14 juin 2021
Un incident est survenu sur le réacteur EPR N°1 de la centrale de Taishan (Guangdong), dans le sud de la Chine début juin 2021. Le réacteur, entré en service en 2018, a été conçu et construit par EDF qui en détient 30%. Un problème d’étanchéité des assemblages de combustible a généré des gaz rares, radioactifs. Ces gaz ont rajouté une pression supplémentaire dans le circuit primaire [1]. Il a fallu les évacuer. Des rejets radioactifs dans l’atmosphère ont eu lieu, mais on ne sait ni quels radioéléments précisément ont été rejetés, ni dans quelles concentrations. Le réacteur nucléaire n’a pas été arrêté et continu de fonctionner.
Malgré ce manque de caractérisation de la situation, et malgré leur manifeste mobilisation, les rares informations transmises au public par les exploitants français affirment que ces rejets sont contrôlés et restent dans les seuils autorisés par les autorités chinoises.
Framatome et EDF ont communiqué très brièvement sur l’incident survenu récemment sur le réacteur EPR 1 de Taishan le lundi 14 juin 2021, évoquant des pertes d’étanchéité au niveau des assemblages de combustible [1]. EDF a tenu une conférence de presse plus tard dans la journée, comme le relate Le Monde, assurant que ces rejets étaient "maîtrisés". Mais maîtrisé ne veut pas dire normal ni prévu dans le fonctionnement du réacteur, encore moins sans danger.
La CRIIRAD (Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité) rappelle d’ailleurs dans un communiqué "que l’augmentation de la quantité de gaz rares radioactifs dissous dans l’eau du circuit primaire d’un réacteur peut indiquer une dégradation des gaines du combustible. Cette situation doit conduire normalement à l’arrêt du réacteur pour extraire les combustibles défectueux avant que la contamination du circuit primaire ne soit trop importante. Il faut également souligner que les gaz rares ne sont pratiquement pas retenus par les dispositifs de filtration des effluents gazeux."
Aucune communication des organismes de contrôle de la sûreté nucléaire, qu’ils soient mondiaux (AIEA) ou français, n’a encore été faite le 14 juin 2021 au soir, alors que l’incident durerait déjà depuis plusieurs jours selon des sources américaines. Reste à savoir la nature exacte de ces "rejets maîtrisées", quels éléments ont été rejetés, à quelle concentration et quand ? La situation réelle du réacteur 1 de Taishan reste inconnue, de même que les conséquences pour les populations et l’environnement. Quant à la perte d’étanchéité des assemblages de combustible, même si EDF dit le phénomène "connu", il n’en est pas moins un phénomène redouté, synonyme de la rupture de la première barrière de confinement [2] de la radioactivité. C’est donc le premier élément de la défense en profondeur conçue par EDF pour protéger l’environnement et les populations d’une contamination radioactive due à ses activités industrielles qui est tombé. Si le circuit primaire s’avère lui aussi inétanche et contamine à son tour le circuit secondaire du réacteur nucléaire, il ne restera plus qu’une seule barrière des 3 barrières prévues par EDF entre la radioactivité et le monde extérieur : une enceinte de béton.
Mise à jour du 16 juin 2021 :
Le 15 juin, les autorités chinoises ont finalement communiqué officiellement, affirmant que la radioactivité autour de la centrale de Taishan n’était pas "anormale" (voir l’article du Monde du 15/06/21). Sans pour autant donner plus d’éléments ni de quoi étayer ses affirmations.
Le lendemain, Le ministère de l’environnement chinois et l’Autorité de sûreté nucléaire ont reconnu qu’il y avait eu une hausse de radioactivité à l’intérieur du réacteur, et que l’incident était dû à "environ cinq barres de combustibles endommagées" (voir l’article du Monde du 16/06/2021). Sans pour autant la quantifié ni donner plus de détails sur les conséquences, notamment pour les travailleurs et travailleuses au sein de l’installation.
Les autorités françaises (ASN et IRSN) et internationales (AIEA) de contrôles de la radioactivité n’ont pas livrée une quelconque information au public avant le 16 juin au soir. L’Autorité de sûreté nucléaire a annoncé avoir engagé un dialogue technique avec son homologue chinois, la NNSA. Et examiner dans quelle mesure le retour d’expérience de la situation d’exploitation actuelle à Taishan peut être pris en compte pour la demande de mise en service de l’EPR de Flamanville, actuellement en cours d’examen.
Mise à jour du 22 juillet 2021 :
Le 22 juillet, suite à un Conseil d’Administration de TNPJVC, responsable de l’exploitation de la centrale nucléaire de Taishan, co-entreprise détenue par CGN (70 %) et par EDF (30 %), l’industriel français publie un communiqué de presse. Il y annonce avoir analysé les données transmises par TNPJVC, notamment celles relatives à la composition chimique de l’eau du circuit primaire, et en avoir évalué les conséquences - sans toutefois préciser quelles sont ces conséquences.
Les paramètres physico-chimiques du circuit primaire restent en dessous des seuils limites chinois - seuils cohérents avec les pratiques des autres exploitants nucléaires das le monde précise EDF. Mais aucune indication précise n’est donnée sur quels sont ces seuils, pas plus quant aux critères physico-chimiques analysés. L’industriel français annonce aussi que la situation à Taishan 1 est "évolutive", mais là non plus, sans préciser dans quel sens ni qu’est-ce qui évolue, encore moins les risques possibles ou les différents scenarios envisagés. EDF annonce enfin qu’en France, une telle situation aurait conduit à l’arrêt du réacteur pour "caractériser précisément le phénomène en cours et arrêter son évolution". L’exploitant nucléaire français ne fait en revanche aucune référence aux phénomènes de corrosion observés sur plusieurs assemblages de combustible dans au moins 3 réacteurs en France (Chooz 2, Civaux 2 et Cattenom 3).
Les conséquences de cette corrosion des assemblages de combustible ne sont pas détaillées (si ce n’est l’augmentation de gaz radioactifs) par l’industriel français. EDF ne dira pas un mot non plus sur l’origine ou les raisons de cette corrosion. Pas plus qu’il ne mentionne que ces assemblages sont fabriqués en France, par Framatome, qui est n’est autre qu’une filiale d’EDF.
Le réacteur chinois sera finalement mis à l’arrêt plus d’un mois et demi après, le 30 juillet 2021 pour maintenance, "afin de trouver la cause des dommages affectant le combustible et de remplacer le combustible endommagé" a indiqué son exploitant CGN dans un communiqué. D’après Le Monde, "le géant nucléaire chinois précise que la décision a été prise « après une discussion substantielle entre le personnel technique chinois et français ».
L.B.
Le 14/06/2021
EDF a été informée de l’augmentation de la concentration de certains gaz rares dans le circuit primaire du réacteur n°1 de la centrale nucléaire de Taishan détenue et exploitée par TNPJVC, joint-venture de CGN (70%) et EDF (30%).
La présence de certains gaz rares dans le circuit primaire est un phénomène connu, étudié et prévu par les procédures d’exploitation des réacteurs.
EDF a pris contact avec les équipes de TNPJVC et apporte son expertise.
EDF, en tant qu’actionnaire de la société TNPJVC, a sollicité la tenue d’un conseil d’administration extraordinaire de TPNJVC pour que le management présente l’ensemble des données et les décisions nécessaires.
Publié le 22 juillet 2021
Le 22 juillet 2021 s’est tenu un Conseil d’Administration de TNPJVC, responsable de l’exploitation de la centrale nucléaire de Taishan, co-entreprise détenue par CGN (70 %) et par EDF (30 %). Lors de ce Conseil, EDF a porté sa position concernant le réacteur n° 1 de Taishan suite à l’analyse des données transmises par l’exploitant.
Suite à la constatation de crayons d’assemblages inétanches dans le réacteur n° 1 de la centrale de Taishan, les équipes d’EDF, qui apportent leur expertise et leurs compétences, ont analysé les données transmises par l’exploitant, notamment celles relatives à la composition chimique de l’eau du circuit primaire, et ont évalué les conséquences notamment en lien avec le caractère évolutif de la situation.
D’après les données dont EDF dispose, les paramètres radiochimiques de l’eau du circuit primaire demeurent en deçà des seuils réglementaires en vigueur à la centrale de Taishan, seuils qui sont cohérents avec les pratiques internationales.
L’analyse des données dont EDF dispose relatives à l’inétanchéité de crayons de combustible montre un caractère évolutif, qui fait l’objet d’un suivi en permanence par l’exploitant.
Au regard des analyses effectuées, les procédures d’EDF en matière d’exploitation du parc nucléaire français conduiraient EDF, en France, à mettre le réacteur à l’arrêt pour caractériser précisément le phénomène en cours et arrêter son évolution. A Taishan, les décisions correspondantes appartiennent à TNPJVC.
Information relative au réacteur numéro 1 de Taishan
Le 14 juin 2021
Framatome apporte son soutien à l’analyse de l’évolution d’un des paramètres de fonctionnement de la centrale nucléaire de Taishan dans la province du Guangdong en Chine.
Sur la base des informations disponibles, le réacteur est actuellement dans son domaine de fonctionnement et de sûreté autorisé.
Nos équipes travaillent avec les experts concernés pour suivre et évaluer la situation, et si nécessaire, proposer des solutions.
Inquiétude sur des fuites radioactives à la centrale de Taishan
Le 14/06/2021
La chaine américaine CNN fait état ce jour d’une « augmentation de la concentration de gaz rares » dans le circuit primaire du réacteur 1 de la centrale EPR de Taishan 1 , premier de ce type à avoir été couplée à un réseau électrique (le 29 juin 2018) et située dans un rayon de 100 à 150 km par rapport aux villes de Canton et de Hongkong.
La branche américaine de Framatome, filiale du groupe EDF et qui fait partie des entreprises engagées dans la construction et dans l’exploitation du site, aurait alerté les autorités américaine d’une « menace radiologique imminente » il y a déjà plusieurs jours.
La CRIIRAD rappelle que l’augmentation de la quantité de gaz rares radioactifs dissous dans l’eau du circuit primaire d’un réacteur peut indiquer une dégradation des gaines du combustible. Cette situation doit conduire normalement à l’arrêt du réacteur pour extraire les combustibles défectueux avant que la contamination du circuit primaire ne soit trop importante.
Il faut également souligner que les gaz rares ne sont pratiquement pas retenus par les dispositifs de filtration des effluents gazeux. D’après CNN, la note de Framatome du 8 juin dernier précise que l’autorité de sûreté chinoise a déjà multiplié par plus de 2 la limite fixée pour les rejets de gaz rares dans l’environnement. Malgré cela, les rejets radioactifs effectués au 30 mai correspondaient déjà à 90% de la limite annuelle. Une nouvelle augmentation de la limite règlementaire serait envisagée.
En France, les autorisations de rejets de gaz rares radioactifs sont fixées à des niveaux très supérieurs aux rejets effectifs. Dans un tel scénario, une très forte augmentation des rejets radioactifs du réacteur n°1 est probable.
Cette situation doit être suivie avec vigilance tant sur le plan de la sûreté que de la radioprotection. Priorité doit être donnée à la protection des travailleurs du site et des habitants de cette région, très densément peuplée.
À cette occasion, la CRIIRAD rappelle également que le secret pèse toujours sur les informations du réseau de surveillance mis en place dans le cadre du Traité d’Interdiction Complète des Essais Nucléaires (TICEN en français, CTBT en anglais). Il devrait permettre l’accès libre et en continu aux résultats des mesures. Dans le cas présent, il devrait être possible de consulter les données relatives à la station RN22 de Guangzhou, qui est équipée pour la détection des gaz rares.
Rédaction : Bruno CHAREYRON (ingénieur en physique nucléaire, directeur du laboratoire de la CRIIRAD), avec les contributions de Corinne CASTANIER (référent réglementation-radioprotection), Yves GIRARDOT (directeur de la CRIIRAD) et Jérémie MOTTE (ingénieur environnement, responsable du service balise).
balises.criirad.org/pdf/2021-06-14_INFO_CRIIRAD_Taishan_EPR.pdf
EPR Taishan : l’ASN engage un dialogue technique avec son homologue chinoise
Publié le 16/06/2021 à 18:20
Note d’information
L’ASN a proposé le 12 juin à son homologue chinoise, l’Administration nationale de la sûreté nucléaire de la Chine (NNSA), d’ouvrir un dialogue technique sur les conditions d’exploitation actuelles du réacteur 1 de la centrale de Taishan.
La centrale nucléaire de Taishan, implantée dans la province du Guangdong, au sud de la Chine, est équipée des deux premiers réacteurs de type EPR à avoir été mis en service dans le monde. Le premier responsable de la sûreté de cette centrale est l’exploitant chinois TNPJVC. L’autorité chargée de son contrôle est l’homologue chinoise de l’ASN, la NNSA.
L’ASN a proposé cet échange afin d’examiner dans quelle mesure le retour d’expérience de la situation d’exploitation actuelle à Taishan peut être pris en compte dans le cadre de l’instruction en cours de la demande de mise en service de l’EPR de Flamanville.
La NNSA a répondu favorablement à la demande de l’ASN et des premières réunions sont en cours. La NNSA a présenté un point de situation ce mercredi 16 juin, lors d’une réunion d’un groupe de travail du MDEP [3] consacré à l’EPR, rassemblant les autorités de sûreté concernées par ce réacteur.
[1] Le circuit primaire est un circuit fermé, contenant de l’eau sous pression. Cette eau s’échauffe dans la cuve du réacteur au contact des éléments combustibles. Dans les générateurs de vapeur, elle cède la chaleur acquise à l’eau du circuit secondaire pour produire la vapeur destinée à entrainer le groupe turboalternateur. Le circuit primaire permet de refroidir le combustible contenu dans la cuve du réacteur en cédant sa chaleur par l’intermédiaire des générateurs de vapeur lorsqu’il produit de l’électricité ou par l’intermédiaire du circuit de refroidissement à l’arrêt lorsqu’il est en cours de redémarrage après rechargement en combustible. La température du circuit primaire principal est encadrée par des limites afin de garantir le maintien dans un état sûr des installations en cas d’accident. https://www.asn.fr/Lexique/C/Circuit-primaire
[2] Le combustible nucléaire se présente sous la forme d’assemblages constitués d’un faisceau de 264 crayons, liés par une structure rigide constituée de tubes et de grilles. Chaque crayon est constitué d’un tube de zirconium étanche dans lequel sont empilées les pastilles d’oxyde d’uranium, constituant le combustible. Les assemblages, chargés les uns à côté des autres dans la cuve du réacteur - il faut 205 assemblages pour un réacteur de 1450 MWe -, constituent le cœur. En fonctionnement, ces assemblages sont traversés de bas en haut par l’eau primaire qui s’échauffe à leur contact et emporte cette énergie vers les générateurs de vapeur. https://www.asn.fr/Lexique/A/Assemblage-combustible
[3] Barrière de confinement : Dans un Réacteur à Eau sous Pression (REP), la prise en compte du concept de défense en profondeur implique l’existence de 3 barrières de confinement des produits radioactifs contenus dans le cœur du réacteur :
1. La gaine qui enveloppe les crayons de combustible retient les produits radioactifs créés dans les pastilles de combustible. Une mauvaise évacuation de la chaleur entraînerait la rupture des gaines, voire la fusion plus ou moins importante des pastilles.
2. Le circuit primaire : les crayons combustibles sont constamment refroidis par l’eau primaire qui circule en circuit fermé entre le cœur et les boucles des générateurs de vapeur. Le circuit primaire constitue une deuxième enveloppe capable de retenir la dispersion des produits radioactifs contenus dans le combustible si les gaines sont défaillantes.
3. L’enceinte de confinement : elle est constituée par le bâtiment en béton qui abrite le circuit primaire. https://www.irsn.fr/FR/connaissances/Installations_nucleaires/La_surete_Nucleaire/risque-nucleaire/demarche-prevention/Pages/2-barrieres-de-confinement.aspx#.YMe-iDo6_Eo
[4] La NNSA a présenté un point de situation ce mercredi 16 juin, lors d’une réunion d’un groupe de travail du MDEP consacré à l’EPR, rassemblant les autorités de sûreté concernées par ce réacteur