Cette enquête publique s’est achevée alors que les nombreux manquements du projet Cigéo, exprimés tant par les opposant·es que par des organismes plus officiels, apparaissent plus criants que jamais. Aux très nombreux points de réserve soulevés par l’Autorité environnementale [1], l’Andra n’a apporté que des réponses lacunaires, voire pas du tout, renvoyant à une évolution ultérieure de l’étude d’impact à l’occasion de la phase de demande d’autorisation de création.
Si un raisonnement de bon sens avait été suivi, les problèmes pointés par l’Autorité environnementale auraient dû déboucher sur un avis négatif, voire sur un report de la procédure de déclaration d’utilité publique, la prudence imposant de ne pas se précipiter tête baissée dans un projet qui n’est pas mature et ne le sera probablement jamais. Et ce d’autant plus qu’il n’existe aucune urgence imminente à enfouir ces déchets.
Les commissaires enquêteurs, reprenant totalement à leur compte la stratégie de l’Andra se sont contentés de renvoyer toutes les réponses aux interrogations majeures posées par l’Autorité Environnementale et par une grande partie de la société civile, à l’échéance de la procédure de demande d’autorisation de création. Sachant que celle-ci est censée advenir très vite, il est parfaitement illusoire d’imaginer que des réponses seront apportées d’ici là.
Pourtant, comme le fait remarquer la coordination Stop-Cigéo [2], "le lifting paysager recommandé par la commission d’enquête est aux antipodes des interrogations légitimes et récurrentes de la population. Cigéo ne mettrait pas en péril des "paysages" mais bel et bien tout un bassin de vie : fragilisation des ressources naturelles et de l’économie locale, impacts sans retour sur la biodiversité, sans parler du risque quotidien apporté par un chantier phénoménal et la proximité d’une méga-poubelle atomique.
En bottant ainsi en touche, ce rapport dévoile la logique absurde qui présidait à cet exercice. Il ne s’agissait pas d’examiner dans quelle mesure le projet offrait les garanties permettant qu’il soit déclaré d’utilité publique. Au contraire : au nom de la nécessité de gérer les déchets existants et de la volonté des autorités de faire perdurer le nucléaire, Cigéo, seule option laissée sur la table, a été d’emblée postulé comme étant d’utilité publique ; et ce, quels que soient les zones d’ombres, les points noirs, et même les doutes sur le caractère réalisable ou non du projet au regard des moyens disponibles ! Il aura clairement manqué au public une information suffisante pour exprimer un avis en toute connaissance de cause.
Accorder ainsi un blanc-seing pour poursuivre à tout prix cette fuite en avant et l’imposer aux populations est lourdement irresponsable. Le décret d’utilité publique qui devrait être bientôt publié permettra donc d’exproprier des personnes pour forcer la réalisation d’un projet aussi inabouti que dangereux, et dont la première phase risque à elle seule d’engloutir la majeure partie des provisions constituées pour la gestion des déchets radioactifs. Il ne resterait alors plus grand-chose pour financer un plan B si, comme cela risque d’être le cas, les défauts de Cigéo s’avéraient insurmontables.
Nous nous insurgeons contre une procédure vidée de son sens, et nous affirmons d’ores et déjà notre détermination à attaquer en justice le décret d’utilité publique, dont la publication est imminente. Aux côtés des associations et collectifs locaux, nous appelons à faire barrage à ce projet insensé, et nous rappelons l’impérieuse nécessité de tarir la production de ces déchets radioactifs ingérables.