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Sortir du nucléaire n°69



Mai 2016

Accident nucléaire : la France n’est pas prête à faire face

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°69 - Mai 2016

 Risque nucléaire


Pendant très longtemps, l’industrie nucléaire et l’État ont nié l’évidence. L’industrie nucléaire parée de toutes les vertus était considérée comme sûre. La confiance dans la technologie atomique empêcha toute élaboration sérieuse de l’organisation des secours et de la gestion post-accidentelle. L’État se contenta de concevoir de modestes plans particuliers d’interventions (PPI) couvrant un périmètre de 10 km autour des centrales.



L’indigence de ces documents est encore aujourd’hui l’objet d’une indignation largement partagée. Ils se résument pour l’essentiel à trois choses : un inventaire des établissements recevant du public, des fiches "action" fixant le rôle de chacun et une liste des moyens de communications utilisés pour informer la population. Partout les consignes formulées sont les mêmes : mise à l’abri, prise d’iode stable et, le cas échéant, une évacuation dont les modalités ne sont nulle part définies... Rien à voir avec les documents précis établis autour des installations industrielles conventionnelles, les PPRT.

Malgré des avertissements répétés des experts publics du nucléaire et de la société civile, les choses n’ont guère évolué. Certains PPI n’ont pas été revus depuis des décennies et beaucoup de localités ne possèdent pas encore de Plans communaux de sûreté. La culture du risque peine à s’installer en France. Si le risque n’est plus nié, il est encore ignoré dans bien trop d’endroits.

Il faut attendre février 2014 pour que l’État décide enfin de revoir les modalités de la "gestion" des accidents nucléaires. Le secrétariat général de la défense et de la sécurité du territoire publie un Plan national de réponse "Accident nucléaire ou radio- logique majeur". Le nouveau dispositif, loin de modifier l’organisation des secours, se contente de compléter des dispositifs anciens qui n’ont jamais fait la preuve de leur efficience.

Encore une fois, nous avons affaire à un magnifique exercice de communication. Le Plan national de réponse n’intègre pas totalement les recommanda- tions du Comité directeur pour la gestion de la phase post-accidentelle d’un accident nucléaire ou d’une situation d’urgence radiologique (CODIRPA) mais surtout ignore les exemples étrangers souvent bien plus robustes que les fragiles PPI français. L’important pour l’État est de rassurer une population inquiète sans se donner les moyens de revoir une doctrine qui a prouvé sa faiblesse au fil d’exercices organisés trop rarement. Deux ans après la publication de ce Plan national, le statu quo continue. La révision des PPI annoncée du bout des lèvres n’a toujours pas eu lieu en dépit de la publication tardive d’un décret en décembre 2015. Afin d’exprimer son mécontentement, la très officielle Association nationale des Comités et Commissions locales d’information institués autour des installations nucléaires (ANCCLI) a publié le 6 avril dernier un rapport accablant sur le dispositif français en vigueur.

25 millions de Français vivent dans un périmètre de 80 km autour des centrales nucléaires. L’ANCCLI réclame que les PPI (Plans Particuliers d’Intervention) concernent une zone de 80 km de rayon, au lieu de 10 km actuellement.

Élaboré par l’Association pour le Contrôle de la Radioactivité dans l’Ouest (ACRO), ce rapport dresse un réquisitoire sévère de l’insuffisance de la doctrine française de "gestion" d’un accident nucléaire. Les périmètres des PPI devraient être étendus à 80 km, la zone de distribution des pastilles d’iode portée à 50 km, les centres d’accueil et de regroupement (CARE) clairement identifiés, l’harmonisation avec les dispositifs des pays voisins exposés à la menace des centrales françaises enfin réalisée, etc. Chacun devrait lire ce rapport consultable sur le site de l’ANCCLI.1 Très clair et illustré par un grand nombre d’exemples concrets, il explique parfaitement ce qui devrait être fait face à une menace nucléaire qui augmente ici à mesure que les installations vieillissent.

En tout cas, une chose est sûre : la France n’est pas prête à faire face à un accident nucléaire même modeste. Et fondamentalement, l’urgence devrait être de mettre à l’arrêt de façon urgente les réacteurs les plus dangereux, et non pas seulement de tenter de limiter les conséquences d’une catastrophe nucléaire future, qui par essence est au-delà de tout ce qu’on peut imaginer...

Guillaume Blavette

Dernière minute Le 26 avril, à l’occasion des 30 ans de Tchernobyl, Ségolène Royal annonce que le périmètre des PPI va passer de 10 à 20 km. Cette extension ridicule relève de la poudre aux yeux. L’ANCCLI réclame l’extension des PPI à un périmètre de 80 km, les États-Unis recommandaient au Japon une zone d’évacuation de 80 km dans les jours qui ont suivi l’explosion des réacteurs de Fukusima, le Japon a évacué en urgence une zone de 30 km de rayon... et le nuage de Tchernobyl a survolé toute l’Europe !

Le président de l’Autorité de sûreté nucléaire lui- même a déclaré au journal Le Monde le 22 avril : "à terme, les plans d’urgence devront effectivement être complétés jusqu’à un rayon de 100 km, et surtout être adaptables en fonction de l’événement." En Suisse, les pastilles d’iode (qui ne protègent que la thyroïde et contre un seul radioélément, l’iode-131) sont distri- buées jusqu’à 50 km des centrales, et dans tout le Luxembourg (donc jusqu’à plus de 100 km de la centrale française de Cattenom)...

L’indigence de ces documents est encore aujourd’hui l’objet d’une indignation largement partagée. Ils se résument pour l’essentiel à trois choses : un inventaire des établissements recevant du public, des fiches "action" fixant le rôle de chacun et une liste des moyens de communications utilisés pour informer la population. Partout les consignes formulées sont les mêmes : mise à l’abri, prise d’iode stable et, le cas échéant, une évacuation dont les modalités ne sont nulle part définies... Rien à voir avec les documents précis établis autour des installations industrielles conventionnelles, les PPRT.

Malgré des avertissements répétés des experts publics du nucléaire et de la société civile, les choses n’ont guère évolué. Certains PPI n’ont pas été revus depuis des décennies et beaucoup de localités ne possèdent pas encore de Plans communaux de sûreté. La culture du risque peine à s’installer en France. Si le risque n’est plus nié, il est encore ignoré dans bien trop d’endroits.

Il faut attendre février 2014 pour que l’État décide enfin de revoir les modalités de la "gestion" des accidents nucléaires. Le secrétariat général de la défense et de la sécurité du territoire publie un Plan national de réponse "Accident nucléaire ou radio- logique majeur". Le nouveau dispositif, loin de modifier l’organisation des secours, se contente de compléter des dispositifs anciens qui n’ont jamais fait la preuve de leur efficience.

Encore une fois, nous avons affaire à un magnifique exercice de communication. Le Plan national de réponse n’intègre pas totalement les recommanda- tions du Comité directeur pour la gestion de la phase post-accidentelle d’un accident nucléaire ou d’une situation d’urgence radiologique (CODIRPA) mais surtout ignore les exemples étrangers souvent bien plus robustes que les fragiles PPI français. L’important pour l’État est de rassurer une population inquiète sans se donner les moyens de revoir une doctrine qui a prouvé sa faiblesse au fil d’exercices organisés trop rarement. Deux ans après la publication de ce Plan national, le statu quo continue. La révision des PPI annoncée du bout des lèvres n’a toujours pas eu lieu en dépit de la publication tardive d’un décret en décembre 2015. Afin d’exprimer son mécontentement, la très officielle Association nationale des Comités et Commissions locales d’information institués autour des installations nucléaires (ANCCLI) a publié le 6 avril dernier un rapport accablant sur le dispositif français en vigueur.

25 millions de Français vivent dans un périmètre de 80 km autour des centrales nucléaires. L’ANCCLI réclame que les PPI (Plans Particuliers d’Intervention) concernent une zone de 80 km de rayon, au lieu de 10 km actuellement.

Élaboré par l’Association pour le Contrôle de la Radioactivité dans l’Ouest (ACRO), ce rapport dresse un réquisitoire sévère de l’insuffisance de la doctrine française de "gestion" d’un accident nucléaire. Les périmètres des PPI devraient être étendus à 80 km, la zone de distribution des pastilles d’iode portée à 50 km, les centres d’accueil et de regroupement (CARE) clairement identifiés, l’harmonisation avec les dispositifs des pays voisins exposés à la menace des centrales françaises enfin réalisée, etc. Chacun devrait lire ce rapport consultable sur le site de l’ANCCLI.1 Très clair et illustré par un grand nombre d’exemples concrets, il explique parfaitement ce qui devrait être fait face à une menace nucléaire qui augmente ici à mesure que les installations vieillissent.

En tout cas, une chose est sûre : la France n’est pas prête à faire face à un accident nucléaire même modeste. Et fondamentalement, l’urgence devrait être de mettre à l’arrêt de façon urgente les réacteurs les plus dangereux, et non pas seulement de tenter de limiter les conséquences d’une catastrophe nucléaire future, qui par essence est au-delà de tout ce qu’on peut imaginer...

Guillaume Blavette

Dernière minute Le 26 avril, à l’occasion des 30 ans de Tchernobyl, Ségolène Royal annonce que le périmètre des PPI va passer de 10 à 20 km. Cette extension ridicule relève de la poudre aux yeux. L’ANCCLI réclame l’extension des PPI à un périmètre de 80 km, les États-Unis recommandaient au Japon une zone d’évacuation de 80 km dans les jours qui ont suivi l’explosion des réacteurs de Fukusima, le Japon a évacué en urgence une zone de 30 km de rayon... et le nuage de Tchernobyl a survolé toute l’Europe !

Le président de l’Autorité de sûreté nucléaire lui- même a déclaré au journal Le Monde le 22 avril : "à terme, les plans d’urgence devront effectivement être complétés jusqu’à un rayon de 100 km, et surtout être adaptables en fonction de l’événement." En Suisse, les pastilles d’iode (qui ne protègent que la thyroïde et contre un seul radioélément, l’iode-131) sont distri- buées jusqu’à 50 km des centrales, et dans tout le Luxembourg (donc jusqu’à plus de 100 km de la centrale française de Cattenom)...



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