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Tricastin 1 : coup d’envoi des visites décennales et de la séquence "non aux prolongations"
Le samedi 1er juin 2019, une délégation composée de membres de l’association Stop Tricastin, Greenpeace et du Réseau “Sortir du nucléaire“, a remis à EDF le “Trophée de la cuve la plus fissurée“ pour le réacteur numéro 1 (900MW) de la centrale nucléaire du Tricastin (Drôme), exploitée depuis 1980 par l’électricien. Aussi, c’est avec une pointe de dérision que ce jury improvisé s’est mis en tête d’organiser une mini-cérémonie à la manière de la remise des Césars, suivie d’une conférence de presse (presque) officielle. Munie du fameux trophée composé d’une tour de refroidissement et d’un bâtiment réacteur imprimés par une imprimante 3D et recouverts de feuilles d’or (ou pas), la petite équipe a créé la surprise en débarquant devant l’espace “information du public“ de la centrale nucléaire, bien décidée à tourner en ridicule l’attitude de l’exploitant, jugée irresponsable et proche d’une mise en danger de la vie d’autrui.
Guillaume Vermorel de Greenpeace résume au micro de deux journalistes : “Nous sommes ici aujourd’hui pour remettre à EDF le trophée de la cuve la plus fissurée, pour son réacteur numéro 1 de la centrale du Tricastin“. Symbolique, cette action en petit comité avait été imaginée pour alerter sur l’état de délabrement de la cuve du réacteur n°1. Bien que cette pièce soit cruciale pour garantir la sûreté, on sait qu’avec sa vingtaine de fissures, dont la plus longue mesure 11 mm de long, elle est de loin la cuve la plus fissurée du parc électronucléaire français, et que le vieillissement du réacteur aggrave encore son risque de rupture brutale et de facto celui d’un accident nucléaire majeur. Soumis au bombardement neutronique pendant des décennies, cet équipement n’est ni remplaçable ni réparable. En théorie, la cuve doit présenter une qualité impeccable pour éviter tout risque de rupture. Mais la présence de fissures et les effets du vieillissement sont susceptibles de la fragiliser dangereusement. Pire encore, bien que Framatome avait connaissance de l’existence de nombreuses fissures dès la fabrication et malgré le fait qu’EDF assure scruter leurs évolutions, ni l’un ni l’autre n’acceptent de communiquer publiquement les informations sur l’évolution de leur profondeur et leur impact sur la résilience et la résistance du matériau. Dans ces conditions, le pari d’EDF de prolonger la durée de vie de ce réacteur paraît fou, surtout quand on sait qu’initialement, ces réacteurs avaient été conçus pour fonctionner 30 ans avec une marge de sûreté de 10 ans. Impossible donc, d’étirer la durée de vie de ces réacteurs jusqu’à 50 voire 60 ans comme en rêve EDF, sans mécaniquement rogner sur les marge de sûreté et accroître les risques pour les populations. Peu avares en détails, les activistes ont aussi rappelé que l’enceinte de confinement ne résisterait pas à un acte de malveillance comme la chute d’avion de ligne par exemple.
Le même jour, le réacteur n°1 lançait le coup d’envoi de la série des quatrièmes visites décennales du parc des 58 réacteurs français, réalisées par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) afin d’étudier si et dans quelles conditions leur fonctionnement pouvait être prolongé jusqu’à 50 ans. Selon les informations de syndicalistes et de l’association Ma Zone Contrôlée, la nuit précédente, de nombreux sous-traitants étaient déjà sur site et, à 5h00 du matin le 1er juin, la première équipe a pénétré dans le bâtiment réacteur.
En faisant le tour du site, le petit groupe d’activistes a par ailleurs pu apercevoir de nombreux véhicules stationnés sur le parking. Autre observation remarquable : les travaux pour implanter des diesels d’ultime secours (DUS, censés fournir une alimentation électrique si toutes les autres sources venaient à faire défaut) à huit mètres du sol et renforcer leur toit avec un bardage métallique sont encore en cours. Pourtant, ces travaux, issus des prescriptions pour être aux normes post-Fukushima, auraient dû être lancés il y a bien longtemps et étaient censés être achevés en décembre 2018. EDF a mis l’Autorité de sûreté nucléaire devant le fait accompli. Difficile à croire, mais de 2011 à aujourd’hui, en cas de séisme, d’inondation ou d’acte de malveillance, les moyens d’alimentation électrique de secours n’auraient pas tenu le choc et la fusion du cœur aurait pu se produire.
Devant les journalistes, Alain Volle – porte-parole du collectif Stop Tricastin – a rappelé que “non seulement les riverains, mais aussi les travailleurs du nucléaire eux-mêmes sont très inquiets des conditions dans lesquelles ils travaillent“, avant de dénoncer la dangereuse pente prise par l’exploitant vers un “nucléaire low cost“ exclusivement guidé par “la quête au profit“ qui pousse EDF à systématiquement choisir “le moins-disant“ en matière de sûreté et en matière sociale, parce que le moins cher. Faute de compétences et de fonds nécessaires et à cause d’un recours accru à la sous-traitance, EDF paraît plus que jamais en difficulté pour effectuer correctement les lourds travaux du grand carénage, mais aussi les banales opérations de maintenance courantes.
Et Alain Volle de rappeler pourquoi il est indispensable de se mobiliser contre la prolongation du réacteur n°1 de Tricastin : “On ne peut pas laisser passer la prolongation au-delà de 40 ans de ce réacteur fissuré, parce que si l’ASN le valide, comme c’est le plus pourri, bien entendu les autres suivront et seront aussi prolongés.“
Bien vue, cette remarque est une invitation puissante à faire converger les ressources et les énergies dans cette lutte contre la prolongation du Tricastin. Qui plus est, les prochains réacteurs à passer leurs quatrième visite décennale sont autre que Cruas 2, puis Bugey 2, situés dans la même région. Renforçons les liens entre les personnes en lutte pour la fermeture des centrales vieillissantes, afin de concentrer nos forces lors de chaque visite décennale à venir. Convergeons tous au Tricastin pendant les cinq mois de visite décennale restant afin d’aider les groupes locaux à lutter contre la prolongation.
Julien Baldassarra