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Des accidents nucléaires partout

France : Chooz : Des eaux usées mal traitées

La station d’épuration débordée, EDF englué




21 février 2024


L’installation censées nettoyer les eaux usées de la centrale nucléaire de Chooz (Grand Est) est à la peine : elle n’arrive plus à épurer suffisamment l’eau, y laissant beaucoup trop de saletés. Ces eaux, en l’occurrence plus proches de boues liquides étant donnée la quantité des matières en suspension qu’elles contiennent, sont ensuite déversées directement dans la nature. Une situation que EDF laisse perdurer depuis des semaines.


Crédit photo : André Paris

Si l’annonce n’est faite que fin février 2024, c’est en décembre 2023 que EDF a constaté le problème. Un problème qui a pu commencer bien avant, puisque ce n’est que tous les 3 mois que l’industriel vérifie ce qui sort de sa station d’épuration en faisant un prélèvement. Un rythme qui n’est certainement pas assez soutenu pour permettre de détecter et de régler rapidement les éventuels dysfonctionnements.

Car même s’il n’y a pas normalement pas d’enjeu de pollution radioactive, les rejets des stations d’épuration sont réglementés et doivent être surveillés en raison de leurs possibles impacts sanitaires et environnement. Souillées par les matières fécales du personnel, les détergents, les déchets alimentaires, les douches etc., les eaux usées du site industriel doivent être traitées et nettoyées afin de collecter la majorité des substances qu’elles véhiculent avant qu’elles ne soient déversées dans la Meuse (ce qui sort de la station d’épuration est déversé dans le réseau d’eaux pluviales qui est directement relié au fleuve d’à côté).
Certains paramètres physico-chimiques comme le pH ou les matières en suspension doivent être contrôlés et ne pas dépasser des limites fixées par les autorités. Car ces facteurs peuvent avoir des conséquences directes et néfastes sur le milieu aquatique, entre autres en termes d’acidification et d’eutrophisation [1]. C’est alors tout l’équilibre de l’écosystème qui en pâtit. Et une fois l’équilibre rompu, il est très difficile - et très long - à rétablir. Des conséquences sanitaires sont également possibles car les eaux usées mal nettoyées peuvent véhiculer certaines substances ou bactéries dangereuses pour les êtres vivants.

Et c’est justement avec les matières en suspension qu’il y a un problème dans les eaux qui sortent de la station d’épuration de Chooz. Ce que EDF qualifie "d’évolution de rendement". Peut-on parler d’eau nettoyée quand moins de la moitié de ce qu’elle contient est enlevée ? Alors que la réglementation impose un minimum de 50%, le rendement de la station d’épuration de Chooz est de 42,5%. Sans que EDF ne sache pourquoi. Ni depuis combien de temps c’est le cas. La station est-elle saturée, débordée par trop d’eaux sales à traiter ? Est-elle mal ou trop peu entretenue, les bassins de décantation sont-ils régulièrement nettoyés, les boues extraites et évacuées ?

Le communiqué d’EDF déclarant un incident significatif pour l’environnement [2] précise bien que la concentration des matières en suspension des eaux déversées dans le réseau d’eaux pluviales, et donc dans la Meuse, est resté dans les limites autorisées. Grâce au principe de dilution, les boues liquides étaient mélangées aux eaux de pluie. Ouf, sauvé par les intempéries. Mais le problème, c’est que la station censée nettoyer les eaux usées ne nettoie plus assez et que EDF a mis des semaines à s’en rendre compte.
Si la station est saturée, si c’est une question de dimensionnement, de trop d’eaux sales à traiter par rapport à ses capacités, l’industriel aurait dû s’en apercevoir avant, en bon gestionnaire qui anticipe l’impact de ses activités sur ses équipements. Si c’est un problème de fonctionnement de la station, un défaut matériel, un manque de maintenance ou d’entretien, là encore l’industriel aurait dû s’en rendre compte plus tôt si la surveillance de l’installation (ronde, prélèvements, contrôles etc.) était suffisamment rapprochée.

EDF précise à la fin de son communiqué paru le 21 février 2024 qu’il va mener des "analyses complémentaires pour comprendre pourquoi ces évolutions de rendements". Sachant que le problème perdure déjà depuis la mi-décembre 2023, a minima, oui, il serait temps.

Ce que dit EDF :

Déclaration d’un événement significatif pour l’environnement relatif au non-respect du rendement réglementaire en matières en suspension de la station d’épuration n°1 du CNPE de Chooz

Publié le 21/02/2024

Le 19 décembre 2023, les équipes de la centrale de Chooz réalisent les prélèvements trimestriels au niveau de la station d’épuration n°1 de la centrale. Cette station d’épuration traite les eaux usées provenant d’une partie des sanitaires du site situées hors de la zone nucléaire de l’installation. Concernant les matières en suspension, le rendement d’une station d’épuration est calculé en fonction des concentrations entrée/sortie de la station. Les résultats de ces prélèvements démontrent que le rendement de la station d’épuration en matières en suspension présentes dans l’eau est de 42,5%.

Selon la réglementation, le rendement minimal attendu d’une station d’épuration est de 50%, ce qui conduit la centrale de Chooz à déclarer cet événement comme significatif pour l’environnement auprès de l’Autorité de Sûreté Nucléaire. Ces résultats ont été confirmés par analyse en laboratoire le 16 février.

La concentration en matières en suspension dans l’eau rejetée dans le réseau d’eau pluviale étant restée conforme à la réglementation, cet événement n’a donc aucun impact sur l’environnement.

Les équipes de la centrale vont poursuivre les analyses complémentaires dans le but de comprendre pourquoi ces évolutions de rendement se sont produites.

https://www.edf.fr/la-centrale-nucleaire-de-chooz/les-actualites-de-la-centrale-nucleaire-de-chooz/declaration-dun-evenement-significatif-pour-lenvironnement-relatif-au-non-respect-du-rendement-reglementaire-en-matieres-en-suspension-de-la-station-depuration-ndeg1-du-cnpe


[1L’eutrophisation résulte d’un apport trop important en substances nutritives, type phosphore et azote, d’origine humaine. Certaines plantes et algues ainsi que certaines bactéries prolifèrent, ce qui asphyxie le milieu et en appauvri la biodiversité. Des dégagements toxiques sont aussi possibles. Voir ici pour plus de détails : https://www.eaufrance.fr/les-impacts-de-la-pollution-de-leau

[2Événements significatifs : incidents ou accidents présentant une importance particulière en matière, notamment, de conséquences réelles ou potentielles sur les travailleurs, le public, les patients ou l’environnement. https://www.asn.fr/Lexique/E/Evenement-significatif En dessous des évènements significatifs, il y a les évènements dits « intéressants », et encore en dessous les « signaux faibles ». Un évènement catégorisé « significatif » est donc déjà « en haut de l’échelle » d’importance des évènements


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Installation(s) concernée(s)

Chooz B

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70