Mobilisation
EPR à Flamanville
La presquîle du Cotentin : une île hors de lEurope et de la démocratie.
Fin 2004, Flamanville - dans la Manche, en Basse-Normandie - a été choisi pour y implanter le premier réacteur EPR ! Dici à 2070, EDF a prévu de construire 35 réacteurs EPR à travers toute la France pour remplacer les centrales nucléaires actuelles. Lenjeu est donc considérable ! Rassemblons-nous pour empêcher ce projet, dont les travaux ne démarreront quen 2007 et dont la mise en service ninterviendra pas avant 2012.
Son histoire prédisposait la presquîle du Cotentin.
Pour le choix du site de limplantation du premier réacteur EPR, cétait « du 50/50 » avec Penly, près de Dieppe en Haute-Normandie : Penly, un choix technique et économique ; Flamanville, un choix politique.
Léconomie du nord Cotentin est liée à lÉtat central depuis Colbert ; à larmée, depuis la construction du port de Cherbourg face à lennemi anglais, de la fin du règne de Louis XVI à celui de Napoléon III, en passant par le camp de Boulogne de Napoléon Ier. Depuis les années 60 et le retour de De Gaulle au pouvoir, il est nucléaire :
- Le Royaume-Uni avait déjà immergé des fûts de déchets radioactifs dans la fosse des Casquets, au nord-ouest de la presquîle de La Hague, dans les années 50.
- Larsenal de Cherbourg construit des sous-marins à propulsion nucléaire et stocke les combustibles irradiés de leurs réacteurs à eau pressurisée, avant leur transport à Cadarache.
- La construction de la première usine dite de retraitement - et en réalité dextraction de plutonium - a commencé au début des années 60.
- En 1967, le CEA obtient lautorisation de stocker, à cru, sur des terres marécageuses, des déchets nucléaires dits de faible et moyenne activité.
- Lusine de retraitement-extraction de plutonium appartient à la COGEMA, de statut privé depuis 1976, actuellement intégrée dans le cartel AREVA encore sous contrôle de ...lÉtat.`
- En 1986-1987, deux réacteurs de 1300 mégawatts (au lieu de quatre prévus initialement) commencent à fonctionner, malgré une longue résistance locale.
- En 1991, après des études menées sur Barfleur (pointe Est du Cotentin), la mobilisation bloque un projet de stockage profond de déchets nucléaires dits de haute activité vitrifiés. La « culture nucléaire » de la presquîle na pas alors opéré.
Pourquoi un EPR maintenant, et ici ?
Depuis la forte manifestation du Carnet (fin des années 1990), EDF a estimé que limplantation dun réacteur sur un site nouveau serait de plus en plus difficile. Framatome faisait déjà pression pour installer son EPR, depuis la canicule, plutôt en bord de mer. Restaient donc Gravelines (Nord), Penly (Seine-Maritime) et Flamanville (Manche).
Le choix (non retenu) de Penly était un choix technique :
Le couloir de lignes THT y est déjà en place, pas à Flamanville où il faudra en construire un nouveau vers Laval-sud (200 km) pour les pays de Loire. Le coût supérieur de Flamanville et la difficulté dimplanter de nouveaux pylônes dans le Sud Manche où la Confédération paysanne est majoritaire rendaient EDF réticente.
Le choix de Flamanville était un choix politique.
Le Conseil général de la Manche et le Conseil Régional de Basse-Normandie (à majorité de gauche) se sont prononcés pour lEPR à Flamanville.
Fin octobre, les choses se précipitent : Anne Lauvergeon est rentrée bredouille de son voyage en Chine, plus convaincue que jamais quil fallait construire un EPR en France pour le vendre plus facilement à létranger. Sarkozy a voulu régler laffaire de lEPR avant de passer de son Ministère à la tête de lUMP. Le sénateur, Président du Conseil général de la Manche, M. Legrand, a proposé au nouveau PDG dEDF de prendre en charge le surcoût des couloirs de lignes de Flamanville (environ 100 millions deuros). Il promet dexonérer EDF de taxe professionnelle, en totalité pendant un an et partiellement, de façon dégressive, pendant cinq ans. Cest ainsi quEDF a cédé !
Comment la presquîle du Cotentin en est-elle arrivée là ?
Majoritaires en Cotentin dans les années 1970, les opposants au nucléaire sont devenus minoritaires et sont même aujourdhui les boucs émissaires de la crise qui y sévit. Le chômage est ressenti comme la première menace en Cotentin.
Depuis le début des années 1980, la désindustrialisation y sévit, hors nucléaire (métallurgie, textile...)
Elle sévit même dans le nucléaire :
- Depuis la chute du mur de Berlin et leffondrement de lEmpire dit soviétique, on construit moins de sous-marins : 2500 emplois à lArsenal au lieu de 5000,
- Le Centre de Stockage de la Manche, saturé, est entré en phase de surveillance,
- La COGEMA utilise, pour le « retraitement des matières nucléaires », encore environ 3 000 agents, mais avec une forte baisse dactivité : arrêt du retraitement pour la Belgique depuis 2000, arrêt prévu du retraitement en Allemagne en 2005...
Depuis la fin des grands chantiers de La Hague (fin des années 80-début des années 90), le taux de chômage du Nord-Cotentin est supérieur à la moyenne européenne.
Les syndicats locaux sont, par la force des choses, dirigés par des agents du nucléaire : leurs représentants sont parfois même plus pro-nucléaires que les directions des entreprises. Les sympathisants antinucléaires se font discrets, pour ne pas être repérés et nuire à leur famille.
Quant aux alternatives dans le nucléaire lui-même (immobilisation du plutonium existant si on arrêtait le retraitement, pour rendre ce dernier inutilisable à des fins militaires ou terroristes), pas question den discuter. Quant aux alternatives énergétiques et industrielles quelles induisent, éoliennes par exemple, plus on approche de La Hague, plus lopposition est vive...
La presquîle devient une île, hors de lEurope et hors de la démocratie.
Quant aux élus de droite et de gauche, à lexception des Verts et proches, ils sont comme des éphémères éblouis par la lumière : les rassemblent les taxes professionnelles sur le foncier bâti et non bâti - au total, bon an mal an, entre 1 milliard de francs et 1,2 milliards deuros. La soupe est si bonne quon ne peut quen reprendre une louche et quon nimagine pas en être privé ! Et le sponsoring (pardon, le mécénat) marche à plein pot, du sport aux associations en passant par la réfection de tableaux religieux ...
Que faire alors ?
Dès le début de lannée 2004 sest constitué un « collectif régional, lEPR, Non merci ! ni ailleurs, ni ici ! », qui regroupe aujourdhui une vingtaine dassociations, syndicats, partis et des individus. Nous avons deux à trois ans devant nous, le temps du débat public, de lenquête publique quEDF voudrait tenir conjointement. Sa stratégie est daller le plus vite possible pour rendre la décision irréversible. La nôtre est de faire durer.
En 2007 se profilent les élections législatives et présidentielle. Même si, en tant que Collectif régional ou en tant que Réseau national, nous navons pas à nous prononcer pour tel ou tel parti, nous devrons être présents dans la campagne pour obtenir, en cas dalternance, un engagement ferme pour labandon du projet EPR, ici, comme ailleurs, comme pour larrêt du surgénérateur Superphénix en 1997.
Quant au "débat public", il n’y a pas de consensus entre les associations membres du collectif sur la stratégie à tenir. Les unes veulent y participer, les autres envisagent de le boycotter. Cependant, les unes et les autres se retrouvent sur l’idée d’animer un "vrai" débat public en parallèle.
Sont dores et déjà prévus (entre autres) :
- une pétition régionalisée (pour combattre lidée de consensus des élus),
- une reprise des réunions, canton par canton, avec si possible formation de comités cantonaux,
- un état géologique indépendant du site ; une première analyse des rejets actuels de tritium, déjà aux limites des autorisations (99,80 %) pour lexistant,
- un colloque au printemps 2005, à St Lô, sur les effets des couloirs de lignes THT, avec des scientifiques et des éleveurs victimes, sous la responsabilité de la Confédération paysanne,
- à l’occasion du 20e anniversaire de la catastrophe de Tchernobyl,
une manifestation internationale aura lieu en Cotentin le samedi 15 avril 2006 à 15 h et sera suivi par divers forums, le samedi soir et le dimanche 16 avril 2006.
Contrairement aux affirmations des élus, il ny a pas consensus populaire dans la région, encore moins en France et en Europe pour la relance du nucléaire, inutile, coûteux, dangereux.
En bref
Etude alternative à lEPR
Une étude ayant pour thème Avec les trois milliards deuros de lEPR, que pourrait-on faire pour économiser lénergie et pour développer les renouvelables en Basse-Normandie ? sera menée en 2005 par un cabinet dexperts et rendue publique en 2006.
Après avoir dit oui à lEPR, le conseil régional de Basse-Normandie se prononce contre lenfouissement des déchets nucléaires !
Le conseil régional de Basse-Normandie, présidé par Philippe Duron (PS), a adopté le 29 octobre 2004 une motion déclarant « moralement et écologiquement inacceptable » lenfouissement en grande profondeur de déchets radioactifs comme cela pourrait être le cas à Athis-de-lOrne (Orne). Le territoire de cette commune figure sur la liste des sites possibles pour le stockage de déchets nucléaires en raison de ses caractéristiques géologiques granitiques.
Cette prise de position intervient quelques jours après la décision du gouvernement et dEDF dimplanter le réacteur de démonstration EPR à Flamanville...
Didier ANGER
Président du CRILAN, Administrateur du Réseau Sortir du nucléaire,
Coordinateur du Collectif LEPR , Non merci ! Ni ailleurs, Ni ici.
10, route dÉtang-Val
50340 LES PIEUX
didier.anger@crilan.org