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Des accidents nucléaires partout

France : Chooz : Le réacteur 2 redémarre avec une porte mal fermée

Après 1 an et 4 mois d’arrêt, EDF un peu trop pressé ?




21 avril 2023


Le 19 avril 2023, le réacteur 2 de la centrale nucléaire de Chooz (Grand Est) a atteint sa pleine puissance, après un an et 4 mois d’arrêt [1] pour contrôles et réparations d’une forme inattendue de corrosion (corrosion sous contrainte) affectant plusieurs tuyauteries au cœur du réacteur. EDF n’a pas remarqué que la porte d’accès au bâtiment nucléaire était mal fermée.


Les arrêts et redémarrages de réacteurs nucléaires sont des phases délicates. Les opérations de démarrage commencent bien avant la reconnexion du réacteur au réseau électrique national et la montée en puissance se fait progressivement. L’activité du cœur du réacteur doit être constamment surveillée et au préalable de nombreux tests et vérifications doivent être effectués.

Pourtant, alors que cette période d’activité battait son plein, une porte d’accès au bâtiment abritant le réacteur a été mal fermée. EDF ne l’a découvert que plusieurs jours après. Entre-temps, le redémarrage et la montée en puissance ont continué. Les règles censées régir le fonctionnement de l’installation nucléaire sont pourtant très claires : dès qu’il y a réaction nucléaire en cours dans la cuve (divergence  [1] ), tout accès doit être verrouillé et contrôlé.

Si l’étanchéité de l’enceinte dans la quelle est confiné le réacteur n’a pas été mise à mal par cette mauvaise fermeture (la porte mal fermée faisant partie d’un sas dont l’autre porte étant elle correctement fermée), les faits sont révélateurs d’un manque de précautions et de vérifications dans une période qui exige pourtant particulièrement de rigueur. Qui plus est, en cas d’accident dans le bâtiment, le sas n’aurait pas été opérationnel (supprimant ainsi une barrière entre l’intérieur du bâtiment réacteur et l’environnement extérieur). Si la porte intérieur du sas, donnant sur le cœur du réacteur, avait été dégradée (ou elle aussi mal fermée), il aurait été impossible de confiner la radioactivité dans l’enceinte du bâtiment.
À noter qu’un autre incident a été déclaré récemment par EDF sur ce même réacteur 2 : un joint de mauvaise taille a été posé en remplacement d’un autre lors d’une intervention de maintenance. La pompe a ensuite été testée et déclarée apte à fonctionner, alors qu’elle fuyait du fait du joint inadapté. Là encore, un manque de rigueur et d’application, tant dans la maintenance que dans les vérifications, est à l’origine de l’incident. EDF serait-il un peu trop pressé de redémarrer pour prendre le temps de contrôler correctement ses équipements ?

L.B.

Ce que dit EDF :

Déclaration d’un événement significatif pour la sûreté de niveau 1 à la suite de la non-fermeture, lors du redémarrage du réacteur, de la porte extérieure d’un sas d’accès au bâtiment réacteur

Publié le 21/04/2023

Le 6 avril 2023, alors que l’unité n°2 est à l’arrêt et afin de permettre les entrées de personnel pour la réalisation de travaux de maintenance, l’ouverture temporaire des portes d’un sas d’accès au bâtiment réacteur est autorisée.

Le 13 avril 2023, à l’issue des travaux et en vue des opérations de redémarrage, un intervenant referme la porte lourde de protection biologique située devant le sas, en dehors du bâtiment réacteur, sans détecter que la porte donnant vers l’extérieur de ce sas n’est pas complètement refermée.

Les opérations de redémarrage se poursuivent.

Le 15 avril 2023, lors d’un contrôle, l’exploitant constate que la porte extérieure du sas n’est pas complètement refermée ; il procède alors immédiatement à sa refermeture, conformément à la conduite à tenir.

Cet écart n’a pas affecté l’étanchéité du réacteur, la porte intérieure du sas étant bien fermée durant toute cette période. L’événement est donc sans conséquences sur la sureté des installations.

Cependant, le fait que la porte extérieure du sas d’accès au bâtiment réacteur n’ait pas été refermée pendant la phase de divergence du réacteur constitue un non-respect d’une prescription des spécifications techniques d’exploitation.

Cet événement a donc été déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire le 19 avril 2023 comme significatif pour la sûreté au niveau 1 de l’échelle INES qui en compte 7.

https://www.edf.fr/la-centrale-nucleaire-de-chooz/les-actualites-de-la-centrale-nucleaire-de-chooz/declaration-dun-evenement-significatif-pour-la-surete-de-niveau-1-a-la-suite-de-la-non-fermeture-lors-du-redemarrage-du-reacteur-de-la-porte-exterieure-dun-sas-dacces-au


Ce que dit l’ASN :

Divergence du réacteur 2 de la centrale nucléaire de Chooz malgré une porte de sas non fermée.

Publié le 28/04/2023

Centrale nucléaire de Chooz B Réacteurs de 1450 MWe - EDF

Le 15 avril 2023, EDF a déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) un événement significatif pour la sûreté relatif à la divergence du réacteur 2 de la centrale nucléaire de Chooz malgré une porte de sas non fermée.

L’enceinte de confinement du réacteur, dite « bâtiment réacteur », est un bâtiment en béton à l’intérieur duquel se trouvent le cœur du réacteur et le circuit primaire. Elle est destinée, en cas d’accident, à retenir les substances radioactives qui seraient libérées en cas de rupture du circuit primaire. Deux sas permettent l’accès des personnes et du matériel à l’intérieur du bâtiment réacteur. Un sas est composé d’une première porte, assurant la protection biologique (dite porte intérieure du sas), et d’une deuxième porte donnant vers l’extérieur du sas.

Le 6 avril 2023, alors que le réacteur est en préparation au redémarrage, l’ouverture d’un sas d’accès au bâtiment réacteur est autorisée pour effectuer une opération de maintenance. A l’issue des travaux, les intervenants referment uniquement la porte intérieure du sas. Le 13 avril, l’exploitant procède à la divergence du réacteur sans identifier que la porte donnant vers l’extérieur du sas n’est pas fermée.

Le fait que la porte extérieure du sas d’accès au bâtiment réacteur n’ait pas été fermée pendant la phase de divergence du réacteur constitue un non-respect d’une prescription des règles générales d’exploitation. Cet écart a été détecté le 15 avril et la porte a été immédiatement refermée.

En cas de rupture du circuit primaire, la porte intérieure du sas, correctement fermée, aurait permis de maintenir l’étanchéité du bâtiment réacteur et le confinement des substances radioactives. Néanmoins, cet événement a conduit à la perte temporaire de la redondance de confinement apportée par la porte extérieure du sas.

Cet événement n’a pas eu de conséquence sur les installations, les personnes et l’environnement. Toutefois, il a affecté la fonction de sûreté liée au confinement du réacteur. Compte tenu du non-respect des règles générales d’exploitation du réacteur, cet événement a été classé au niveau 1 de l’échelle INES (échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques, graduée de 0 à 7 par ordre croissant de gravité).

https://www.asn.fr/l-asn-controle/actualites-du-controle/installations-nucleaires/avis-d-incident-des-installations-nucleaires/divergence-du-reacteur-malgre-une-porte-de-sas-non-fermee


[1Redémarrage de l’unité de production n°2 de la centrale de Chooz
L’unité de production n°2 du Centre Nucléaire de Production d’Électricité de Chooz a été raccordée au réseau électrique national le 15 avril 2023 à 20h22. Le réacteur a atteint 100% de sa puissance mercredi 19 avril 2023 à 12h20.

L’unité n°2 avait été mise à l’arrêt le 16 décembre 2021, afin de procéder au contrôle préventif des tuyauteries d’injection de sécurité (circuit RIS), à la suite de la détection de défauts sur une portion de tuyauterie des lignes du circuit RIS du réacteur n°1 de la centrale de Civaux, dont la conception de type N4 est identique à celle de Chooz.

Les expertises avaient par la suite révélé la présence de corrosion sous contrainte, un phénomène inédit sur des circuits de sécurité de réacteur de type REP (Réacteur à Eau Pressurisée). Au total, sur la seule unité n°2 de la centrale de Chooz, 27,5 mètres linaires de tuyauteries ont été remplacés, en lien avec l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), dans le cadre du traitement du phénomène de corrosion sous contrainte.

[2Divergence : Démarrage du processus de réaction en chaîne dans un réacteur. Démarrage de l’activité d’un réacteur. Source : https://www.asn.fr/lexique/D/Divergence


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Installation(s) concernée(s)

Chooz B

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73