre 2019 et janvier 2020, de radioactivité bêta globale d’origine artificielle par la ventilation de l’atelier chaud de la centrale nucléaire de Cruas-Meysse.
Les outillages utilisés en zone contrôlée pour effectuer les travaux de maintenance lors des arrêts de réacteur sont entreposés puis décontaminés dans des locaux dits « atelier chaud ». Les opérations de décontamination des outillages doivent être réalisées dans un sas étanche afin de confiner la contamination.
Des relevés hebdomadaires sur les filtres de surveillance des rejets de la ventilation de l’atelier chaud ont mis en évidence le dépassement du seuil de décision [1] relatif à l’activité bêta globale d’origine artificielle durant la dernière semaine du mois d’octobre 2019, la troisième semaine du mois de novembre 2019 et les deuxième et dernière semaines du mois de janvier 2020. Or, la décision de l’ASN n° 2016-DC-0548 dispose que « les circuits de ventilation [de l’atelier chaud] ne mettent pas en évidence d’activité volumique bêta globale d’origine artificielle supérieure à celle naturellement présente dans l’air ambiant ».
La surveillance hebdomadaire réalisée par EDF sur les résultats des mesures de l’activité bêta globale d’origine artificielle dans les rejets de la ventilation de l’atelier chaud aurait dû conduire à mener les investigations dès la dernière semaine du mois d’octobre 2019 afin de déterminer l’origine du dépassement. Cela aurait permis d’éviter l’occurrence des trois autres rejets aux mois de novembre 2019 et janvier 2020.
Néanmoins, les premières investigations n’ont été menées par EDF qu’au mois de janvier 2020 et ont mis en évidence que les opérations de décontamination des outillages n’étaient pas réalisées dans un sas étanche. Cette situation a entraîné la dispersion de contamination dans l’atelier chaud et la présence d’activité volumique bêta globale d’origine artificielle dans les circuits de ventilation de l’atelier chaud.
Les opérations de décontamination des outillages entreposés dans l’atelier chaud sont suspendues jusqu’à ce qu’EDF soit en capacité de garantir l’étanchéité du sas dans lequel sont réalisées ces opérations.
Les appareils de surveillance de l’environnement implantés autour du site n’ont détecté aucune élévation de la radioactivité. Les prélèvements d’eaux pluviales récupérées à proximité de l’atelier chaud n’ont pas mis en évidence la présence de radioactivité d’origine artificielle.
Néanmoins, en raison du non-respect, à quatre reprises, de la prescription réglementaire interdisant le rejet de radioactivité bêta globale d’origine artificielle par la ventilation de l’atelier chaud et de la mise en évidence de plusieurs défaillances organisationnelles, cet événement a été classé au niveau 1 de l’échelle INES [2]
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[1] Le seuil de décision est le seuil pour lequel on peut dire que, statistiquement parlant, un appareil de mesure donne un résultat de mesure probant (qui statistiquement émerge du bruit de fond naturel). Le seuil de décision est une valeur telle qu’à partir de cette valeur et au-delà on peut conclure avec une quasi-certitude que le résultat de mesure est significatif d’une radioactivité avérée dans l’objet.