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Culture locale, changement total : un dessein socio-technique
Arnaud Crétot, ingénieur-artisan, est convaincu que les enjeux énergétiques sont beaucoup moins techniques et beaucoup plus sociaux que nous le pensons. Vito, auteur de livres illustrés et dessinateur de presse, travaille régulièrement avec des collectifs engagés dans le lien social ou l’écologie. Ensemble, ils ont imaginé la fresque « culture locale, changement total », un dess(e)in socio-technique.
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Que signifie « Culture locale, changement total » ?
Arnaud Crétot : C’est le slogan de NeoLoco, boulangerie et activité de torréfaction solaire, depuis sa création. Permettre l’émergence de cultures locales est un moyen de remettre de la créativité dans le social, pour tester des organisations plus durables, rechercher des valeurs et des modes de vie plus sages face aux enjeux du siècle. Un monde diversifié, fait de cultures locales florissantes serait par définition culturellement plus riche et plus à même de s’adapter aux changements en cours. C’est en accédant à ces nouvelles valeurs et références que nous serons capables d’imaginer comment faire société autrement et pour longtemps.
Vito : Le "changement total" n’est pas à interpréter comme une volonté de faire table rase de l’existant. Les modes de vie auxquels nous aspirons dans la fresque sont en décalage "total" avec les discours consuméristes dominants.
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Est-ce que « aller de l’avant » implique de « revenir en arrière » ?
Vito : Je n’ai aucun mal à m’inspirer du passé. Nos ancêtres n’étaient-ils pas souvent plus exemplaires que nous à bien des égards (connaissance fine du territoire, sobriété énergétique, acceptation du temps long, savoir-faire manuels, goût de l’effort et du lien social…) ? Évidemment j’exagère un peu et je ne ne voudrais pas non plus idéaliser le passé. Je ne suis d’ailleurs pas contre le progrès dans l’absolu, ce serait tout aussi idiot que de défendre le progrès illimité.
A.C. : Je ne vois pas d’incompatibilité entre un boulanger qui pétrit à la main dans un pétrin en hêtre et l’existence de technologies très élaborées dans d’autres domaines. Nous devrions avant tout avoir le réflexe de rechercher la technologie la plus appropriée à chaque situation : c’est-à-dire la technologie qui nécessite le moins de ressources pour effectuer une tâche essentielle.
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Votre fresque porte-t-elle une vision réaliste ou utopique ?
Vito : C’est une utopie dans le sens où il n’existe pas encore de "lieu" géographique véritablement propice à cette société-là. Mais c’est une utopie qui se veut réaliste. Bien entendu il ne faut pas y voir une solution "clef en main" : Le but est surtout de réhabiliter ce monde "vernaculaire" que la modernité tend à faire disparaître.
A.C. : Nous ne savons pas si cette vision est plus réaliste que le modèle dominant qui nous amène dans le mur. Mais cela permet au moins de rééquilibrer certaines choses. Nous prenons conscience qu’il existe des organisations sociales qui sont intrinsèquement plus économes en ressources que d’autres.
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Où peut-on la retrouver ?
A.C. : Il est possible de se procurer la fresque en format papier sur https://neoloco.fr/. L’idée est qu’elle circule le plus possible pour démocratiser ses nombreuses idées et concepts qui n’ont pas encore émergés dans le débat public mais qui y tiendront inévitablement une grande place dans les années à venir.
Propos recueillis par Louiselle Debiez