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Pénuries d’électricité

Risques de pénurie d’électricité : qui est responsable de la crise ?

Publié le 14 décembre 2022



Risques de délestages, de coupures ciblées touchant une partie de la population... Cet hiver, la pénurie d’électricité est une réalité. RTE, qui gère le réseau électrique au niveau national, avertit d’une situation très tendue. Face à cette crise, de nombreuses voix incriminent la guerre en Ukraine, un soutien insuffisant au nucléaire, voire la fermeture de Fessenheim. Mais qu’en est-il vraiment ?

Creative Commons - Marco Verch
Creative Commons - Marco Verch


Une pénurie liée à la situation du parc nucléaire français

Traditionnellement, l’hiver est une période délicate pour le réseau électrique français : la part importante du chauffage électrique, très énergivore, engendre des pics de consommation qui ne peuvent être affrontés qu’en important massivement du courant depuis d’autres pays européens. Cette année, la situation est rendue encore plus compliquée par un phénomène inédit : un nombre record de réacteurs nucléaires, notamment les plus puissants, sont indisponibles. En 2022, la moitié d’entre eux ont dû être arrêtés. Et si des redémarrages progressifs ont eu lieu, ce phénomène risque de perdurer dans le temps. Au 13 décembre, 15 réacteurs sur 56, soit un tiers de la puissance nucléaire installée, sont toujours à l’arrêt. Parmi eux, 12 ne redémarreront pas avant Noël (source : https://nuclear-monitor.fr/)

Disponibilité du parc au 14 décembre (source : https://nuclear-monitor.fr/)

Pourquoi ces arrêts en cette période cruciale ?

  • Quelques-uns sont arrêtés dans le cadre de travaux destinés à prolonger leur durée de fonctionnement, d’autres pour réaliser des opérations de maintenance lourde qui auraient dû avoir lieu pendant la première vague du Covid et ont été décalées.
  • Surtout, une quinzaine sont (effectivement ou potentiellement) concernés par un grave problème de corrosion détecté sur des tuyauteries essentielles pour la sûreté. Ce défaut est très préoccupant car il accroît dangereusement le risque d’une rupture de ces tuyauteries, qui entraînerait un accident nucléaire. À l’heure actuelle, on ne sait pas encore s’il s’agit d’un défaut de conception ou de fabrication. Des examens et travaux de réparation sont toujours en cours. Les réacteurs les plus récents (qui sont aussi les plus puissants) sont les premiers touchés mais l’ensemble du parc doit faire l’objet d’investigations, qui s’étaleront jusqu’en 2025.

Ce ne sont pas les écologistes qui ont saboté le parc nucléaire français pour l’empêcher de fonctionner, mais bien l’industrie nucléaire qui est victime de sa propre vulnérabilité. Depuis des années déjà, l’Autorité de sûreté nucléaire avertissait : les centrales ayant été construites en série, si un défaut générique était un jour détecté, il faudrait alors arrêter un très grand nombre de réacteurs d’un coup.

On n’en fait pas un peu trop avec la sûreté et le principe de précaution ?

Tant EDF que les autorités en charge du contrôle de la sûreté prennent ce problème très au sérieux. Relancer coûte que coûte les réacteurs arrêtés, sans prendre le temps d’investigations approfondies, aboutirait à bâcler les examens et les réparations nécessaires et pourrait avoir des conséquences très graves. Non seulement ces arrêts sont absolument impératifs, mais il serait même nécessaire d’augmenter le niveau d’exigence. Suite à une inspection menée dans l’usine italienne où sont fabriquées certaines tuyauteries de remplacement, l’Autorité de sûreté nucléaire a souligné que les conditions de surveillance et de traçabilité et la qualité des gestes n’était pas au niveau requis pour un problème de cette importance.

"Si Fessenheim n’avait pas été fermée, on n’en serait pas là !" Vraiment ?

Centrale nucléaire de Fessenheim

Crédit : Rémi Stosskopf - Wikimedia Commons - CC BY-SA 3.0 - image modifiée

Fessenheim était la centrale la plus vieille et la moins puissante du parc nucléaire français. À pleine puissance, elle fournissait 1760 MW, soit guère plus de 2% de la production électrique française. C’est une goutte d’eau comparée à la puissance des réacteurs qui font actuellement défaut, soit près de 20 000 MW au 13 décembre.

Quoi qu’en disent certains commentateurs, il n’est plus possible de relancer Fessenheim. Le combustible nucléaire a été évacué et certaines opérations de démantèlement ont déjà commencé.

Par ailleurs, cette fermeture, annoncée en 2012 mais réalisée seulement en 2020, était nécessaire et incontournable du point de vue de la sûreté. Fessenheim avait tout juste dépassé les 40 ans. Elle répondait encore aux normes qui s’appliquent aux réacteurs de plus de 30 ans, mais elle n’aurait certainement pas pu se conformer au référentiel requis pour une prolongation de 10 ans au-delà de 40 ans. En effet, celui-ci exigeait des travaux lourds et très probablement impossibles à réaliser, notamment le renforcement du radier (socle en béton sous la centrale) pour éviter qu’il soit percé en cas d’accident. Particulièrement mince, celui-ci avait fait l’objet d’un petit renforcement en 2012, mais insuffisant pour répondre aux objectifs pour les 40 ans. Ce point n’était pas anodin, la centrale étant construite au-dessus de la plus grande nappe phréatique d’Europe, en zone sismique et en contrebas du Grand Canal d’Alsace. Devant les parlementaires, l’Autorité de sûreté nucléaire a reconnu que la centrale n’aurait pas pu continuer à fonctionner au-delà de 2020 sans enfreindre les normes requises en termes de sûreté. (pour plus d’informations, consulter notre dossier)

"La France a besoin de nouvelles centrales nucléaires pour sortir de cette situation !" Vraiment ?

Même en accélérant au maximum les délais et les procédures pour la construction de nouveaux réacteurs nucléaires (ce qui implique de porter atteinte au droit de l’environnement et de l’urbanisme), de nouveaux réacteurs ne pourraient pas être opérationnels avant 2035-2037, selon un rapport officiel publié en février 2022. En outre, un rapport interne de l’administration, dévoilé par le média Contexte, indiquait que ce délai était très optimiste et que la mise en service d’un premier réacteur, de façon réaliste,ne pourrait pas avoir lieu avant 2040, voire 2043 ou 2045. Autant dire que ces nouveaux réacteurs ne régleraient rien aux problèmes qui se posent cet hiver, ni le suivant ! Et si nous comptons sur ces réacteurs pour l’électricité de demain, nous risquons d’être confronté·es aux mêmes problèmes qu’actuellement à la fin des années 2030.

Chercher à aller plus vite encore ne servirait à rien et entraînerait même des effets pervers. La filière nucléaire française souffre en effet d’un cruel déficit de compétences et de rigueur, au point qu’elle doit faire venir de l’étranger des travailleurs spécialisés pour réparer les réacteurs touchés par la corrosion. Il reste encore des années d’efforts à fournir pour l’ingénierie soit au point pour les projets de nouveaux réacteurs, qui n’existent que sur le papier. Dans ces conditions, pousser pour un démarrage à tout prix et au plus tôt des projets envoie un très mauvais signal, avec le risque que certaines opérations soient bâclées et les problèmes irrésolus mis sous le tapis pour ne pas freiner le calendrier. EDF risquerait donc de voir se répéter les problèmes qu’elle a connus sur le chantier de l’EPR de Flamanville, qui a connu d’innombrables malfaçons et compte actuellement 11 années de retard.

Plusieurs scénarios officiels (RTE, Ademe) et associatifs (négaWatt) le démontrent : nous n’avons pas besoin de nouveaux réacteurs pour atteindre nos objectifs climatiques et énergétiques. Miser sur ce moyen de produire de l’électricité à l’avenir, alors que le 100% renouvelable est possible à terme, représenterait surtout une perte de temps et de ressources qui ne résoudrait pas nos problèmes.

"Les énergies renouvelables ne nous servent à rien !"

Sans le soutien des énergies renouvelables (hydraulique, mais aussi solaire et éolien), la situation actuelle serait encore plus compliquée, imposant de recourir encore plus aux importations et aux énergies fossiles. Même en une période qui n’est ni très venteuse ni très ensoleillée, leur contribution reste décisive.

La part des énergies renouvelables est encore trop peu élevée en France. Cela ne résulte pas de limites techniques, mais bien de décisions politiques : la France est le seul pays d’Europe à avoir raté ses objectifs de développement des énergies renouvelables.

Alors que de nouveaux réacteurs ne produiraient pas d’électricité avant 15 ou 20 ans au mieux, de nouvelles installations renouvelables pourraient être opérationnelles beaucoup plus tôt. Si nous voulons nous sortir de cette situation, c’est la solution sur laquelle miser à moyen terme, tout en faisant le maximum, à court terme, pour économiser l’énergie.

Une pénurie liée à la situation du parc nucléaire français

Traditionnellement, l’hiver est une période délicate pour le réseau électrique français : la part importante du chauffage électrique, très énergivore, engendre des pics de consommation qui ne peuvent être affrontés qu’en important massivement du courant depuis d’autres pays européens. Cette année, la situation est rendue encore plus compliquée par un phénomène inédit : un nombre record de réacteurs nucléaires, notamment les plus puissants, sont indisponibles. En 2022, la moitié d’entre eux ont dû être arrêtés. Et si des redémarrages progressifs ont eu lieu, ce phénomène risque de perdurer dans le temps. Au 13 décembre, 15 réacteurs sur 56, soit un tiers de la puissance nucléaire installée, sont toujours à l’arrêt. Parmi eux, 12 ne redémarreront pas avant Noël (source : https://nuclear-monitor.fr/)

Disponibilité du parc au 14 décembre (source : https://nuclear-monitor.fr/)

Pourquoi ces arrêts en cette période cruciale ?

  • Quelques-uns sont arrêtés dans le cadre de travaux destinés à prolonger leur durée de fonctionnement, d’autres pour réaliser des opérations de maintenance lourde qui auraient dû avoir lieu pendant la première vague du Covid et ont été décalées.
  • Surtout, une quinzaine sont (effectivement ou potentiellement) concernés par un grave problème de corrosion détecté sur des tuyauteries essentielles pour la sûreté. Ce défaut est très préoccupant car il accroît dangereusement le risque d’une rupture de ces tuyauteries, qui entraînerait un accident nucléaire. À l’heure actuelle, on ne sait pas encore s’il s’agit d’un défaut de conception ou de fabrication. Des examens et travaux de réparation sont toujours en cours. Les réacteurs les plus récents (qui sont aussi les plus puissants) sont les premiers touchés mais l’ensemble du parc doit faire l’objet d’investigations, qui s’étaleront jusqu’en 2025.

Ce ne sont pas les écologistes qui ont saboté le parc nucléaire français pour l’empêcher de fonctionner, mais bien l’industrie nucléaire qui est victime de sa propre vulnérabilité. Depuis des années déjà, l’Autorité de sûreté nucléaire avertissait : les centrales ayant été construites en série, si un défaut générique était un jour détecté, il faudrait alors arrêter un très grand nombre de réacteurs d’un coup.

On n’en fait pas un peu trop avec la sûreté et le principe de précaution ?

Tant EDF que les autorités en charge du contrôle de la sûreté prennent ce problème très au sérieux. Relancer coûte que coûte les réacteurs arrêtés, sans prendre le temps d’investigations approfondies, aboutirait à bâcler les examens et les réparations nécessaires et pourrait avoir des conséquences très graves. Non seulement ces arrêts sont absolument impératifs, mais il serait même nécessaire d’augmenter le niveau d’exigence. Suite à une inspection menée dans l’usine italienne où sont fabriquées certaines tuyauteries de remplacement, l’Autorité de sûreté nucléaire a souligné que les conditions de surveillance et de traçabilité et la qualité des gestes n’était pas au niveau requis pour un problème de cette importance.

"Si Fessenheim n’avait pas été fermée, on n’en serait pas là !" Vraiment ?

Centrale nucléaire de Fessenheim

Crédit : Rémi Stosskopf - Wikimedia Commons - CC BY-SA 3.0 - image modifiée

Fessenheim était la centrale la plus vieille et la moins puissante du parc nucléaire français. À pleine puissance, elle fournissait 1760 MW, soit guère plus de 2% de la production électrique française. C’est une goutte d’eau comparée à la puissance des réacteurs qui font actuellement défaut, soit près de 20 000 MW au 13 décembre.

Quoi qu’en disent certains commentateurs, il n’est plus possible de relancer Fessenheim. Le combustible nucléaire a été évacué et certaines opérations de démantèlement ont déjà commencé.

Par ailleurs, cette fermeture, annoncée en 2012 mais réalisée seulement en 2020, était nécessaire et incontournable du point de vue de la sûreté. Fessenheim avait tout juste dépassé les 40 ans. Elle répondait encore aux normes qui s’appliquent aux réacteurs de plus de 30 ans, mais elle n’aurait certainement pas pu se conformer au référentiel requis pour une prolongation de 10 ans au-delà de 40 ans. En effet, celui-ci exigeait des travaux lourds et très probablement impossibles à réaliser, notamment le renforcement du radier (socle en béton sous la centrale) pour éviter qu’il soit percé en cas d’accident. Particulièrement mince, celui-ci avait fait l’objet d’un petit renforcement en 2012, mais insuffisant pour répondre aux objectifs pour les 40 ans. Ce point n’était pas anodin, la centrale étant construite au-dessus de la plus grande nappe phréatique d’Europe, en zone sismique et en contrebas du Grand Canal d’Alsace. Devant les parlementaires, l’Autorité de sûreté nucléaire a reconnu que la centrale n’aurait pas pu continuer à fonctionner au-delà de 2020 sans enfreindre les normes requises en termes de sûreté. (pour plus d’informations, consulter notre dossier)

"La France a besoin de nouvelles centrales nucléaires pour sortir de cette situation !" Vraiment ?

Même en accélérant au maximum les délais et les procédures pour la construction de nouveaux réacteurs nucléaires (ce qui implique de porter atteinte au droit de l’environnement et de l’urbanisme), de nouveaux réacteurs ne pourraient pas être opérationnels avant 2035-2037, selon un rapport officiel publié en février 2022. En outre, un rapport interne de l’administration, dévoilé par le média Contexte, indiquait que ce délai était très optimiste et que la mise en service d’un premier réacteur, de façon réaliste,ne pourrait pas avoir lieu avant 2040, voire 2043 ou 2045. Autant dire que ces nouveaux réacteurs ne régleraient rien aux problèmes qui se posent cet hiver, ni le suivant ! Et si nous comptons sur ces réacteurs pour l’électricité de demain, nous risquons d’être confronté·es aux mêmes problèmes qu’actuellement à la fin des années 2030.

Chercher à aller plus vite encore ne servirait à rien et entraînerait même des effets pervers. La filière nucléaire française souffre en effet d’un cruel déficit de compétences et de rigueur, au point qu’elle doit faire venir de l’étranger des travailleurs spécialisés pour réparer les réacteurs touchés par la corrosion. Il reste encore des années d’efforts à fournir pour l’ingénierie soit au point pour les projets de nouveaux réacteurs, qui n’existent que sur le papier. Dans ces conditions, pousser pour un démarrage à tout prix et au plus tôt des projets envoie un très mauvais signal, avec le risque que certaines opérations soient bâclées et les problèmes irrésolus mis sous le tapis pour ne pas freiner le calendrier. EDF risquerait donc de voir se répéter les problèmes qu’elle a connus sur le chantier de l’EPR de Flamanville, qui a connu d’innombrables malfaçons et compte actuellement 11 années de retard.

Plusieurs scénarios officiels (RTE, Ademe) et associatifs (négaWatt) le démontrent : nous n’avons pas besoin de nouveaux réacteurs pour atteindre nos objectifs climatiques et énergétiques. Miser sur ce moyen de produire de l’électricité à l’avenir, alors que le 100% renouvelable est possible à terme, représenterait surtout une perte de temps et de ressources qui ne résoudrait pas nos problèmes.

"Les énergies renouvelables ne nous servent à rien !"

Sans le soutien des énergies renouvelables (hydraulique, mais aussi solaire et éolien), la situation actuelle serait encore plus compliquée, imposant de recourir encore plus aux importations et aux énergies fossiles. Même en une période qui n’est ni très venteuse ni très ensoleillée, leur contribution reste décisive.

La part des énergies renouvelables est encore trop peu élevée en France. Cela ne résulte pas de limites techniques, mais bien de décisions politiques : la France est le seul pays d’Europe à avoir raté ses objectifs de développement des énergies renouvelables.

Alors que de nouveaux réacteurs ne produiraient pas d’électricité avant 15 ou 20 ans au mieux, de nouvelles installations renouvelables pourraient être opérationnelles beaucoup plus tôt. Si nous voulons nous sortir de cette situation, c’est la solution sur laquelle miser à moyen terme, tout en faisant le maximum, à court terme, pour économiser l’énergie.



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