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Sortir du nucléaire n°69



Mai 2016

CIGÉO : le plus grand projet inutile, imposé et nuisible du siècle !

Déchets radioactifs Bure - CIGEO

CIGÉO, un projet démentiel aux risques insensés

Mis en œuvre par l’Andra [1], CIGÉO [2] c’est le projet d’enfouir en profondeur les déchets nucléaires les plus radioactifs. Il comporterait un site d’enfouissement à 500 m sous terre, d’une surface de 15 km2, et est prévu pour accueillir à terme environ 80 000 m3 de déchets de Moyenne et Haute Activité à Vie Longue (MAVL et HAVL).

Le 15 novembre 2015, une première action "semis radieux" a eu lieu sur des terrains convoités par l’Andra.

Un site nucléaire en surface de 70 hectares est également prévu avec une zone de stockage intermédiaire et une usine de reconditionnement et compactage, et cela pendant au moins 130 ans, le temps de remplir le centre. Un puits de ventilation serait relié directement au site en profondeur afin de créer un renouvellement d’air. Bien évidemment les promoteurs de l’enfouissement s’étaient bien gardés de mentionner cette première étape de stockage en surface qui impactera non plus les générations futures mais tous les habitants du coin, dans quelques années, demain. Ce projet, s’il était réalisé, engendrerait des risques et nuisances multiples, jamais évoqués, jamais exposés. Des camions jour et nuit, une jolie vallée comblée par les verses, des trains de déchets sous les fenêtres, une bombe nucléaire s’étalant progressivement sous les pieds, ou encore des gaz radioactifs recrachés en permanence, bref, de quoi faire fuir tout le monde... Mais n’est-ce pas le but ? Et puis ça, c’est si tout va bien et c’est sans compter les risques de fuites, de séismes profonds et mouvements de sous-sol, de circulation de l’eau et par là-même de la radioactivité, d’effondrement des galeries... Alors que l’Andra présentait le sous-sol de Bure comme un coffre-fort inébranlable, l’éboulement mortel qui s’est produit le mardi 26 janvier 2016, dans les galeries souterraines du "laboratoire", montre clairement que les doutes émis depuis des années sont justifiés et pose la question de la stabilité réelle de l’argile dans laquelle pourrait être creusé CIGÉO.

Une population piétinée et des terres accaparées, l’exemple de Mandres-en-Barrois

Pour son projet, l’Andra a déjà accaparé 3000 hectares : 2000 ha de forêts et 1000 ha de terres agricoles notamment avec l’aide de la SAFER [3]. Objectif ? Avoir un capital foncier suffisamment important pour construire sa poubelle et réaliser les échanges nécessaires afin d’obtenir les terres dont elle ne dispose pas. C’est ce qu’elle essaye de faire depuis plusieurs années avec le bois communal de Mandres, l’un des cinq villages concernés par CIGÉO, afin d’y installer les puits de ventilation (là d’où sortiraient l’hydrogène et la radioactivité).

Un référendum a déjà eu lieu dans ce village en janvier 2013 au cours duquel les habitant-e-s s’étaient largement opposé-e-s à l’échange de bois au profit de l’Andra et ce malgré les nombreux avantages et cadeaux offerts par cette dernière4. Face à l’opposition des habitant-e-s, changement de méthode : l’échange de leur bois de 220 ha contre celui de Bonnet de 307 ha est voté en conseil municipal, le 2 juillet 2015 à 6 h du matin (!), avec 7 voix pour, 4 contre. Une trentaine de militants et d’habitant-e-s étaient présent-e-s pour montrer leur opposition. Le fait que certains élus aient tra- vaillé, travaillent ou ont de la famille qui travaille pour l’Andra, les permis de chasser, de cultiver en attendant la prise effective des terres..., n’est sûre- ment pas étranger à ce passage en force.

En août 2015, 31 habitant-e-s décident alors de déposer un recours gracieux auprès du maire et du préfet de Meuse afin d’annuler la délibération. Sans réponse. Quatre d’entre eux l’attaquent alors au tribunal administratif et organisent deux réunions publiques afin d’échanger et d’expliquer leur démarche. En attendant l’Andra a obtenu la forêt, l’Office national des forêts a réalisé la distraction du bois mais ordonné que celui-ci ne soit exploité que si l’autorisation de création de CIGÉO devenait effective. Une veille attentive de la forêt est donc menée pour s’assurer que des travaux prépara- toires que l’Andra affectionne tant ne sont pas réalisés. Et tout reste possible pour les habitant-e-s de Mandres qui veulent garder leur forêt, leur patrimoine, qui refusent de voir les déchets radioactifs venir polluer le territoire qu’ils font vivre.

Démocratie bafouée : un mal profond

On ne fera pas l’injure ici au lecteur ou à la lectrice antinucléaire de lui expliquer combien notre démocratie est malmenée. Chacun-e le sait, et souvent le vit, néanmoins le cas de Bure frappe par l’ampleur du mal et donc par la nécessité de réagir. Chacun-e garde en mémoire le sordide épisode du "débat public" de 2013, où les populations étaient invitées à s’exprimer sur l’enfouissement alors que ça n’avait aucune utilité, aucun pouvoir, puisqu’enfouir était déjà imposé par la loi de 2006.

Plus récemment, la loi de transition énergétique et la loi Macron allaient donner à voir un ballet sidérant. Comment court-circuiter une loi programmée (sur les modalités de réversibilité dans un dépôt à CIGÉO) et dont les débats incontournables s’avèrent fort gênants ? Par le recours à un tour de passe-passe, en glissant discrètement un amendement "réversibilité" dans une loi X ou Y.

La manipulation éventée, l’amendement retoqué, il est des manipulateurs qui insistent. On vit une ribambelle d’amendements, pas moins de quatorze (!) jetés à la porte mais repassant par la fenêtre, la cheminée, la cave, portés par des députés ou sénateurs sans scrupule aucun : Le Déaut, Sido, Adnot, Longuet, etc. Les mêmes qui sont membres ou chefs de l’OPECST, cet office parlementaire chargé d’apporter les bonnes informations aux députés et sénateurs sur le nucléaire par exemple ! Le dernier coup fut porté par un ministre, Macron, qui profitait d’un 49-3 verrouillant le texte déposé pour réintroduire CIGÉO dans sa loi. Bingo... sauf que le Conseil constitutionnel a rejeté cet été la manœuvre. Mais les partisans du projet ne désarment pas. Le député Le Déaut propose, fin 2015, un nouveau projet de loi à l’Assemblée. Celui-ci n’est toujours pas inscrit à l’ordre du jour ? Qu’à cela ne tienne, son comparse nucléocrate Longuet dépose un projet de loi au Sénat. Celle-ci sera examinée le 17 mai, mais pour le moment elle n’est pas à l’agenda de l’Assemblée. Le feuilleton législatif autour de CIGÉO est loin d’être terminé...

Dimanche 17 avril 2016, près de la gare de Luméville, action "semis radieux". Le collectif Terre de Bure colle des patates à l’Andra en semant des pommes de terre dans les champs qu’elle convoite.

Un territoire acheté et colonisé sous couvert d’accompagnement économique

Pour imposer l’enfouissement et favoriser l’acceptabilité sociale de ce projet démentiel, l’État a mis en place un GIP (Groupement d’intérêt public) qui distribue 30 millions d’euros par an, par département. Rien que ça ! Ce fond, alimenté par les producteurs de déchets (EDF, Areva et CEA), est censé servir à accompagner le territoire sur le plan économique. Mais depuis quelques années, on voit fleurir en Meuse et Haute-Marne de nombreux projets nucléaires, portés par ces même producteurs de déchets... et bien souvent financés par le GIP ! L’objectif est à peine caché : mettre les deux départements concernés sous perfusion d’une mono-industrie nucléaire.

À Velaines (55), EDF a implanté une plateforme logistique dédiée à la maintenance des centrales nucléaires françaises. Le 8 janvier, Jean-Bernard Lévy, patron d’EDF, a officiellement annoncé l’extension de 30 000 m2 du site, soit un doublement de ses capacités.

À Void-Vacon (55), Areva a construit une plate-forme de nuitée pour camions de transports de pièces mécaniques. Mais très vite, cette base est transformée en catimini en plaque tournante d’un trafic de convois de matières et déchets nucléaires, dévoilée grâce à la vigilance d’habitant-e-s et militant-e-s. Un ballon d’essai grandeur nature avant qu’elle ne fasse partie intégrante du dispositif de transport routier vers CIGÉO ?

À Saint-Dizier (52), EDF prévoit de renforcer encore sa présence en construisant une base de maintenance pour les pièces contaminées issues de nos centrales nucléaires. D’une superficie de 18 000 m2, ce nouveau site nucléaire, dont les travaux devraient débuter cette année, pourrait être mis en service dès la fin 2017.

Un prototype à caractère industriel piloté par le Commissariat à l’Énergie Atomique et "aux Énergies Alternatives" (CEA) a également été installé à Saudron (52), juste à côté de Bure. Il a pour ambition de produire du diesel de synthèse et autres sous- produits à partir de biomasse fraîche : 90000 tonnes de bois brut pour alimenter 3000 véhicules par an, autant dire rien du tout ! En consommant au passage l’équivalent électrique d’une ville de 30000 personnes. Au final donc, un rendement énergétique de 30 %, ce qui signifie que 7 arbres sur 10 partiraient en poussières et en fumées. Tout en relarguant dans l’air et dans l’eau 32 000 m3/an d’effluents, soit une piscine olympique par mois. L’État et les collectivités accepteraient d’y gaspiller 270 millions d’euros d’investissement, si le projet va à son terme, pour accoucher d’un accompagnement économique du projet CIGÉO à Bure qui a tout du greenwashing. Et la liste des sites nucléaires ou projets liés est encore longue : archives EDF et Areva, centre de formation EDF à Saint-Dizier, création dans les centres de formations de cursus dans le nucléaire ou pour devenir agent de sécurité...

Il n’y a pas de déchets à Bure, mais sur le terrain l’Andra avance

Pour pouvoir accéder aux terrains privés, la préfecture a publié ces derniers mois plusieurs arrêtés autorisant la pénétration sur les propriétés pour la réalisation de fouilles, de relevés et études de données. En 2015, ont fleuri des chantiers de fouilles archéologiques, des travaux préparatoires à une déviation de route, le lancement de la concertation autour d’un projet de transformateur électrique, la réhabilitation d’une ancienne voie ferrée, des coupes commençant à saccager les forêts... De nombreux agriculteurs bénéficiant de baux précaires sur les terres acquises par l’Andra directement ou via la SAFER sur la zone destinée à la future descenderie, se sont, eux, vus notifier le retrait de ces terres après les moissons de fin août.

Des coûts sous-évalués

Depuis le début, le chiffrage de CIGÉO bute sur des zones de flou considérables. Pour les besoins d’un recours contre les conclusions du débat public, le Réseau "Sortir du nucléaire" demande il y a quelques mois à l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) la transmission d’un avis où elle jugeait optimiste le coût de 34,5 milliards d’euros avancé par l’Andra, lui reprochant de ne pas prendre en compte l’intégralité des coûts de Cigéo.

L’ASN refuse. Nous saisissons alors la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA), qui tranche en notre faveur, forçant l’ASN à rendre public ce fameux document. Celui-ci étant lié à un processus d’évaluation des coûts du projet, différents documents, jusque là tenus secrets, sont alors publiés, notamment l’évaluation faite par l’ANDRA (34,5 milliards d’euros) et celle des exploitants (20 milliards).

Quelques jours plus tard, Ségolène Royal tranche en "coupant la poire en deux" (25 milliards), cédant à la pression des exploitants nucléaires en pleine déroute. Mais ce projet est financièrement insupportable et cette estimation est très loin du compte.

Poursuivons la résistance !

Un projet impossible à chiffrer, un accident bien gênant, un débat parlementaire annoncé mais qui tarde à arriver, CIGÉO a du plomb dans l’aile, d’autant que l’acceptabilité sociale du projet est loin d’être acquise. Depuis quelques années, la résistance locale s’intensifie à nouveau et les initiatives foisonnent. Les mois à venir sont cruciaux pour contrer CIGÉO et le moment est venu de renforcer cette lutte en faisant de CIGÉO un enjeu pour l’ensemble du mouvement antinucléaire. "Déchets nucléaires, surtout ne pas enfouir, arrêter d’en produire !"

Texte collectif coordonné par Laura Hameaux avec la participation de BureSTOP55, BZL, Cedra, Mirabelle-LNE et du Réseau


Notes

[1Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs

[2Centre Industriel de stockage GÉOlogique

[3Société d’aménagement foncier et d’établissement rural

CIGÉO, un projet démentiel aux risques insensés

Mis en œuvre par l’Andra [1], CIGÉO [2] c’est le projet d’enfouir en profondeur les déchets nucléaires les plus radioactifs. Il comporterait un site d’enfouissement à 500 m sous terre, d’une surface de 15 km2, et est prévu pour accueillir à terme environ 80 000 m3 de déchets de Moyenne et Haute Activité à Vie Longue (MAVL et HAVL).

Le 15 novembre 2015, une première action "semis radieux" a eu lieu sur des terrains convoités par l’Andra.

Un site nucléaire en surface de 70 hectares est également prévu avec une zone de stockage intermédiaire et une usine de reconditionnement et compactage, et cela pendant au moins 130 ans, le temps de remplir le centre. Un puits de ventilation serait relié directement au site en profondeur afin de créer un renouvellement d’air. Bien évidemment les promoteurs de l’enfouissement s’étaient bien gardés de mentionner cette première étape de stockage en surface qui impactera non plus les générations futures mais tous les habitants du coin, dans quelques années, demain. Ce projet, s’il était réalisé, engendrerait des risques et nuisances multiples, jamais évoqués, jamais exposés. Des camions jour et nuit, une jolie vallée comblée par les verses, des trains de déchets sous les fenêtres, une bombe nucléaire s’étalant progressivement sous les pieds, ou encore des gaz radioactifs recrachés en permanence, bref, de quoi faire fuir tout le monde... Mais n’est-ce pas le but ? Et puis ça, c’est si tout va bien et c’est sans compter les risques de fuites, de séismes profonds et mouvements de sous-sol, de circulation de l’eau et par là-même de la radioactivité, d’effondrement des galeries... Alors que l’Andra présentait le sous-sol de Bure comme un coffre-fort inébranlable, l’éboulement mortel qui s’est produit le mardi 26 janvier 2016, dans les galeries souterraines du "laboratoire", montre clairement que les doutes émis depuis des années sont justifiés et pose la question de la stabilité réelle de l’argile dans laquelle pourrait être creusé CIGÉO.

Une population piétinée et des terres accaparées, l’exemple de Mandres-en-Barrois

Pour son projet, l’Andra a déjà accaparé 3000 hectares : 2000 ha de forêts et 1000 ha de terres agricoles notamment avec l’aide de la SAFER [3]. Objectif ? Avoir un capital foncier suffisamment important pour construire sa poubelle et réaliser les échanges nécessaires afin d’obtenir les terres dont elle ne dispose pas. C’est ce qu’elle essaye de faire depuis plusieurs années avec le bois communal de Mandres, l’un des cinq villages concernés par CIGÉO, afin d’y installer les puits de ventilation (là d’où sortiraient l’hydrogène et la radioactivité).

Un référendum a déjà eu lieu dans ce village en janvier 2013 au cours duquel les habitant-e-s s’étaient largement opposé-e-s à l’échange de bois au profit de l’Andra et ce malgré les nombreux avantages et cadeaux offerts par cette dernière4. Face à l’opposition des habitant-e-s, changement de méthode : l’échange de leur bois de 220 ha contre celui de Bonnet de 307 ha est voté en conseil municipal, le 2 juillet 2015 à 6 h du matin (!), avec 7 voix pour, 4 contre. Une trentaine de militants et d’habitant-e-s étaient présent-e-s pour montrer leur opposition. Le fait que certains élus aient tra- vaillé, travaillent ou ont de la famille qui travaille pour l’Andra, les permis de chasser, de cultiver en attendant la prise effective des terres..., n’est sûre- ment pas étranger à ce passage en force.

En août 2015, 31 habitant-e-s décident alors de déposer un recours gracieux auprès du maire et du préfet de Meuse afin d’annuler la délibération. Sans réponse. Quatre d’entre eux l’attaquent alors au tribunal administratif et organisent deux réunions publiques afin d’échanger et d’expliquer leur démarche. En attendant l’Andra a obtenu la forêt, l’Office national des forêts a réalisé la distraction du bois mais ordonné que celui-ci ne soit exploité que si l’autorisation de création de CIGÉO devenait effective. Une veille attentive de la forêt est donc menée pour s’assurer que des travaux prépara- toires que l’Andra affectionne tant ne sont pas réalisés. Et tout reste possible pour les habitant-e-s de Mandres qui veulent garder leur forêt, leur patrimoine, qui refusent de voir les déchets radioactifs venir polluer le territoire qu’ils font vivre.

Démocratie bafouée : un mal profond

On ne fera pas l’injure ici au lecteur ou à la lectrice antinucléaire de lui expliquer combien notre démocratie est malmenée. Chacun-e le sait, et souvent le vit, néanmoins le cas de Bure frappe par l’ampleur du mal et donc par la nécessité de réagir. Chacun-e garde en mémoire le sordide épisode du "débat public" de 2013, où les populations étaient invitées à s’exprimer sur l’enfouissement alors que ça n’avait aucune utilité, aucun pouvoir, puisqu’enfouir était déjà imposé par la loi de 2006.

Plus récemment, la loi de transition énergétique et la loi Macron allaient donner à voir un ballet sidérant. Comment court-circuiter une loi programmée (sur les modalités de réversibilité dans un dépôt à CIGÉO) et dont les débats incontournables s’avèrent fort gênants ? Par le recours à un tour de passe-passe, en glissant discrètement un amendement "réversibilité" dans une loi X ou Y.

La manipulation éventée, l’amendement retoqué, il est des manipulateurs qui insistent. On vit une ribambelle d’amendements, pas moins de quatorze (!) jetés à la porte mais repassant par la fenêtre, la cheminée, la cave, portés par des députés ou sénateurs sans scrupule aucun : Le Déaut, Sido, Adnot, Longuet, etc. Les mêmes qui sont membres ou chefs de l’OPECST, cet office parlementaire chargé d’apporter les bonnes informations aux députés et sénateurs sur le nucléaire par exemple ! Le dernier coup fut porté par un ministre, Macron, qui profitait d’un 49-3 verrouillant le texte déposé pour réintroduire CIGÉO dans sa loi. Bingo... sauf que le Conseil constitutionnel a rejeté cet été la manœuvre. Mais les partisans du projet ne désarment pas. Le député Le Déaut propose, fin 2015, un nouveau projet de loi à l’Assemblée. Celui-ci n’est toujours pas inscrit à l’ordre du jour ? Qu’à cela ne tienne, son comparse nucléocrate Longuet dépose un projet de loi au Sénat. Celle-ci sera examinée le 17 mai, mais pour le moment elle n’est pas à l’agenda de l’Assemblée. Le feuilleton législatif autour de CIGÉO est loin d’être terminé...

Dimanche 17 avril 2016, près de la gare de Luméville, action "semis radieux". Le collectif Terre de Bure colle des patates à l’Andra en semant des pommes de terre dans les champs qu’elle convoite.

Un territoire acheté et colonisé sous couvert d’accompagnement économique

Pour imposer l’enfouissement et favoriser l’acceptabilité sociale de ce projet démentiel, l’État a mis en place un GIP (Groupement d’intérêt public) qui distribue 30 millions d’euros par an, par département. Rien que ça ! Ce fond, alimenté par les producteurs de déchets (EDF, Areva et CEA), est censé servir à accompagner le territoire sur le plan économique. Mais depuis quelques années, on voit fleurir en Meuse et Haute-Marne de nombreux projets nucléaires, portés par ces même producteurs de déchets... et bien souvent financés par le GIP ! L’objectif est à peine caché : mettre les deux départements concernés sous perfusion d’une mono-industrie nucléaire.

À Velaines (55), EDF a implanté une plateforme logistique dédiée à la maintenance des centrales nucléaires françaises. Le 8 janvier, Jean-Bernard Lévy, patron d’EDF, a officiellement annoncé l’extension de 30 000 m2 du site, soit un doublement de ses capacités.

À Void-Vacon (55), Areva a construit une plate-forme de nuitée pour camions de transports de pièces mécaniques. Mais très vite, cette base est transformée en catimini en plaque tournante d’un trafic de convois de matières et déchets nucléaires, dévoilée grâce à la vigilance d’habitant-e-s et militant-e-s. Un ballon d’essai grandeur nature avant qu’elle ne fasse partie intégrante du dispositif de transport routier vers CIGÉO ?

À Saint-Dizier (52), EDF prévoit de renforcer encore sa présence en construisant une base de maintenance pour les pièces contaminées issues de nos centrales nucléaires. D’une superficie de 18 000 m2, ce nouveau site nucléaire, dont les travaux devraient débuter cette année, pourrait être mis en service dès la fin 2017.

Un prototype à caractère industriel piloté par le Commissariat à l’Énergie Atomique et "aux Énergies Alternatives" (CEA) a également été installé à Saudron (52), juste à côté de Bure. Il a pour ambition de produire du diesel de synthèse et autres sous- produits à partir de biomasse fraîche : 90000 tonnes de bois brut pour alimenter 3000 véhicules par an, autant dire rien du tout ! En consommant au passage l’équivalent électrique d’une ville de 30000 personnes. Au final donc, un rendement énergétique de 30 %, ce qui signifie que 7 arbres sur 10 partiraient en poussières et en fumées. Tout en relarguant dans l’air et dans l’eau 32 000 m3/an d’effluents, soit une piscine olympique par mois. L’État et les collectivités accepteraient d’y gaspiller 270 millions d’euros d’investissement, si le projet va à son terme, pour accoucher d’un accompagnement économique du projet CIGÉO à Bure qui a tout du greenwashing. Et la liste des sites nucléaires ou projets liés est encore longue : archives EDF et Areva, centre de formation EDF à Saint-Dizier, création dans les centres de formations de cursus dans le nucléaire ou pour devenir agent de sécurité...

Il n’y a pas de déchets à Bure, mais sur le terrain l’Andra avance

Pour pouvoir accéder aux terrains privés, la préfecture a publié ces derniers mois plusieurs arrêtés autorisant la pénétration sur les propriétés pour la réalisation de fouilles, de relevés et études de données. En 2015, ont fleuri des chantiers de fouilles archéologiques, des travaux préparatoires à une déviation de route, le lancement de la concertation autour d’un projet de transformateur électrique, la réhabilitation d’une ancienne voie ferrée, des coupes commençant à saccager les forêts... De nombreux agriculteurs bénéficiant de baux précaires sur les terres acquises par l’Andra directement ou via la SAFER sur la zone destinée à la future descenderie, se sont, eux, vus notifier le retrait de ces terres après les moissons de fin août.

Des coûts sous-évalués

Depuis le début, le chiffrage de CIGÉO bute sur des zones de flou considérables. Pour les besoins d’un recours contre les conclusions du débat public, le Réseau "Sortir du nucléaire" demande il y a quelques mois à l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) la transmission d’un avis où elle jugeait optimiste le coût de 34,5 milliards d’euros avancé par l’Andra, lui reprochant de ne pas prendre en compte l’intégralité des coûts de Cigéo.

L’ASN refuse. Nous saisissons alors la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA), qui tranche en notre faveur, forçant l’ASN à rendre public ce fameux document. Celui-ci étant lié à un processus d’évaluation des coûts du projet, différents documents, jusque là tenus secrets, sont alors publiés, notamment l’évaluation faite par l’ANDRA (34,5 milliards d’euros) et celle des exploitants (20 milliards).

Quelques jours plus tard, Ségolène Royal tranche en "coupant la poire en deux" (25 milliards), cédant à la pression des exploitants nucléaires en pleine déroute. Mais ce projet est financièrement insupportable et cette estimation est très loin du compte.

Poursuivons la résistance !

Un projet impossible à chiffrer, un accident bien gênant, un débat parlementaire annoncé mais qui tarde à arriver, CIGÉO a du plomb dans l’aile, d’autant que l’acceptabilité sociale du projet est loin d’être acquise. Depuis quelques années, la résistance locale s’intensifie à nouveau et les initiatives foisonnent. Les mois à venir sont cruciaux pour contrer CIGÉO et le moment est venu de renforcer cette lutte en faisant de CIGÉO un enjeu pour l’ensemble du mouvement antinucléaire. "Déchets nucléaires, surtout ne pas enfouir, arrêter d’en produire !"

Texte collectif coordonné par Laura Hameaux avec la participation de BureSTOP55, BZL, Cedra, Mirabelle-LNE et du Réseau



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