Faire un don

Sortir du nucléaire n°82



Été 2019

Figure de la lutte

Des familles réfugiées de Fukushima contre le déni et pour le droit à vivre dans un environnement sain

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°82 - Été 2019

 Luttes et actions  Fukushima  Pollution radioactive


Au Japon, plusieurs dizaines de milliers de mères habitantes des zones contaminées mais situées hors périmètre d’évacuation ont choisi de déménager pour protéger leurs enfants. Deux d’entre elles, Akiko Morimatsu et Miwa Kamoshita, sont venues en France témoigner de leur expérience et de leur combat.



Suite à l’accident de Fukushima, 165 000 personnes ont été officiellement évacuées (50 000 encore déplacées aujourd’hui) [1] . Mais un nombre sans doute équivalent ont quitté d’elles-mêmes des villes hors périmètre d’évacuation et néanmoins très contaminées. Ces “auto-évacués“ sont occultés par les autorités japonaises. Bien souvent, les femmes sont parties avec les enfants, les pères restant sur place. C’est le cas de Miwa Kamoshita et Akiko Morimatsu, qui témoignent ce 3 avril à Paris, entourées de kakémonos représentant des femmes serrant leurs enfants dans leurs bras.

“Nous souhaitions pouvoir sourire à la vie, c’est pour cela que j’ai décidé de quitter le département de Fukushima“, déclare Miwa Kamoshita, fondatrice d’une association de réfugiés à Tokyo et plaignante à l’un des procès contre Tepco et l’État. En mars 2011, elle habitait Iwaki, à 40 km de la centrale accidentée. Consciente du danger grâce à ses connaissances sur le nucléaire, elle et son mari ont décidé de partir immédiatement avec leurs fils Matsuki et Haruki (âgés de 8 et 3 ans en 2011). Par la suite, elle est restée seule avec eux vivre à Tokyo. “Notre ville d’Iwaki n’a pas reçu de directives d’évacuation. Pourtant, le taux de radioactivité dans notre jardin est beaucoup trop élevé pour y vivre“.

Le quotidien de ces femmes est dur. Au déchirement provoqué par le déracinement et la séparation d’avec leur mari, mal vue dans une société conservatrice, s’ajoute la précarité financière, beaucoup ne trouvant que des emplois mal rémunérés. Surtout, elles doivent faire face au déni, souvent traitées d’hystériques par des autorités qui nient la contamination. Le gouvernement a supprimé en mars 2017 leurs aides au relogement. Dans certaines villes où des mères s’étaient réfugiées, des expulsions sauvages ont eu lieu. Pourtant, le niveau de radioactivité de leurs régions d’origine reste trop élevé. Le programme de “décontamination“ n’a rien arrangé. “Le sol de ma maison est maintenant 100 à 10 000 fois plus contaminé qu’avant cette décontamination“, relève Akiko Morimatsu.

Habitante de Koriyama, Mme Morimatsu s’est réfugiée à Osaka avec ses enfants Meiyô et Meïa, (3 ans et quelques mois en 2011). Elle est maintenant déléguée de la fédération des groupes plaignants contre Tepco et l’État japonais. L’an passé, elle est venue à Genève avec Mme Kamoshita, plaider devant le Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Pour elle, le nucléaire n’est pas un enjeu énergétique, économique ou environnemental, mais une question de droits humains.“Pouvoir éviter la contamination radioactive et mener une vie saine est un droit fondamental, que ce soit pour un adulte, un bébé, une personne âgée“.

“Ce sont les adultes qui ont construit les centrales, et nous sommes les victimes“. Dans son uniforme de lycéen, Matsuki Kamoshita, 16 ans, lit une longue déclaration [2] , témoignant du déchirement qu’il a ressenti en quittant sa région et du harcèlement subi. Traité de “bacille“ par ses camarades, il a songé au suicide. Pour échapper aux brimades, il a ensuite choisi de leur dissimuler son origine, déchiré de ne pas assumer pleinement son identité. Depuis quelques temps, il a repris courage et témoigne publiquement. Lors de son séjour européen, il a été reçu par le pape François, qui l’a encouragé et lui a promis de venir au Japon cette année. “Je sens que l’opinion publique est manipulée. C’est pourquoi j’ai commencé à témoigner. Je voudrais que la parole puisse se libérer“. Puissent les adultes l’entendre !

Matsuki Kamoshita avec son frère et sa mère à Aix-la-Chapelle

Charlotte Mijeon


Notes

[1Ces chiffres sont ceux du gouvernement japonais, à prendre avec précaution. Les associations antinucléaires ont découvert qu’il y aurait eu 320 000 à 350 000 réfugiés lié à l’accident nucléaire, au tsunami et au séisme. Les autorités ont pour objectif 0 réfugiés pour les JO de Tokyo en août 2020, d’où les levées successives de directives d’évacuation, la suppression d’aides au logement et la fin des logements refuges.

[2Retrouvez ce témoignage émouvant sur notre site : https://www.sortirdunucleaire.org/Lettre-de-Matsuki-KAMOSHITA-adressee-au-Pape-le

Suite à l’accident de Fukushima, 165 000 personnes ont été officiellement évacuées (50 000 encore déplacées aujourd’hui) [1] . Mais un nombre sans doute équivalent ont quitté d’elles-mêmes des villes hors périmètre d’évacuation et néanmoins très contaminées. Ces “auto-évacués“ sont occultés par les autorités japonaises. Bien souvent, les femmes sont parties avec les enfants, les pères restant sur place. C’est le cas de Miwa Kamoshita et Akiko Morimatsu, qui témoignent ce 3 avril à Paris, entourées de kakémonos représentant des femmes serrant leurs enfants dans leurs bras.

“Nous souhaitions pouvoir sourire à la vie, c’est pour cela que j’ai décidé de quitter le département de Fukushima“, déclare Miwa Kamoshita, fondatrice d’une association de réfugiés à Tokyo et plaignante à l’un des procès contre Tepco et l’État. En mars 2011, elle habitait Iwaki, à 40 km de la centrale accidentée. Consciente du danger grâce à ses connaissances sur le nucléaire, elle et son mari ont décidé de partir immédiatement avec leurs fils Matsuki et Haruki (âgés de 8 et 3 ans en 2011). Par la suite, elle est restée seule avec eux vivre à Tokyo. “Notre ville d’Iwaki n’a pas reçu de directives d’évacuation. Pourtant, le taux de radioactivité dans notre jardin est beaucoup trop élevé pour y vivre“.

Le quotidien de ces femmes est dur. Au déchirement provoqué par le déracinement et la séparation d’avec leur mari, mal vue dans une société conservatrice, s’ajoute la précarité financière, beaucoup ne trouvant que des emplois mal rémunérés. Surtout, elles doivent faire face au déni, souvent traitées d’hystériques par des autorités qui nient la contamination. Le gouvernement a supprimé en mars 2017 leurs aides au relogement. Dans certaines villes où des mères s’étaient réfugiées, des expulsions sauvages ont eu lieu. Pourtant, le niveau de radioactivité de leurs régions d’origine reste trop élevé. Le programme de “décontamination“ n’a rien arrangé. “Le sol de ma maison est maintenant 100 à 10 000 fois plus contaminé qu’avant cette décontamination“, relève Akiko Morimatsu.

Habitante de Koriyama, Mme Morimatsu s’est réfugiée à Osaka avec ses enfants Meiyô et Meïa, (3 ans et quelques mois en 2011). Elle est maintenant déléguée de la fédération des groupes plaignants contre Tepco et l’État japonais. L’an passé, elle est venue à Genève avec Mme Kamoshita, plaider devant le Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Pour elle, le nucléaire n’est pas un enjeu énergétique, économique ou environnemental, mais une question de droits humains.“Pouvoir éviter la contamination radioactive et mener une vie saine est un droit fondamental, que ce soit pour un adulte, un bébé, une personne âgée“.

“Ce sont les adultes qui ont construit les centrales, et nous sommes les victimes“. Dans son uniforme de lycéen, Matsuki Kamoshita, 16 ans, lit une longue déclaration [2] , témoignant du déchirement qu’il a ressenti en quittant sa région et du harcèlement subi. Traité de “bacille“ par ses camarades, il a songé au suicide. Pour échapper aux brimades, il a ensuite choisi de leur dissimuler son origine, déchiré de ne pas assumer pleinement son identité. Depuis quelques temps, il a repris courage et témoigne publiquement. Lors de son séjour européen, il a été reçu par le pape François, qui l’a encouragé et lui a promis de venir au Japon cette année. “Je sens que l’opinion publique est manipulée. C’est pourquoi j’ai commencé à témoigner. Je voudrais que la parole puisse se libérer“. Puissent les adultes l’entendre !

Matsuki Kamoshita avec son frère et sa mère à Aix-la-Chapelle

Charlotte Mijeon



Soyez au coeur de l'information !

Tous les 3 mois, retrouvez 36 pages (en couleur) de brèves, interviews, articles, BD, alternatives concrètes, actions originales, luttes antinucléaires à l’étranger, décryptages, etc.

Je m'abonne à la revue du Réseau