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Hommages aux militant·es antinucléaires

Décès de Michèle Rivasi : une grande dame de la lutte antinucléaire s’en est allée...

Article publié le 30 novembre 2023



C’est avec beaucoup de tristesse que nous avons appris ce mercredi 29 novembre 2023 le décès subit de l’euro-députée Michèle Rivasi. Co-fondatrice de la CRIIRAD, laboratoire indépendant de contrôle de la radioactivité créé à la suite de la catastrophe de Tchernobyl, elle a toute sa vie durant remis en question le dogme du nucléaire face aux risques démesurés qu’il implique. C’est un grand personnage de la lutte qui s’en va, nous ne l’oublierons jamais pour sa ténacité contre le scientisme responsable de la destruction systématique de l’environnement.

Nous recueillons ci-dessous les hommages à sa mémoire :



Hommage du laboratoire CRIIRAD

Michèle Rivasi dans les locaux de la CRIIRAD en 1991 © CRIIRAD

29 novembre 2023. Michèle Rivasi est décédée. C’est une profonde douleur pour la CRIIRAD et une grande perte pour l’Écologie.

Avant qu’elle ne s’engage dans la politique pour devenir la députée européenne qu’elle était aujourd’hui, son nom a été intimement associé à celui de la CRIIRAD, dont elle a été une des fondatrices et qu’elle a présidée de 1986 à 1997.

C’est la catastrophe de Tchernobyl le 26 avril 1986 et la manière dont la désinformation s’est organisée au plus haut niveau de l’État en France qui l’ont amenée à porter fermement une parole scientifique contradictoire et indépendante dans les médias dès juin 1986. Ses interventions dans l’émission de Michel Polac « Droit de réponse » où elle a appelé à la création d’un laboratoire indépendant de mesure de la radioactivité dans notre pays ont été déterminantes. C’est grâce aux dons reçus que le laboratoire de la CRIIRAD a été créé.

Infatigable militante, éprise de Vérité, Michèle aura marqué les premières années de la CRIIRAD par sa générosité, sa disponibilité amicale, son acharnement, contre vents et marées, à faire établir la réalité scientifique. Femme de cœur, c’est à Bruxelles qu’elle continuait son combat au service de la santé humaine. C’est à Bruxelles qu’en femme vivante, debout, son cœur s’est arrêté.

Aujourd’hui, nous la pleurons.

L’équipe de la CRIIRAD adresse toutes ses pensées et ses sincères condoléances à ses proches.

© CRIIRAD

Hommage du parti EELV

Michèle Rivasi, députée européenne écologiste, est décédée ce matin, mercredi 29 novembre 2023.

Figure inspirante, stimulante et engagée, fondatrice d’associations comme la Criirad en 1986, Michèle Rivasi a consacré sa vie à la protection de la biodiversité et au combat pour la transparence dans l’intérêt des citoyens européens.

Membre active de notre parti, figure politique écologiste majeure, ancienne députée de la Drôme, vice-présidente du conseil général de la Drôme, conseillère municipale à Valence, elle rejoint le Parlement européen en 2009. Son dernier mandat devait s’achever en juin prochain. Elle laissera une empreinte indélébile sur de nombreux aspects de la législation européenne, par son travail acharné et sa pugnacité sans égale.

La disparition de Michèle Rivasi est une perte immense pour l’écologie politique, la démocratie européenne, et pour tous celles et ceux qui ont eu le privilège de la connaître et de travailler à ses côtés. Les Écologistes - EELV saluent son courage, son authenticité, son intégrité et sa proximité avec les gens.

C’est une immense perte pour l’écologie politique et notre famille politique en général. Par ce communiqué, nous souhaitons exprimer nos plus sincères condoléances à sa famille, à ses amis et à tous ceux qui pleurent sa perte.

Nous nous joignons à la douleur de ses proches et de sa famille et demandons le respect de leur vie privée pendant cette période de deuil.

Hommage par le dessinateur RED !


Hommage par Yves Lenoir, président de l’association Enfants de Tchernobyl Belarus

Science, conscience, courage : Michèle Rivasi (1953-2023)

Agrégée de biologie, Michèle Rivasi aurait pu poursuivre une carrière d’enseignante de haut niveau qui s’annonçait brillante. Elle aurait aussi tranquillement continué de profiter des joies que lui offraient sa propriété et la compagnie de ses chevaux, au milieu d’une belle nature méridionale vallonnée. Tchernobyl changea son destin…

Les crises majeures révèlent les visées originelles les plus fondamentales des organisations impliquées. Elles poussent des personnes singulières à émerger et à jouer un rôle politique ou social sans précédent. Tchernobyl en est un cas extrême, le cas d’école des cas d’école, dont l’histoire se souviendra, comme il en est de l’ensevelissement de Pompéi et Herculanum sous les cendres du Vésuve !

Faut-il le rappeler à ceux qui ont oublié le déroulement des événements ou qui n’étaient pas nés ? :

Dans notre pays, les agents de ce qu’un sociologue a récemment qualifié d’impérialisme atomique français avaient saturé les media de déclarations « anodinisant » l’événement et ses conséquences. Ainsi un François Cogné Directeur de l’IPSN (excroissance du CEA en 1986) expliquant doctement que seule une infime partie de la radioactivité du cœur du réacteur avait été rejetée dans l’environnement ; un Pierre Pellerin Chef du SCPRI (sous tutelle du Ministère de la Santé) affirmant sans ciller que les retombées sur notre pays étaient insignifiantes et qu’en conséquence aucune mesure de protection ne se justifiait ; ou un Alain Madelin, l’ajusteur, tourneur fraiseur Ministre de l’Industrie, des Postes et Télécommunications, appelant au calme avec l’aplomb qu’on peut attendre d’un incompétent notoire.

Tout cela s’accordait avec la stratégie de communication bricolée à la hâte par les autorités internationales les plus concernées :

  le 6 mai 1986, 10 jours après l’explosion, un groupe réuni par l’OMS en son siège européen de Copenhague comprenant, son président, le médecin argentin Daniel Beninson (en qualité de Président de la CIPR), et son rapporteur, l’ingénieur suédois Bo Lindell (en qualité de Président de l’UNSCEAR) et seize experts de moindre calibre, publia le jour même dans l’urgence (sic) un rapport recommandant en conclusion... de ne plus prendre aucune mesure de protection du public en dehors de la zone d’exclusion (où ne restait alors plus personne…), y compris de ne pas distribuer d’iode ;

  trois jours plus tard à Tchernobyl même, le Directeur de l’AIEA, le docteur en droit suédois Hans Blix, déclarait qu’il n’y avait plus de danger sur le site et que les conséquences de l’accident seraient minimes « car il n’avait pas plu durant les heures critiques », ce qu’il savait être parfaitement faux.

La nouvelle, un coup de tonnerre indescriptible, avait mis Michèle Rivasi en état d’alerte. Et quand elle apprit incidemment que dans des pays voisins moins atomiques que le nôtre, en Italie, mais aussi en Allemagne et en Suisse, des mesures inédites avaient été prises, comme de garder le bétail à l’étable et le nourrir de fourrage sec, de ne pas consommer de légumes à feuilles et de garder les enfants à la maison, en bonne scientifique guidée par l’esprit de logique, elle inféra qu’en France tout le monde qui compte mentait, et mentait sciemment.

De Gaulle était parti à Londres alors que tout semblait perdu. Michèle créa la CRIIRAD contre les assurances formelles et unanimes des autorités que rien ne justifiait qu’on s’alarmât. Nous découvrîmes alors une meneuse d’hommes, une organisatrice innée, une femme dotée d’une force de conviction à la mesure de sa débordante énergie, et, surtout, chacun comprit qu’un nouveau personnage allait jouer un rôle inédit sur la scène française. La suite a été rapportée dans les multiples hommages déjà publiés. Ils remémorent les étapes de son parcours associatif, puis politique dans les cadres national et européen, de toute une vie au service de ses semblables, sans la moindre compromission, guidée par l’idéal de l’objectivité et l’exigence démocratique.

Michèle Rivasi a compté pour moi, notamment en trois occasions toute particulières. Je lui en sais un gré infini, tant ces expériences ont enrichi mes connaissances et m’ont aidé à approfondir ma perception des enjeux de nos luttes.

La première s’est présentée début avril 1988. J’étais quasi sur le départ pour Tchernobyl quand je l’ai rencontrée pour la première fois lors d’un débat public. Elle me demanda de lui rapporter des carottes de terre contaminée et des échantillons de végétaux particuliers, susceptibles de bien retenir les retombées radioactives. Comme je n’avais jamais fait de carottage, elle m’indiqua le matériel requis et la façon de procéder. L’idée était bonne : les carottes extraites à la sortie nord de Kyiv en lisière d’une forêt permirent d’évaluer le cocktail de radioéléments déposés sur la ville et on s’aperçut qu’un échantillon de mousse ramassé au pied d’un arbre au milieu de la place centrale de Borodianka, une petite ville située à 80 km au Sud-Sud-Ouest de Tchernobyl – où l’on avait construit un nouveau quartier d’isbas pour accueillir des évacués de la « zone d’exclusion » –, avait retenu plusieurs dizaines de « particules chaudes », c’est-à-dire des poussières de combustible nucléaire rejetées par l’explosion du réacteur ! De retour, j’appris qu’il n’avait pas été très prudent de saisir cette mousse à main nue… Les résultats des analyses détaillées effectuées par la CRIIRAD furent portés à la connaissance du grand public dans un long article de Science et Vie.

La seconde eut lieu 10 ans plus tard alors qu’elle était députée de la Drome. Elle avait obtenu de haute lutte la décision d’un rapport sur « les conséquences des installations de stockage des déchets nucléaires sur la santé publique et l’environnement » pour le compte de l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, et eut la gentillesse de me convier à participer à son Comité de pilotage. Après la fin des nombreuses auditions, elle avait organisé la visite des trois grands sites de stockage de déchets radioactifs aux USA, Hanford, le WIPP et Yucca Mountain, et me proposa d’être du voyage. Un cadeau inestimable pour quelqu’un qui avait participé à des groupes de travail de niveau national et international sur cette question en 1974 et 1978. Enfin, à l’automne 2009, députée au Parlement européen, elle m’associa marginalement à une démarche auprès de la Commission en vue d’obtenir, entre autres projets, au moins un financement pour réhabiliter un district gravement contaminé, celui d’Ivankiv, situé entre Kyiv et Tchernobyl. Ce ne fut pas facile et la décision, positive, ne tomba que courant 2013… ce qui donne à apprécier la ténacité dont elle a fait preuve dans l’accomplissement de ses mandats, jusqu’à y perdre la vie.

Michèle n’était pas une femme de pouvoir. Toute sa vie publique, elle lutta pour accroître la maîtrise sociale du développement et le contrôle démocratique des pouvoirs économiques, administratifs et technocratiques. Elle n’avait certainement pas choisi d’étudier la biologie par hasard, mais parce que la défense de la santé et de la bonne vie la motivait par dessus tout. Une vie bien remplie au service du bien commun.

Pour qu’elle repose en paix, nous devons continuer dans la même voie, suivant son exemple… sans elle.

Paris, 4 décembre 2023

Hommage du magazine Reporterre

https://reporterre.net/L-eurodeputee-ecologiste-Michele-Rivasi-est-decedee

Hommage du laboratoire CRIIRAD

Michèle Rivasi dans les locaux de la CRIIRAD en 1991 © CRIIRAD

29 novembre 2023. Michèle Rivasi est décédée. C’est une profonde douleur pour la CRIIRAD et une grande perte pour l’Écologie.

Avant qu’elle ne s’engage dans la politique pour devenir la députée européenne qu’elle était aujourd’hui, son nom a été intimement associé à celui de la CRIIRAD, dont elle a été une des fondatrices et qu’elle a présidée de 1986 à 1997.

C’est la catastrophe de Tchernobyl le 26 avril 1986 et la manière dont la désinformation s’est organisée au plus haut niveau de l’État en France qui l’ont amenée à porter fermement une parole scientifique contradictoire et indépendante dans les médias dès juin 1986. Ses interventions dans l’émission de Michel Polac « Droit de réponse » où elle a appelé à la création d’un laboratoire indépendant de mesure de la radioactivité dans notre pays ont été déterminantes. C’est grâce aux dons reçus que le laboratoire de la CRIIRAD a été créé.

Infatigable militante, éprise de Vérité, Michèle aura marqué les premières années de la CRIIRAD par sa générosité, sa disponibilité amicale, son acharnement, contre vents et marées, à faire établir la réalité scientifique. Femme de cœur, c’est à Bruxelles qu’elle continuait son combat au service de la santé humaine. C’est à Bruxelles qu’en femme vivante, debout, son cœur s’est arrêté.

Aujourd’hui, nous la pleurons.

L’équipe de la CRIIRAD adresse toutes ses pensées et ses sincères condoléances à ses proches.

© CRIIRAD

Hommage du parti EELV

Michèle Rivasi, députée européenne écologiste, est décédée ce matin, mercredi 29 novembre 2023.

Figure inspirante, stimulante et engagée, fondatrice d’associations comme la Criirad en 1986, Michèle Rivasi a consacré sa vie à la protection de la biodiversité et au combat pour la transparence dans l’intérêt des citoyens européens.

Membre active de notre parti, figure politique écologiste majeure, ancienne députée de la Drôme, vice-présidente du conseil général de la Drôme, conseillère municipale à Valence, elle rejoint le Parlement européen en 2009. Son dernier mandat devait s’achever en juin prochain. Elle laissera une empreinte indélébile sur de nombreux aspects de la législation européenne, par son travail acharné et sa pugnacité sans égale.

La disparition de Michèle Rivasi est une perte immense pour l’écologie politique, la démocratie européenne, et pour tous celles et ceux qui ont eu le privilège de la connaître et de travailler à ses côtés. Les Écologistes - EELV saluent son courage, son authenticité, son intégrité et sa proximité avec les gens.

C’est une immense perte pour l’écologie politique et notre famille politique en général. Par ce communiqué, nous souhaitons exprimer nos plus sincères condoléances à sa famille, à ses amis et à tous ceux qui pleurent sa perte.

Nous nous joignons à la douleur de ses proches et de sa famille et demandons le respect de leur vie privée pendant cette période de deuil.

Hommage par le dessinateur RED !


Hommage par Yves Lenoir, président de l’association Enfants de Tchernobyl Belarus

Science, conscience, courage : Michèle Rivasi (1953-2023)

Agrégée de biologie, Michèle Rivasi aurait pu poursuivre une carrière d’enseignante de haut niveau qui s’annonçait brillante. Elle aurait aussi tranquillement continué de profiter des joies que lui offraient sa propriété et la compagnie de ses chevaux, au milieu d’une belle nature méridionale vallonnée. Tchernobyl changea son destin…

Les crises majeures révèlent les visées originelles les plus fondamentales des organisations impliquées. Elles poussent des personnes singulières à émerger et à jouer un rôle politique ou social sans précédent. Tchernobyl en est un cas extrême, le cas d’école des cas d’école, dont l’histoire se souviendra, comme il en est de l’ensevelissement de Pompéi et Herculanum sous les cendres du Vésuve !

Faut-il le rappeler à ceux qui ont oublié le déroulement des événements ou qui n’étaient pas nés ? :

Dans notre pays, les agents de ce qu’un sociologue a récemment qualifié d’impérialisme atomique français avaient saturé les media de déclarations « anodinisant » l’événement et ses conséquences. Ainsi un François Cogné Directeur de l’IPSN (excroissance du CEA en 1986) expliquant doctement que seule une infime partie de la radioactivité du cœur du réacteur avait été rejetée dans l’environnement ; un Pierre Pellerin Chef du SCPRI (sous tutelle du Ministère de la Santé) affirmant sans ciller que les retombées sur notre pays étaient insignifiantes et qu’en conséquence aucune mesure de protection ne se justifiait ; ou un Alain Madelin, l’ajusteur, tourneur fraiseur Ministre de l’Industrie, des Postes et Télécommunications, appelant au calme avec l’aplomb qu’on peut attendre d’un incompétent notoire.

Tout cela s’accordait avec la stratégie de communication bricolée à la hâte par les autorités internationales les plus concernées :

  le 6 mai 1986, 10 jours après l’explosion, un groupe réuni par l’OMS en son siège européen de Copenhague comprenant, son président, le médecin argentin Daniel Beninson (en qualité de Président de la CIPR), et son rapporteur, l’ingénieur suédois Bo Lindell (en qualité de Président de l’UNSCEAR) et seize experts de moindre calibre, publia le jour même dans l’urgence (sic) un rapport recommandant en conclusion... de ne plus prendre aucune mesure de protection du public en dehors de la zone d’exclusion (où ne restait alors plus personne…), y compris de ne pas distribuer d’iode ;

  trois jours plus tard à Tchernobyl même, le Directeur de l’AIEA, le docteur en droit suédois Hans Blix, déclarait qu’il n’y avait plus de danger sur le site et que les conséquences de l’accident seraient minimes « car il n’avait pas plu durant les heures critiques », ce qu’il savait être parfaitement faux.

La nouvelle, un coup de tonnerre indescriptible, avait mis Michèle Rivasi en état d’alerte. Et quand elle apprit incidemment que dans des pays voisins moins atomiques que le nôtre, en Italie, mais aussi en Allemagne et en Suisse, des mesures inédites avaient été prises, comme de garder le bétail à l’étable et le nourrir de fourrage sec, de ne pas consommer de légumes à feuilles et de garder les enfants à la maison, en bonne scientifique guidée par l’esprit de logique, elle inféra qu’en France tout le monde qui compte mentait, et mentait sciemment.

De Gaulle était parti à Londres alors que tout semblait perdu. Michèle créa la CRIIRAD contre les assurances formelles et unanimes des autorités que rien ne justifiait qu’on s’alarmât. Nous découvrîmes alors une meneuse d’hommes, une organisatrice innée, une femme dotée d’une force de conviction à la mesure de sa débordante énergie, et, surtout, chacun comprit qu’un nouveau personnage allait jouer un rôle inédit sur la scène française. La suite a été rapportée dans les multiples hommages déjà publiés. Ils remémorent les étapes de son parcours associatif, puis politique dans les cadres national et européen, de toute une vie au service de ses semblables, sans la moindre compromission, guidée par l’idéal de l’objectivité et l’exigence démocratique.

Michèle Rivasi a compté pour moi, notamment en trois occasions toute particulières. Je lui en sais un gré infini, tant ces expériences ont enrichi mes connaissances et m’ont aidé à approfondir ma perception des enjeux de nos luttes.

La première s’est présentée début avril 1988. J’étais quasi sur le départ pour Tchernobyl quand je l’ai rencontrée pour la première fois lors d’un débat public. Elle me demanda de lui rapporter des carottes de terre contaminée et des échantillons de végétaux particuliers, susceptibles de bien retenir les retombées radioactives. Comme je n’avais jamais fait de carottage, elle m’indiqua le matériel requis et la façon de procéder. L’idée était bonne : les carottes extraites à la sortie nord de Kyiv en lisière d’une forêt permirent d’évaluer le cocktail de radioéléments déposés sur la ville et on s’aperçut qu’un échantillon de mousse ramassé au pied d’un arbre au milieu de la place centrale de Borodianka, une petite ville située à 80 km au Sud-Sud-Ouest de Tchernobyl – où l’on avait construit un nouveau quartier d’isbas pour accueillir des évacués de la « zone d’exclusion » –, avait retenu plusieurs dizaines de « particules chaudes », c’est-à-dire des poussières de combustible nucléaire rejetées par l’explosion du réacteur ! De retour, j’appris qu’il n’avait pas été très prudent de saisir cette mousse à main nue… Les résultats des analyses détaillées effectuées par la CRIIRAD furent portés à la connaissance du grand public dans un long article de Science et Vie.

La seconde eut lieu 10 ans plus tard alors qu’elle était députée de la Drome. Elle avait obtenu de haute lutte la décision d’un rapport sur « les conséquences des installations de stockage des déchets nucléaires sur la santé publique et l’environnement » pour le compte de l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, et eut la gentillesse de me convier à participer à son Comité de pilotage. Après la fin des nombreuses auditions, elle avait organisé la visite des trois grands sites de stockage de déchets radioactifs aux USA, Hanford, le WIPP et Yucca Mountain, et me proposa d’être du voyage. Un cadeau inestimable pour quelqu’un qui avait participé à des groupes de travail de niveau national et international sur cette question en 1974 et 1978. Enfin, à l’automne 2009, députée au Parlement européen, elle m’associa marginalement à une démarche auprès de la Commission en vue d’obtenir, entre autres projets, au moins un financement pour réhabiliter un district gravement contaminé, celui d’Ivankiv, situé entre Kyiv et Tchernobyl. Ce ne fut pas facile et la décision, positive, ne tomba que courant 2013… ce qui donne à apprécier la ténacité dont elle a fait preuve dans l’accomplissement de ses mandats, jusqu’à y perdre la vie.

Michèle n’était pas une femme de pouvoir. Toute sa vie publique, elle lutta pour accroître la maîtrise sociale du développement et le contrôle démocratique des pouvoirs économiques, administratifs et technocratiques. Elle n’avait certainement pas choisi d’étudier la biologie par hasard, mais parce que la défense de la santé et de la bonne vie la motivait par dessus tout. Une vie bien remplie au service du bien commun.

Pour qu’elle repose en paix, nous devons continuer dans la même voie, suivant son exemple… sans elle.

Paris, 4 décembre 2023

Hommage du magazine Reporterre

https://reporterre.net/L-eurodeputee-ecologiste-Michele-Rivasi-est-decedee



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