Faire un don

Sortir du nucléaire n°31



Juin 2006

Risque

Bientôt un Tchernobyl en France ?

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°31 - Juin 2006

 Risque nucléaire
Article publié le : 1er juin 2006


Les nombreux reportages consacrés aux 20 ans de Tchernobyl ont clairement montré, malgré les tentatives de diversion des tenants de l’atome, que les conséquences de cette catastrophe étaient dramatiques et, pour des siècles encore, en constante aggravation.



La question se pose donc de façon d’autant plus cruciale : un "Tchernobyl français" est-il possible ? Hélas, de nombreux indices laissent à penser qu’un tel désastre pourrait bien se produire. Certes, à la différence des réacteurs RBMK (de type Tchernobyl), les réacteurs français sont recouverts d’une grosse cloche de béton, l’enceinte de confinement, censée empêcher un nuage radioactif de s’échapper. Mais divers scénarios peuvent amener, en situation accidentelle, à la rupture de cette enceinte, comme cela a d’ailleurs failli être le cas en 1979 aux USA, à la centrale de Three Mile Island.

Des restrictions budgétaires drastiques

Dangereux par nature, comme toute installation nucléaire, les réacteurs français le sont de plus en plus car ils sont vieillissants. Les plus anciens, ceux de Fessenheim (Haut-Rhin) et du Bugey (Ain), approchent des 30 ans. Or EDF, sans même attendre l’accord de l’Autorité de sûreté nucléaire (qui n’a d’autorité que dans son nom), a d’ores et déjà décidé de porter à 40 ans la durée de vie de ses réacteurs.

Qui plus est, les dirigeants d’EDF ont mis en œuvre depuis 2002 un processus de restrictions budgétaires drastiques dans les centrales nucléaires. Le Réseau "Sortir du nucléaire" est entré en possession d’un document interne à EDF qui décrit les mesures mises en œuvre : annulation massive d’embauches pourtant prévues, économies sur les dépenses de logistique, frais généraux et maintenance. Mais aussi d’inquiétantes consignes telles que "le coefficient de disponibilité et le coefficient d’utilisation des centrales nucléaires doivent être le plus élevés possible".

Autre problème majeur en France, contrairement à une idée reçue : le risque sismique. A nouveau, le Réseau "Sortir du nucléaire" s’est procuré des documents internes à EDF qui montrent que les chiffres concernant ce risque sont très gravement contestés par l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) qui dépend de l’Etat. Les documents montrent clairement qu’EDF se refuse pour des raisons purement financières à mettre en œuvre les mesures nécessaires, et a mis en place une action de lobbying pour contraindre l’Autorité de sûreté à écarter les travaux de l’IRSN. Extraits :

- “Il faut mobiliser stratégiquement au-dessus des experts pour lever la contrainte”

- “Une communication de haut niveau vers l’ASN est requise”

- “Des actions de lobbying ou contrefeu (autres experts) sont-elles possibles ?”

- “Il faut trouver une échappatoire à cette menace”.

Précision utile : pour EDF, la "menace" est celle de devoir financer des travaux. Le choix de la rentabilité au détriment de la sûreté est clairement établi.

Pire : des informations complémentaires ont permis de montrer que les ingénieurs d’EDF se sont "arrangés" avec les données sismiques : en réduisant d’office "les intensités épicentrales de la plupart des séismes de référence" ou en redessinant les zones sismiques afin d’éviter la prise en compte de certains séismes historiques. Tremblons… en espérant que la Terre ne s’y mette pas aussi.

De graves erreurs de conception

Par ailleurs, des erreurs graves de conception ont été commises à la construction des centrales : lors de la tempête de décembre 1999, la centrale nucléaire du Blayais (Gironde) a été gravement inondée et a frôlé le pire : pourtant, les spécialistes d’EDF avaient assuré que les digues de la centrale ne pouvaient être surpassées. Un rapport parlementaire publié en avril 2000 précise : "Cette erreur de conception, la plate-forme sur laquelle a été remblayée la centrale n’a pas été érigée suffisamment haut, n’est pas propre à la centrale du Blayais. La plate-forme de l’îlot nucléaire est calée au-dessous de la cote majorée de sécurité (CMS) pour les sites de Belleville, Chinon, Dampierre, Gravelines, le Blayais et Saint-Laurent ; en outre les sites de Fessenheim et de Tricastin sont implantés à proximité d’un canal dont la ligne d’eau est supérieure à la cote de leur plate-forme". Et pourtant, personne n’envisage d’arrêter ces centrales…

Autre risque grave, l’incendie et, là encore, EDF est gravement à découvert. Ainsi, L’ASN a mené à Chinon une inspection "géante" du 7 au 11 mars 2005. Le compte rendu, daté du 19 mai 2005, est explicite : "Cette inspection de revue a été programmée par l’ASN à l’issue d’insuffisances constatées lors de trois inspections sur le thème de l’incendie réalisées au cours des douze derniers mois (…) Des efforts restent à fournir en termes de rigueur de gestion du risque incendie et d’identification des problèmes affectant le matériel (…) Comme sur la plupart des autres centrales nucléaires, les équipes locales d’intervention doivent améliorer leurs pratiques pour arriver au niveau d’exigence de l’Autorité de sûreté nucléaire, compte tenu des enjeux liés au risque incendie". Edifiant.

Ils se préparent au pire

Ceci dit, et contrairement à ce que l’on pourrait croire, si un désastre nucléaire se produit, les citoyens ordinaires en souffriront bien plus que l’industrie de l’atome. Celle-ci s’est soigneusement préparée au pire et a fait évoluer ses méthodes : il ne s’agira plus de tenter de cacher l’accident, mais d’en nier les véritables conséquences et d’imposer l’idée que, somme toute, les populations peuvent continuer à vivre tranquillement dans les zones contaminées. Pour arriver à de telles conclusions, le lobby nucléaire français, appuyé par le lobby de l’agriculture productiviste, a organisé la manipulation des données de la seule "expérience" réelle : Tchernobyl. Ainsi, plusieurs programmes (Ethos, Core, Sage, Farming) sont mis en œuvre depuis plusieurs années pour cacher les véritables conséquences de la catastrophe du 26 avril 1986, et pour en faire de même en cas de drame atomique en France.

Par ailleurs, le gouvernement a signé le 8 septembre 2003 le décret n° 2003-865, "portant création du comité interministériel aux crises nucléaires ou radiologiques", qui donne des pouvoirs exceptionnels au secrétaire général de la défense nationale, "en cas d’accident (…) ou d’attentat ou de menace d’attentat ayant ou pouvant avoir des conséquences nucléaires ou radiologiques". L’armée mettra hors d’état de "nuire" les citoyens qui voudraient informer la population de la réalité du danger…

Enfin, tout à été prévu pour assurer la protection des intérêts économiques, aux dépens de ceux des populations. Le 12 février 2004, les gouvernements des pays de l’OCDE ont révisé les Conventions de Paris et de Bruxelles sur les dédommagements en cas de catastrophe nucléaire. Le montant des compensations a certes été substantiellement augmenté, mais ce sont les valeurs industrielles et patrimoniales qui seront protégées, dédommagées, remboursées. Et ce sera avec l’argent public, l’argent de tous les citoyens, y compris de celles et ceux qui seront victimes, contaminés, irradiés. Début avril 2006, dans la plus grande discrétion, les parlementaires français ont ratifié ces textes…

En résumé, il est légitime de craindre un nouveau Tchernobyl quelque part dans le monde, et tout particulièrement en France. Les autorités et les entreprises de l’atome semblent clairement s’y préparer : il est vrai qu’elles sont les mieux placées pour le voir arriver. Mais tout n’est pas perdu : de par le monde, des millions de citoyens exigent qu’une chance soit laissée à la planète et aux générations futures. Il apparaît de plus en plus évident qu’il faut à la fois faire disparaître le nucléaire et lutter contre le réchauffement climatique. Des solutions existent : développer à grande échelle les économies d’énergie - principalement dans les pays riches - et les énergies renouvelables, partout sur la planète. Utopique ? Au contraire, c’est le seul choix réaliste, la seule voie d’avenir. Avant un nouveau Tchernobyl. Vite.
Un livre à lire absolument

Nous vous invitons à lire l’enquête exclusive menée pendant plusieurs années par Stéphane Lhomme : L’insécurité nucléaire : bientôt un Tchernobyl en France ? Ce livre passionnant de 250 pages (déjà un succès de librairie) est paru en avril 2006 aux Editions Yves Michel, peu de temps avant la garde à vue de son auteur (un simple hasard ?).

Commandez le livre aujourd’hui (l’exemplaire : 18 euros - port compris)

à : Réseau “Sortir du nucléaire”

9, rue Dumenge 69317 Lyon Cedex 04.

Chèque à l’ordre de “Sortir du nucléaire”.
Stéphane Lhomme

Porte-parole du Réseau "Sortir du nucléaire"

La question se pose donc de façon d’autant plus cruciale : un "Tchernobyl français" est-il possible ? Hélas, de nombreux indices laissent à penser qu’un tel désastre pourrait bien se produire. Certes, à la différence des réacteurs RBMK (de type Tchernobyl), les réacteurs français sont recouverts d’une grosse cloche de béton, l’enceinte de confinement, censée empêcher un nuage radioactif de s’échapper. Mais divers scénarios peuvent amener, en situation accidentelle, à la rupture de cette enceinte, comme cela a d’ailleurs failli être le cas en 1979 aux USA, à la centrale de Three Mile Island.

Des restrictions budgétaires drastiques

Dangereux par nature, comme toute installation nucléaire, les réacteurs français le sont de plus en plus car ils sont vieillissants. Les plus anciens, ceux de Fessenheim (Haut-Rhin) et du Bugey (Ain), approchent des 30 ans. Or EDF, sans même attendre l’accord de l’Autorité de sûreté nucléaire (qui n’a d’autorité que dans son nom), a d’ores et déjà décidé de porter à 40 ans la durée de vie de ses réacteurs.

Qui plus est, les dirigeants d’EDF ont mis en œuvre depuis 2002 un processus de restrictions budgétaires drastiques dans les centrales nucléaires. Le Réseau "Sortir du nucléaire" est entré en possession d’un document interne à EDF qui décrit les mesures mises en œuvre : annulation massive d’embauches pourtant prévues, économies sur les dépenses de logistique, frais généraux et maintenance. Mais aussi d’inquiétantes consignes telles que "le coefficient de disponibilité et le coefficient d’utilisation des centrales nucléaires doivent être le plus élevés possible".

Autre problème majeur en France, contrairement à une idée reçue : le risque sismique. A nouveau, le Réseau "Sortir du nucléaire" s’est procuré des documents internes à EDF qui montrent que les chiffres concernant ce risque sont très gravement contestés par l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) qui dépend de l’Etat. Les documents montrent clairement qu’EDF se refuse pour des raisons purement financières à mettre en œuvre les mesures nécessaires, et a mis en place une action de lobbying pour contraindre l’Autorité de sûreté à écarter les travaux de l’IRSN. Extraits :

- “Il faut mobiliser stratégiquement au-dessus des experts pour lever la contrainte”

- “Une communication de haut niveau vers l’ASN est requise”

- “Des actions de lobbying ou contrefeu (autres experts) sont-elles possibles ?”

- “Il faut trouver une échappatoire à cette menace”.

Précision utile : pour EDF, la "menace" est celle de devoir financer des travaux. Le choix de la rentabilité au détriment de la sûreté est clairement établi.

Pire : des informations complémentaires ont permis de montrer que les ingénieurs d’EDF se sont "arrangés" avec les données sismiques : en réduisant d’office "les intensités épicentrales de la plupart des séismes de référence" ou en redessinant les zones sismiques afin d’éviter la prise en compte de certains séismes historiques. Tremblons… en espérant que la Terre ne s’y mette pas aussi.

De graves erreurs de conception

Par ailleurs, des erreurs graves de conception ont été commises à la construction des centrales : lors de la tempête de décembre 1999, la centrale nucléaire du Blayais (Gironde) a été gravement inondée et a frôlé le pire : pourtant, les spécialistes d’EDF avaient assuré que les digues de la centrale ne pouvaient être surpassées. Un rapport parlementaire publié en avril 2000 précise : "Cette erreur de conception, la plate-forme sur laquelle a été remblayée la centrale n’a pas été érigée suffisamment haut, n’est pas propre à la centrale du Blayais. La plate-forme de l’îlot nucléaire est calée au-dessous de la cote majorée de sécurité (CMS) pour les sites de Belleville, Chinon, Dampierre, Gravelines, le Blayais et Saint-Laurent ; en outre les sites de Fessenheim et de Tricastin sont implantés à proximité d’un canal dont la ligne d’eau est supérieure à la cote de leur plate-forme". Et pourtant, personne n’envisage d’arrêter ces centrales…

Autre risque grave, l’incendie et, là encore, EDF est gravement à découvert. Ainsi, L’ASN a mené à Chinon une inspection "géante" du 7 au 11 mars 2005. Le compte rendu, daté du 19 mai 2005, est explicite : "Cette inspection de revue a été programmée par l’ASN à l’issue d’insuffisances constatées lors de trois inspections sur le thème de l’incendie réalisées au cours des douze derniers mois (…) Des efforts restent à fournir en termes de rigueur de gestion du risque incendie et d’identification des problèmes affectant le matériel (…) Comme sur la plupart des autres centrales nucléaires, les équipes locales d’intervention doivent améliorer leurs pratiques pour arriver au niveau d’exigence de l’Autorité de sûreté nucléaire, compte tenu des enjeux liés au risque incendie". Edifiant.

Ils se préparent au pire

Ceci dit, et contrairement à ce que l’on pourrait croire, si un désastre nucléaire se produit, les citoyens ordinaires en souffriront bien plus que l’industrie de l’atome. Celle-ci s’est soigneusement préparée au pire et a fait évoluer ses méthodes : il ne s’agira plus de tenter de cacher l’accident, mais d’en nier les véritables conséquences et d’imposer l’idée que, somme toute, les populations peuvent continuer à vivre tranquillement dans les zones contaminées. Pour arriver à de telles conclusions, le lobby nucléaire français, appuyé par le lobby de l’agriculture productiviste, a organisé la manipulation des données de la seule "expérience" réelle : Tchernobyl. Ainsi, plusieurs programmes (Ethos, Core, Sage, Farming) sont mis en œuvre depuis plusieurs années pour cacher les véritables conséquences de la catastrophe du 26 avril 1986, et pour en faire de même en cas de drame atomique en France.

Par ailleurs, le gouvernement a signé le 8 septembre 2003 le décret n° 2003-865, "portant création du comité interministériel aux crises nucléaires ou radiologiques", qui donne des pouvoirs exceptionnels au secrétaire général de la défense nationale, "en cas d’accident (…) ou d’attentat ou de menace d’attentat ayant ou pouvant avoir des conséquences nucléaires ou radiologiques". L’armée mettra hors d’état de "nuire" les citoyens qui voudraient informer la population de la réalité du danger…

Enfin, tout à été prévu pour assurer la protection des intérêts économiques, aux dépens de ceux des populations. Le 12 février 2004, les gouvernements des pays de l’OCDE ont révisé les Conventions de Paris et de Bruxelles sur les dédommagements en cas de catastrophe nucléaire. Le montant des compensations a certes été substantiellement augmenté, mais ce sont les valeurs industrielles et patrimoniales qui seront protégées, dédommagées, remboursées. Et ce sera avec l’argent public, l’argent de tous les citoyens, y compris de celles et ceux qui seront victimes, contaminés, irradiés. Début avril 2006, dans la plus grande discrétion, les parlementaires français ont ratifié ces textes…

En résumé, il est légitime de craindre un nouveau Tchernobyl quelque part dans le monde, et tout particulièrement en France. Les autorités et les entreprises de l’atome semblent clairement s’y préparer : il est vrai qu’elles sont les mieux placées pour le voir arriver. Mais tout n’est pas perdu : de par le monde, des millions de citoyens exigent qu’une chance soit laissée à la planète et aux générations futures. Il apparaît de plus en plus évident qu’il faut à la fois faire disparaître le nucléaire et lutter contre le réchauffement climatique. Des solutions existent : développer à grande échelle les économies d’énergie - principalement dans les pays riches - et les énergies renouvelables, partout sur la planète. Utopique ? Au contraire, c’est le seul choix réaliste, la seule voie d’avenir. Avant un nouveau Tchernobyl. Vite.
Un livre à lire absolument

Nous vous invitons à lire l’enquête exclusive menée pendant plusieurs années par Stéphane Lhomme : L’insécurité nucléaire : bientôt un Tchernobyl en France ? Ce livre passionnant de 250 pages (déjà un succès de librairie) est paru en avril 2006 aux Editions Yves Michel, peu de temps avant la garde à vue de son auteur (un simple hasard ?).

Commandez le livre aujourd’hui (l’exemplaire : 18 euros - port compris)

à : Réseau “Sortir du nucléaire”

9, rue Dumenge 69317 Lyon Cedex 04.

Chèque à l’ordre de “Sortir du nucléaire”.
Stéphane Lhomme

Porte-parole du Réseau "Sortir du nucléaire"



Soyez au coeur de l'information !

Tous les 3 mois, retrouvez 36 pages (en couleur) de brèves, interviews, articles, BD, alternatives concrètes, actions originales, luttes antinucléaires à l’étranger, décryptages, etc.

Je m'abonne à la revue du Réseau