Publié initialement dans la revue Sortir du nucléaire n°101 le 1er avril 2024, mis en ligne le 11 juillet 2024
À l’initiative des représentant·es de la Polynésie, l’Assemblée nationale va rouvrir le débat sur les conséquences des essais nucléaires de la France. Une nécessité, quatorze ans après ce qu’il faut bien nommer un échec de la prise en charge des victimes.
Par tirage au sort, le groupe « Gauche démocrate et républicaine » au sein de la NUPES, dans lequel figure les trois député·es de Polynésie, a déposé en mars 2024 une résolution pour la « création d’une commission d’enquête ».
Le champ de la commission d’enquête se veut volontairement large pour éviter qu’elle se heurte à des blocages administratifs lors de ses investigations, comme l’a souligné la députée polynésienne Mme Mereana Reid Arbelot qui va la présider. Aussi, il intègre la question de la reconnaissance et de la réparation des dégâts sur l’environnement. D’une durée limitée à 6 mois, les travaux de la commission seront de fait principalement axés sur les conséquences sanitaires afin de proposer des améliorations de la loi Morin, notamment en ce qui concerne les maladies transgénérationnelles et les victimes indirectes.
La loi Morin, entrée en vigueur le 5 janvier 2010, est loin de remplir son objectif. Au terme de douze années d’application [1], seulement 2 282 dossiers ont été enregistrés par le Comité d’Indemnisation des Victimes des Essais Nucléaires (CIVEN), dont 814 provenant de résidant·es en Polynésie et 66 en Algérie. Une goutte d’eau par rapport à l’ensemble des personnes affectées par les retombées radioactives des 210 bombes que la France a fait exploser. Seules 875 personnes ont été reconnues comme victimes et indemnisées à ce titre. Une large majorité (567) est métropolitaine. En Polynésie, 307 personnes ont été déclarées victimes et une seule en Algérie, soulignant les inégalités du système mis en place.
Cette commission pose également un problème car elle concerne uniquement la Polynésie française. Or, 17 essais nucléaires se sont déroulés au Sahara. Leurs conséquences sont tout aussi irrémédiables pour les populations et l’environnement. Il ne faudrait pas que les victimes algériennes se retrouvent une nouvelle fois oubliées du fait que leur territoire est devenu indépendant.
Toutefois, la mise en place de cette commission est une avancée dont nous devons nous saisir pour obtenir Vérité et Justice. Mais il faudra se montrer vigilant·es.
Patrice Bouveret, Observatoire des armements
[1] Le dernier rapport annuel d’activité publié porte sur les données de l’année 2022. Il est disponible sur : https://s.42l.fr/gouvernement-civen-rapport-activite-2022