Le 25 mars 2020, en plein confinement, un décret prorogeant de quatre ans le délai de mise en service de l’EPR de Flamanville a été publié. En quelques lignes, ce décret modificatif – déjà le deuxième de ce type [1] – en fixe la date limite à 2024, contre 2020 auparavant. Le gouvernement a procédé en catimini, sans procédure de participation du public, comme s’il s’agissait simplement d’actualiser formellement une date devenue obsolète en raison des retards successifs du chantier. Pourtant, l’état du réacteur n’a plus grand-chose à voir avec ce que décrit le décret d’autorisation de création initial.
Celui-ci prévoyait en effet que les exigences de conception et de fabrication devaient être telles qu’on puisse exclure la rupture de composants majeurs comme la cuve ou les tuyauteries des circuits primaires et secondaires. Entre-temps, d’importants défauts ont été découverts sur le couvercle et le fond de cuve, si bien que sa rupture n’est plus exclue [2]. Ce risque concerne également huit soudures des tuyauteries principales d’évacuation de la vapeur, affectées de malfaçons [3] , dont la réparabilité n’est même pas garantie. Et ces problèmes ne représentent probablement que la partie émergée de l’iceberg, de nouvelles « non-conformités » étant régulièrement découvertes [4] !
Le décret exigeait également que l’exploitant dispose des capacités techniques et financières nécessaires pour construire le réacteur et s’assurer des charges futures, ce qui doit être mis en doute. Le coût de l’EPR a explosé, passant de 3,3 à 12,4 milliards d’euros. Confrontée à une dette de 41 milliards d’euros, EDF s’est lancée dans une course à la rentabilité à court terme. L’entreprise aurait déjà disparu sans le soutien de l’État et l’argent des contribuables. Quant à la perte de compétence d’EDF, le gouvernement lui-même l’a reconnue publiquement à la remise du rapport Folz. L’Autorité de sûreté nucléaire insiste d’ailleurs : il ne s’agit pas d’une expérience qui se serait perdue faute de construire des réacteurs, mais d’un manque de rigueur et d’une perte de compétence professionnelle touchant l’ensemble de la filière.
Se contenter d’une simple actualisation de la date du décret initial est donc manifestement illégal (au regard de la jurisprudence européenne récente [5], ces modifications auraient nécessité une nouvelle ou, a minima, une réactualisation de l’évaluation environnementale du projet), mais surtout profondément malhonnête. C’est pourquoi nos associations viennent de déposer deux recours gracieux pour demander le retrait de ce décret et l’abrogation du décret d’autorisation de création initial.
Au-delà de cette démarche, nos associations réaffirment avec force que le réacteur EPR ne doit jamais entrer en service. Il est inacceptable que des milliards soient encore gaspillés dans ce gouffre financier, alors que ce réacteur criblé de défauts, s’il fonctionne un jour, mettrait en danger toute l’Europe. Enfin, sa mise en service enfermerait la France pour de nouvelles décennies dans l’impasse nucléaire, à rebours de toute transition énergétique digne de ce nom, et irait de pair avec la production de nouveaux déchets ingérables. Au vu de ce désastre, la volonté du gouvernement et d’EDF de construire six nouveaux réacteurs dans les années à venir relève de l’irrationnel.
En 2007, une étude montrait que les besoins en énergie du Grand Ouest auraient pu être mieux assurés en consacrant le coût initial de l’EPR (3,3 milliards d’euros) aux économies d’énergie et énergies renouvelables locales. Treize ans après, le coût de l’EPR a explosé, tandis que celui des énergies renouvelables a diminué. Continuer ce gâchis est une perte de temps face à l’urgence climatique. Plutôt que de se fourvoyer dans un tel projet, la France doit en finir avec le nucléaire.
Retrouver le dossier juridique : https://www.sortirdunucleaire.org/Flamanville-EPR-barrage-seconde-prorogation
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