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Fukushima, suivi de la catastrophe - Archives 2011-2015

Le rejet d’eau contaminée du mois d’avril doit être classé au niveau 5 ou 6 de l’échelle INES selon l’Acro

Article publié le 9 août 2013



Jeudi 8 août, l’Acro (association de contrôle de la radioactivité dans l’ouest) fait le point sur la situation. TEPCo a estimé à 520 m3 d’eau très radioactive le rejet d’avril. Selon l’association ce seul rejet devrait être classé au niveau 5 ou 6 de l’échelle internationale INES.



Nous reprenons ici l’article publié sur le site de l’acro

Point sur la situation de l’eau contaminée à Fukushima

ACRO, le 8 août 2013

La catastrophe de Fukushima a déjà provoqué la plus forte pollution radioactive marine de l’histoire. C’était en avril 2011, l’eau contaminée du réacteur n°2 se déversait dans la mer via une galerie souterraine qui débordait. En mai 2011, ce fut le tour du réacteur n°3.

TEPCo a estimé à 520 m3 d’eau très radioactive, soit 4 700 térabecquerels (1 terabecquerel représente un million de millions de becquerels) ou 20 000 fois l’autorisation de rejet annuel la fuite d’avril. Plus précisément, il y avait 2 800 terabecquerels d’iode-131, 940 térabecquerels de césium 134 et autant de césium 137. Ce seul rejet mériterait d’être classé au niveau 5 ou 6 de l’échelle internationale INES. L’IRSN avait estimé que c’était 20 fois plus.

Pour refroidir les combustibles fondus TEPCo injecte en continu de l’eau dans les réacteurs. Si elle s’arrête, les combustibles se remettent à chauffer et des gaz radioactifs peuvent être émis. Cette eau se contamine et s’écoule dans les sous-sols des bâtiments réacteurs et dans tout un enchevêtrement de galeries souterraines. Les bâtiments turbine voisins sont aussi inondés.

Au début, TEPCo arrosait sans trop se préoccuper du devenir de l’eau. Des ouvriers mal protégés ont pataugé dans une flaque fortement contaminée, entraînant la plus forte dose reçue à ce jour. Et puis les niveaux ont commencé à monter et l’eau a débordé dans la mer. Une course contre la montre s’est alors engagée : colmater tant bien que mal la fuite pour arrêter le déversement en mer et pomper l’eau des sous-sols, la traiter et la réinjecter.

L’océan a aussi reçu 80% des rejets aériens, encore plus massifs.

Des chercheurs de la Japan Agency for Marine Earth Science and Technology ont prélevé du plancton en 10 points du Pacifique au large de la centrale de Fukushima, de Hokkaïdô à Guam, et ont trouvé une contamination systématique en césium 134 et 137. La contamination la plus élevée en césium 134 est de 8,2 à 10,5 Bq/kg et la plus basse, de 1,9 Bq/kg. Il faut ajouter le césium 137 : 14,9 Bq/kg pour l’échantillon le plus contaminé. Les échantillons ont été prélevés moins d’un an après la catastrophe, en janvier-février 2012, de 500 à 2 100 km de la centrale.

Une pollution marine persistante

Presque deux et demi plus tard, l’océan reste fortement contaminé sur de centaines de kilomètres, malgré la présence de forts courants marins (voir les dernières données officielles concernant les sédiments marins et l’eau de mer). L’eau de pluie lessive les sols avant de se retrouver dans les rivières et se rejeter en mer et contribue elle aussi à la pollution marine. C’est particulièrement flagrant dans la baie de Tôkyô, où l’eau de mer est aussi contaminée qu’à quelques dizaines de kilomètres de la centrale. Des chercheurs ont aussi découvert des points chauds dans des dépressions où la contamination en césium peut être 5 fois plus élevée que dans les environs immédiats ou à l’embouchure des fleuves. Les sédiments de l’embouchure de l’Abukuma, située à Miyagi à 70 km de la centrale, y sont plus de deux fois plus contaminés que dans les environs.

Toute la faune des fonds marins se contamine au contact des sédiments. Puis, cela remonte la chaîne alimentaire. Une partie des ressources halieutiques est donc touchée et les pêcheurs n’en peuvent plus d’attendre de pouvoir reprendre leurs activités. Un bar avec plus de 1 000 Bq de césium par kilogramme a été pêché récemment au large d’Ibaraki, province limitrophe, au Sud de Fukushima. C’est plus de 10 fois la limite fixée par les autorités.

Mais à proximité de la centrale, la situation est toute autre : aussi bien l’eau que les sédiments sont contaminés à des niveaux beaucoup plus élevés qu’au large. Les poissons qui vivent dans le port devant la centrale et y sont piégés par les filets mis en place par TEPCo peuvent atteindre des centaines de milliers de becquerels par kilogramme pour le césium. Pour l’ACRO et pour de nombreux experts, c’est le signe que les fuites ne se sont jamais arrêtées, même si les niveaux ne sont pas comparables à ceux d’avril 2011. Des publications scientifiques tentent d’en estimer l’ampleur.

La présence de tritium dans l’eau de mer au pied de la centrale est aussi une preuve indéniable que cela fuit. Le tritium, hydrogène radioactif, ne s’accumule pas dans les sédiments, contrairement au césium, et se disperse rapidement. Il n’est pas apporté par les rivières. La seule origine possible est la centrale. Et les données ne manquent pas.

Mais TEPCo a toujours nié que la centrale de Fukushima daï-ichi continue à fuir en mer et les autorités japonaises ne l’ont pas contredite.

L’eau contaminée, le cauchemar de TEPCo

Au printemps 2011, pour éviter de nouveaux débordements vers la mer, TEPCo a fait mettre en place, dans l’urgence, une station de traitement des eaux contaminées des sous-sols des bâtiments réacteur. Elle ne retire essentiellement qu’une partie du césium et le sel. Cette station a connu de nombreux déboires au début, puis elle a été remplacée par des unités plus durables. L’eau traitée est ensuite réinjectée pour refroidir les réacteurs. TEPCo parle de « circuit fermé ».

L’eau des sous-sols des réacteurs est très contaminée : 5,4 millions de Bq/l pour les deux césiums dans le réacteur n°1 et 53 millions de Bq/l dans le réacteur n°2 (prélèvement du 22 mai 2013). Les niveaux sont similaires dans d’autres bâtiments. A la sortie de l’installation de traitement des eaux, il reste du césium 137, jusqu’à 2 700 Bq/L au niveau de l’unité de désalinisation. Il y a d’autres éléments radioactifs, comme de l’antimoine 125 ou du tritium. La contamination bêta totale y atteint encore presque 100 millions de Bq/l.

Mais la compagnie s’est rapidement aperçue que le compte n’y était pas : 400 m3 d’eau souterraine pénètre chaque jour dans les sous-sols et vient se mélanger à l’eau qui s’est contaminée au contact des combustibles qui ne sont plus protégés par une gaine métallique. La compagnie doit donc pomper ces 400 m3 quotidiennement en plus des 300 m3 qu’elle injecte pour refroidir les réacteur. Ainsi, jours après jours, ces 400 m3 s’accumulent et TEPCo ne sait plus où mettre les cuves de stockage.

Fin mars 2013, TEPCo estimait à 76 000 m3 la quantité d’eau contaminée dans les sous-sols des réacteurs 1 à 4. Il y avait 40 000 autres mètres cubes ailleurs. A cela s’ajoutait l’eau des 930 cuves, avec plus de 260 000 m3.

Au 7 mai, il y avait 290 000 m3 d’eau contaminée dans 940 cuves, plus environ 94 500 m3 dans les sous-sols. TEPCo veut atteindre une capacité de stockage de 700 000 m3 d’ici 2015, mais ne sait pas encore où elle va mettre les cuves.

A tout cela s’ajoutent les boues de traitement qui constituent des déchets très radioactifs à vie longue sans solution.

Le dernier bilan disponible est ici.

Par manque de place, TEPCo a aussi installé des réservoirs souterrains sous la ligne à haute tension qui empêche d’y mettre des cuves. Mais ils ont rapidement fui et elle a dû les vider. Les capacités de stockage sont tout juste suffisantes. En cas de grave problème sur des cuves, TEPCo n’a pas de solution de secours.

En faillite, la compagnie choisit toujours la solution la moins onéreuse. Cela lui a été fatal avec les réservoirs. Les premières cuves, 280 en tout, sont considérées comme "temporaires" car elles ne peuvent être utilisées que pendant 5 ans. TEPCo devra commencer à les remplacer au printemps 2016 si elles tiennent bien comme prévu.

Dans un tel contexte, l’eau contenue dans les sous-sols, les différentes tranchées et galeries souterraines constituent pour la compagnie un stockage gratuit auquel elle ne veut pas toucher. Admettre que cela fuit l’obligerait à pomper et à ajouter des cuves… Pourtant, les nappes phréatiques sont en contact direct avec les sous-sols puisque l’eau y pénètre. Comment penser que les échanges ne se font pas dans les deux sens et que les nappes ne se contaminent pas ?

Des solutions inadaptées

Pour faire face à la situation, TEPCo a envisagé plusieurs pistes. Elle a fait développer une station de traitement des eaux contaminées beaucoup plus performante que celle utilisée actuellement. Répondant au doux nom de "Alps", elle devrait retirer 62 radioéléments, contre deux actuellement (voir le document de présentation). Avec trois lignes pouvant traiter chacune 250 m3 par jour, elle espère pouvoir faire face à la situation. Mais, prévue initialement pour septembre 2012, l’installation n’est toujours pas fonctionnelle. Après quelques mois de test, la corrosion a entraîné des fuites minimes et, en juillet 2013, elle a dû être suspendue. Toujours du pas cher… et un nouveau report de 4 mois.

Cette station ne retirera pas tout et la contamination en tritium de l’eau traitée, de l’ordre de 1 à 5 millions de becquerels par litre, dépasse les autorisations de rejet fixées à 60 000 Bq/L. TEPCo veut donc diluer l’eau avant de la rejeter en mer... Obtiendra-t-elle les autorisations ?

La compagnie a aussi imaginé pomper l’eau souterraine en amont des réacteurs, avant qu’elle soit contaminée, pour la rejeter en mer. Elle espérait ainsi diminuer de 100 m3 par jour la quantité d’eau qui pénètre dans les réacteurs. Toujours cela de pris.

Lors d’un contrôle, TEPCo a mesuré du césium dans cette eau en amont, mais pas plus que ce l’on trouve dans l’eau des rivières. Les pêcheurs se sont opposés au rejet en mer et la situation est bloquée. Ils n’ont pas confiance en TEPCo, ce qui est compréhensible et légitime. D’autant plus que TEPCo s’y est reprise à trois fois avant de sortir un chiffre fiable. Pourquoi ne pas demander à un laboratoire tiers choisi par les coopératives de pêche de faire les contrôles dans les cuves tampon avant rejet en mer ? Que fait le politique à ce propos ? C’est pourtant son rôle. Un tel blocage aggrave les risques pour l’environnement.

Elle aussi commencé à injecter du silicate de sodium, ou verre liquide, dans le sol entre les réacteurs et la mer pour éviter les fuites en mer, pourtant officiellement inexistantes… En forant et en mesurant la contamination de l’eau souterraine, elle a découvert une contamination radioactive plus grave qu’imaginé.

Du déni à la reconnaissance officielle des fuites

Finalement, le 19 juin 2013, TEPCo a annoncé avoir détecté une très forte pollution radioactive dans un puits de forage situé à seulement 27 m du rivage. La contamination de la mer était inchangée. La compagnie a ensuite foré des puits supplémentaires à proximité. Les prélèvements dataient du 24 mai dernier et le résultat tritium du 31 mai, mais les résultats n’ont été rendus publics que 3 semaines plus tard. TEPCo reste TEPCo... et explique que la mesure du strontium prend du temps. C’est vrai, mais rien ne l’empêchait de donner les autres résultats plus tôt.

Dans ce puits, il y avait 1 000 Bq/L de strontium-90, particulièrement radio-toxique, ce qui ne manque pas d’inquiéter. Il y a aussi 500 000 Bq/l de tritium. Les données sont ici en anglais. On trouve aussi du ruthénium, en moindre quantité.

Les autres puits ont montré une contamination systématique de l’eau souterraine entre les réacteurs et la mer. Une surveillance plus serrée de l’eau de mer fait aussi apparaître une contamination en tritium qui monte jusqu’à 3 100 Bq/l. Bref, difficile alors de nier les fuites en mer… mais il faudra encore attendre un mois à TEPCo pour l’admettre.

Le 21 juin 2013, TEPCo publie un graphe, où l’on voit que la contamination de l’eau de mer en tritium dans le port dépasse les 100 Bq/l depuis le début de la catastrophe. En 2011, lors de la forte fuite en mer, la contamination était beaucoup plus élevée. On voit aussi une augmentation récente. Cela signifie que les fuites ont toujours existé ! Quant à la dernière mesure en strontium 90 dans l’eau de mer indiquée sur ce même document, elle date de novembre 2012 ! Cet élément est pourtant très radiotoxique.

Le 27 juin, la NRA, la nouvelle autorité de sûreté nucléaire mise en place en septembre 2012, reconnaît enfin qu’elle suspecte fortement des fuites en mer depuis les réacteurs inondés. Et d’ajouter qu’il est dangereux de supposer que l’eau ne fuit pas.

Mais, il faudra attendre le 22 juillet, lendemain des élections sénatoriale, pour que TEPCo finisse par avouer, du bout des lèvres, qu’il y a bien des fuites en mer. Elle est arrivée à cette conclusion parce que la hauteur d’eau dans les nappes varie avec les marées et les précipitations. Mais rassurez-vous, la pollution reste dans la baie, selon TEPCo, et ne va pas au large ! «  Les données sur l’eau de mer ne montrent pas d’augmentation anormale des taux de radioactivité  ». Il y a juste une pollution marine "normale"... Son document d’analyse, traduit en anglais, est disponible en ligne.

La variation des nappes phréatiques avec la marée prouve qu’il y a bien un contact entre l’eau souterraine contaminée et la mer. Ce fait est connu de TEPCo depuis janvier 2013, mais l’information n’est pas parvenue immédiatement au département environnement…

Le 26 juillet devant le tollé provoqué par son attitude, TEPCo reconnaît une « erreur de communication ». Elle ne voulait pas alarmer le public avec des hypothèses non confirmées…

Est-ce bien qu’une erreur de communication ?

Solutions inadaptées

Pour TEPCo, c’est la galerie souterraine, emplie d’eau contaminée, qui avait fui en avril 2011, qui fuit à nouveau, car le fond est en gravier. Cela ne vient pas des réacteurs…

L’eau de cette tranchée contient, entre autres, 750 millions de becquerels de césium 134 par litre, 1,6 milliard de becquerels de césium 137 par litre et 8,7 millions de becquerels de tritium par litre. Les résultats sont ici en anglais. Elle fait 5 000 m3. Il y aurait 6 000 m3 dans une autre tranchée voisine liée au réacteur n°3.

TEPCo a donc accéléré les travaux pour finir au plus vite sa barrière souterraine entre les réacteurs et la mer. Les ouvriers travaillent de nuit, à cause de la chaleur, dans des conditions très difficiles. Elle a organisé un voyage de presse pour montrer combien elle réagissait vite et bien… Elle compte aussi pomper l’eau de la tranchée, d’ici la fin août.

Mais on n’arrête pas un écoulement ! L’eau va contourner la barrière et rejaillir ailleurs. Cela ne fait que déplacer le problème. Pourquoi les autorités laissent faire ? De facto, le niveau de la nappe a commencé à monter (voir page 19 de ce document) et comme la barrière souterraine s’arrête à 1,8 m du niveau du sol, l’eau va passer par dessus. La pollution souterraine se déplace aussi. La contamination dans un puits, situé à 100 du bâtiment turbine du réacteur n°2 et à 55 m de la mer, a aussi soudainement augmenté.

Dans le puits 1-5, TEPCo a mesuré 310 Bq/l pour le césium 134 alors qu’il y avait 21 Bq/l la semaine précédente. Pour le césium 137, c’est passé de 44 Bq/l à 650 Bq/l. Quant à la contamination bêta totale, elle est passée de 1 200 Bq/l à 56 000 Bq/l.

TEPCo ne serait-elle pas en train d’aggraver les choses ?

L’autorité de sûreté nucléaire japonaise a ordonné à TEPCo de vider rapidement la tranchée mise en cause. Mais l’eau va revenir. Après la fuite massive en mer d’avril 2011, TEPCo avait déclaré qu’elle allait sceller le passage entre le bâtiment turbine et des galeries souterraines afin de prévenir toute nouvelle fuite. C’est même écrit noir sur blanc dans feuille de route datée du 17 avril 2011. Mais elle n’a rien fait, comme l’a découvert l’Asahi. TEPCo n’a commencé les études qu’après avoir « découvert » les fuites. C’est donc trop tard, et la compagnie met en avant des difficultés techniques comme pour se justifier.

De fait, l’eau contenue dans cette tranchée est stratifiée : il y a plus de pollution au fond que près de la surface. Pour le césium, qui s’amalgame aux particules fines, cela se comprend, mais pas pour le tritium qui reste liée à la molécule d’eau. Le fait qu’il y moins de tritium dans la partie haute, peut s’expliquer par le fait que l’eau y circule, contrairement à la partie la plus profonde. Ce qui signifierait que pomper, ne servirait à pas grand chose… « Il vaut mieux pomper même s’il ne se passe rien que de risquer qu’il se passe quelque chose de pire en ne pompant pas », disent les shadoks.

Un problème sans fin

Lors de la première réunion entre TEPCo et le groupe de travail ad-hoc mis en place par les autorités à propos des fuites en mer, la compagnie a dit que la quantité totale de tritium rejeté depuis mai 2011 est comprise entre 20 000 et 40 000 milliards de becquerels (20 et 40 TBq). Il est difficile d’évaluer une fuite souterraine et TEPCo ne donne pas d’explication. Ce chiffre est peut-être farfelu. C’est beaucoup moins que ce rejette annuellement l’usine AREVA La Hague. C’est aussi beaucoup que ce qui est prévu pour l’usine de "retraitement" de Rokkashô si elle est mise en service un jour. Mais c’est 10 à 100 fois plus qu’une centrale nucléaire en fonctionnement normal. TEPCo ne donne pas d’évaluation pour le césium et le strontium qui ont fui. Pourquoi ?

TEPCo estime à 50 GBq (50 milliards de becquerels) la quantité de tritium rejetée quotidiennement, ce qui correspond, comme par hasard, à la limite d’autorisation de rejet en temps normal. Elle ne donne pas de chiffres pour les autres radioélements.

Le gouvernement japonais, quant à lui, a estimé, à la louche, que 300 m3 d’eau contaminée fuient quotidiennement vers l’océan. Pour cela, il part du fait que 1 000 m3 d’eau souterraine transitent quotidiennement sous la centrale. On sait que 400 m3 pénètrent dans les sous-sols des réacteurs et sont pompés par TEPCo, qui voit sont stock augmenter jour après jour. Sur les 600 m3 restant, la moitié devrait aller dans la mer sans être contaminée et le reste le serait. Il reconnaît ainsi que la galerie du réacteur n°2 n’est pas la seule en cause et que les fuites peuvent venir de partout ! Le ministre a aussi déclaré que l’on ne pouvait pas exclure que les fuites en mer aient commencé dès les premiers jours de l’accident. Effectivement.

Le gouvernement va financer la mise en place d’une autre solution et le ministre prétend que la fuite d’eau radioactive en mer passera à 60 m3/j environ et qu’il ne sera pas possible de faire mieux. Le projet retenu, dont il avait déjà été question en mai 2013, est de geler le sol tout autour des quatre réacteurs accidentés pour empêcher l’eau d’entrer et de sortir. Il s’agit d’une technologie onéreuse, qui est utilisée temporairement pour creuser des tunnels de métro par exemple. Qu’en est-il à long terme sur une longueur de 1,4 km et une profondeur de 30 m ? Quelle énergie cela va consommer ? Evidemment, certaines compagnies se frottent déjà les mains... L’idée a été proposée par Kajima, une des majors du BTP, qui estime le projet à 30 à 40 milliards de yens (300 millions d’euros). Le gouvernement veut montrer qu’il agit, mais rien n’est décidé pour le moment. On n’en est qu’aux annonces suite à une crise. L’autorité de sûreté, quant à elle, attend de voir. C’est la première fois depuis le début de la catastrophe que le gouvernement s’engage et engage l’argent public ainsi.

En reconnaissant officiellement les fuites, le gouvernement prépare aussi l’opinion à la suite : des rejets en mer contrôlés, qualifiés d’inévitables par l’autorité de sûreté nucléaire japonaise.

Conclusion

Peut-on conclure ? Le fait que la centrale fuit en mer est une évidence depuis longtemps. TEPCo a refusé de voir l’évidence car elle n’a pas de solution et ses finances sont à sec. Ce stockage souterrain dans les galeries, tranchées etc est bien pratique car il permet de faire des économies de cuves. Alors, pas vu, pas pris. Quand l’ampleur des fuites a changé, TEPCo a dû se résigner à admettre les faits. Mais c’est trop tard pour agir, elle aurait dû le faire avant.

Cette pollution va venir s’ajouter aux rejets passés, retardant d’autant tout espoir de voir renaître les activités marines.

TEPCo qui, par le passé, n’avait pas hésité à falsifier des rapports de sûreté, reste TEPCo. Ces explications sur ses erreurs de communication ne sont pas recevables. Quand de la vapeur d’eau s’échappant du réacteur n°3 a été récemment découverte, TEPCo a immédiatement dit que c’était la pluie. Elle n’a pas attendu d’être sûre d’elle. Or ce n’était pas la pluie… Elle a reconnu par la suite qu’elle injecte 16 m3/h d’azote et qu’elle n’en récupère que 13 m3/h. Les 3 m3/h restant s’échappent par elle ne sait où. Et ces gaz sont radioactifs. (Voir page 11 de ce document en japonais).

Le rejet atmosphérique pour les trois réacteurs est de l’ordre de 10 millions de Bq/h (10 MBq/h). C’est ici en japonais. Il doit ne s’agir que du césium. Si l’on multiplie 24 h et 365 j, on arrive à presque 88 milliards de Bq/an (88 GBq/an). C’est beaucoup plus que les rejets aériens d’une centrale nucléaire en fonctionnement normal et même que les rejets aériens en césium de l’usine de retraitement de La Hague. Les graphes montrent que ces rejets sont stables depuis un an. TEPCo évalue l’impact sanitaire à la bordure du site à 0,03 mSv/an. Il n’est pas dit comment ils ont fait le calcul. C’est moins que ce qui dû à la contamination des sols au même endroit, mais ce serait jamais accepté pour une centrale en fonctionnement normal.

Le pire est peut-être devant nous. En cas de grave problème dans le stockage de l’eau contaminée, suite à un séisme par exemple, ce sera une nouvelle fuite majeure. La situation à la centrale reste très fragile : on se souvient qu’un rat a fait disjoncter 9 installations.

Mais TEPCo reste optimiste. Elle a publié une nouvelle version de sa feuille de route qui prévoit le retrait du corium (combustible fondu) à partir de 2020 pour les réacteurs 1 et 2, et 2021 pour le 3. C’est 18 mois plus tôt que pour la précédente feuille de route. On ne sait pas encore quel jour...

Nous reprenons ici l’article publié sur le site de l’acro

Point sur la situation de l’eau contaminée à Fukushima

ACRO, le 8 août 2013

La catastrophe de Fukushima a déjà provoqué la plus forte pollution radioactive marine de l’histoire. C’était en avril 2011, l’eau contaminée du réacteur n°2 se déversait dans la mer via une galerie souterraine qui débordait. En mai 2011, ce fut le tour du réacteur n°3.

TEPCo a estimé à 520 m3 d’eau très radioactive, soit 4 700 térabecquerels (1 terabecquerel représente un million de millions de becquerels) ou 20 000 fois l’autorisation de rejet annuel la fuite d’avril. Plus précisément, il y avait 2 800 terabecquerels d’iode-131, 940 térabecquerels de césium 134 et autant de césium 137. Ce seul rejet mériterait d’être classé au niveau 5 ou 6 de l’échelle internationale INES. L’IRSN avait estimé que c’était 20 fois plus.

Pour refroidir les combustibles fondus TEPCo injecte en continu de l’eau dans les réacteurs. Si elle s’arrête, les combustibles se remettent à chauffer et des gaz radioactifs peuvent être émis. Cette eau se contamine et s’écoule dans les sous-sols des bâtiments réacteurs et dans tout un enchevêtrement de galeries souterraines. Les bâtiments turbine voisins sont aussi inondés.

Au début, TEPCo arrosait sans trop se préoccuper du devenir de l’eau. Des ouvriers mal protégés ont pataugé dans une flaque fortement contaminée, entraînant la plus forte dose reçue à ce jour. Et puis les niveaux ont commencé à monter et l’eau a débordé dans la mer. Une course contre la montre s’est alors engagée : colmater tant bien que mal la fuite pour arrêter le déversement en mer et pomper l’eau des sous-sols, la traiter et la réinjecter.

L’océan a aussi reçu 80% des rejets aériens, encore plus massifs.

Des chercheurs de la Japan Agency for Marine Earth Science and Technology ont prélevé du plancton en 10 points du Pacifique au large de la centrale de Fukushima, de Hokkaïdô à Guam, et ont trouvé une contamination systématique en césium 134 et 137. La contamination la plus élevée en césium 134 est de 8,2 à 10,5 Bq/kg et la plus basse, de 1,9 Bq/kg. Il faut ajouter le césium 137 : 14,9 Bq/kg pour l’échantillon le plus contaminé. Les échantillons ont été prélevés moins d’un an après la catastrophe, en janvier-février 2012, de 500 à 2 100 km de la centrale.

Une pollution marine persistante

Presque deux et demi plus tard, l’océan reste fortement contaminé sur de centaines de kilomètres, malgré la présence de forts courants marins (voir les dernières données officielles concernant les sédiments marins et l’eau de mer). L’eau de pluie lessive les sols avant de se retrouver dans les rivières et se rejeter en mer et contribue elle aussi à la pollution marine. C’est particulièrement flagrant dans la baie de Tôkyô, où l’eau de mer est aussi contaminée qu’à quelques dizaines de kilomètres de la centrale. Des chercheurs ont aussi découvert des points chauds dans des dépressions où la contamination en césium peut être 5 fois plus élevée que dans les environs immédiats ou à l’embouchure des fleuves. Les sédiments de l’embouchure de l’Abukuma, située à Miyagi à 70 km de la centrale, y sont plus de deux fois plus contaminés que dans les environs.

Toute la faune des fonds marins se contamine au contact des sédiments. Puis, cela remonte la chaîne alimentaire. Une partie des ressources halieutiques est donc touchée et les pêcheurs n’en peuvent plus d’attendre de pouvoir reprendre leurs activités. Un bar avec plus de 1 000 Bq de césium par kilogramme a été pêché récemment au large d’Ibaraki, province limitrophe, au Sud de Fukushima. C’est plus de 10 fois la limite fixée par les autorités.

Mais à proximité de la centrale, la situation est toute autre : aussi bien l’eau que les sédiments sont contaminés à des niveaux beaucoup plus élevés qu’au large. Les poissons qui vivent dans le port devant la centrale et y sont piégés par les filets mis en place par TEPCo peuvent atteindre des centaines de milliers de becquerels par kilogramme pour le césium. Pour l’ACRO et pour de nombreux experts, c’est le signe que les fuites ne se sont jamais arrêtées, même si les niveaux ne sont pas comparables à ceux d’avril 2011. Des publications scientifiques tentent d’en estimer l’ampleur.

La présence de tritium dans l’eau de mer au pied de la centrale est aussi une preuve indéniable que cela fuit. Le tritium, hydrogène radioactif, ne s’accumule pas dans les sédiments, contrairement au césium, et se disperse rapidement. Il n’est pas apporté par les rivières. La seule origine possible est la centrale. Et les données ne manquent pas.

Mais TEPCo a toujours nié que la centrale de Fukushima daï-ichi continue à fuir en mer et les autorités japonaises ne l’ont pas contredite.

L’eau contaminée, le cauchemar de TEPCo

Au printemps 2011, pour éviter de nouveaux débordements vers la mer, TEPCo a fait mettre en place, dans l’urgence, une station de traitement des eaux contaminées des sous-sols des bâtiments réacteur. Elle ne retire essentiellement qu’une partie du césium et le sel. Cette station a connu de nombreux déboires au début, puis elle a été remplacée par des unités plus durables. L’eau traitée est ensuite réinjectée pour refroidir les réacteurs. TEPCo parle de « circuit fermé ».

L’eau des sous-sols des réacteurs est très contaminée : 5,4 millions de Bq/l pour les deux césiums dans le réacteur n°1 et 53 millions de Bq/l dans le réacteur n°2 (prélèvement du 22 mai 2013). Les niveaux sont similaires dans d’autres bâtiments. A la sortie de l’installation de traitement des eaux, il reste du césium 137, jusqu’à 2 700 Bq/L au niveau de l’unité de désalinisation. Il y a d’autres éléments radioactifs, comme de l’antimoine 125 ou du tritium. La contamination bêta totale y atteint encore presque 100 millions de Bq/l.

Mais la compagnie s’est rapidement aperçue que le compte n’y était pas : 400 m3 d’eau souterraine pénètre chaque jour dans les sous-sols et vient se mélanger à l’eau qui s’est contaminée au contact des combustibles qui ne sont plus protégés par une gaine métallique. La compagnie doit donc pomper ces 400 m3 quotidiennement en plus des 300 m3 qu’elle injecte pour refroidir les réacteur. Ainsi, jours après jours, ces 400 m3 s’accumulent et TEPCo ne sait plus où mettre les cuves de stockage.

Fin mars 2013, TEPCo estimait à 76 000 m3 la quantité d’eau contaminée dans les sous-sols des réacteurs 1 à 4. Il y avait 40 000 autres mètres cubes ailleurs. A cela s’ajoutait l’eau des 930 cuves, avec plus de 260 000 m3.

Au 7 mai, il y avait 290 000 m3 d’eau contaminée dans 940 cuves, plus environ 94 500 m3 dans les sous-sols. TEPCo veut atteindre une capacité de stockage de 700 000 m3 d’ici 2015, mais ne sait pas encore où elle va mettre les cuves.

A tout cela s’ajoutent les boues de traitement qui constituent des déchets très radioactifs à vie longue sans solution.

Le dernier bilan disponible est ici.

Par manque de place, TEPCo a aussi installé des réservoirs souterrains sous la ligne à haute tension qui empêche d’y mettre des cuves. Mais ils ont rapidement fui et elle a dû les vider. Les capacités de stockage sont tout juste suffisantes. En cas de grave problème sur des cuves, TEPCo n’a pas de solution de secours.

En faillite, la compagnie choisit toujours la solution la moins onéreuse. Cela lui a été fatal avec les réservoirs. Les premières cuves, 280 en tout, sont considérées comme "temporaires" car elles ne peuvent être utilisées que pendant 5 ans. TEPCo devra commencer à les remplacer au printemps 2016 si elles tiennent bien comme prévu.

Dans un tel contexte, l’eau contenue dans les sous-sols, les différentes tranchées et galeries souterraines constituent pour la compagnie un stockage gratuit auquel elle ne veut pas toucher. Admettre que cela fuit l’obligerait à pomper et à ajouter des cuves… Pourtant, les nappes phréatiques sont en contact direct avec les sous-sols puisque l’eau y pénètre. Comment penser que les échanges ne se font pas dans les deux sens et que les nappes ne se contaminent pas ?

Des solutions inadaptées

Pour faire face à la situation, TEPCo a envisagé plusieurs pistes. Elle a fait développer une station de traitement des eaux contaminées beaucoup plus performante que celle utilisée actuellement. Répondant au doux nom de "Alps", elle devrait retirer 62 radioéléments, contre deux actuellement (voir le document de présentation). Avec trois lignes pouvant traiter chacune 250 m3 par jour, elle espère pouvoir faire face à la situation. Mais, prévue initialement pour septembre 2012, l’installation n’est toujours pas fonctionnelle. Après quelques mois de test, la corrosion a entraîné des fuites minimes et, en juillet 2013, elle a dû être suspendue. Toujours du pas cher… et un nouveau report de 4 mois.

Cette station ne retirera pas tout et la contamination en tritium de l’eau traitée, de l’ordre de 1 à 5 millions de becquerels par litre, dépasse les autorisations de rejet fixées à 60 000 Bq/L. TEPCo veut donc diluer l’eau avant de la rejeter en mer... Obtiendra-t-elle les autorisations ?

La compagnie a aussi imaginé pomper l’eau souterraine en amont des réacteurs, avant qu’elle soit contaminée, pour la rejeter en mer. Elle espérait ainsi diminuer de 100 m3 par jour la quantité d’eau qui pénètre dans les réacteurs. Toujours cela de pris.

Lors d’un contrôle, TEPCo a mesuré du césium dans cette eau en amont, mais pas plus que ce l’on trouve dans l’eau des rivières. Les pêcheurs se sont opposés au rejet en mer et la situation est bloquée. Ils n’ont pas confiance en TEPCo, ce qui est compréhensible et légitime. D’autant plus que TEPCo s’y est reprise à trois fois avant de sortir un chiffre fiable. Pourquoi ne pas demander à un laboratoire tiers choisi par les coopératives de pêche de faire les contrôles dans les cuves tampon avant rejet en mer ? Que fait le politique à ce propos ? C’est pourtant son rôle. Un tel blocage aggrave les risques pour l’environnement.

Elle aussi commencé à injecter du silicate de sodium, ou verre liquide, dans le sol entre les réacteurs et la mer pour éviter les fuites en mer, pourtant officiellement inexistantes… En forant et en mesurant la contamination de l’eau souterraine, elle a découvert une contamination radioactive plus grave qu’imaginé.

Du déni à la reconnaissance officielle des fuites

Finalement, le 19 juin 2013, TEPCo a annoncé avoir détecté une très forte pollution radioactive dans un puits de forage situé à seulement 27 m du rivage. La contamination de la mer était inchangée. La compagnie a ensuite foré des puits supplémentaires à proximité. Les prélèvements dataient du 24 mai dernier et le résultat tritium du 31 mai, mais les résultats n’ont été rendus publics que 3 semaines plus tard. TEPCo reste TEPCo... et explique que la mesure du strontium prend du temps. C’est vrai, mais rien ne l’empêchait de donner les autres résultats plus tôt.

Dans ce puits, il y avait 1 000 Bq/L de strontium-90, particulièrement radio-toxique, ce qui ne manque pas d’inquiéter. Il y a aussi 500 000 Bq/l de tritium. Les données sont ici en anglais. On trouve aussi du ruthénium, en moindre quantité.

Les autres puits ont montré une contamination systématique de l’eau souterraine entre les réacteurs et la mer. Une surveillance plus serrée de l’eau de mer fait aussi apparaître une contamination en tritium qui monte jusqu’à 3 100 Bq/l. Bref, difficile alors de nier les fuites en mer… mais il faudra encore attendre un mois à TEPCo pour l’admettre.

Le 21 juin 2013, TEPCo publie un graphe, où l’on voit que la contamination de l’eau de mer en tritium dans le port dépasse les 100 Bq/l depuis le début de la catastrophe. En 2011, lors de la forte fuite en mer, la contamination était beaucoup plus élevée. On voit aussi une augmentation récente. Cela signifie que les fuites ont toujours existé ! Quant à la dernière mesure en strontium 90 dans l’eau de mer indiquée sur ce même document, elle date de novembre 2012 ! Cet élément est pourtant très radiotoxique.

Le 27 juin, la NRA, la nouvelle autorité de sûreté nucléaire mise en place en septembre 2012, reconnaît enfin qu’elle suspecte fortement des fuites en mer depuis les réacteurs inondés. Et d’ajouter qu’il est dangereux de supposer que l’eau ne fuit pas.

Mais, il faudra attendre le 22 juillet, lendemain des élections sénatoriale, pour que TEPCo finisse par avouer, du bout des lèvres, qu’il y a bien des fuites en mer. Elle est arrivée à cette conclusion parce que la hauteur d’eau dans les nappes varie avec les marées et les précipitations. Mais rassurez-vous, la pollution reste dans la baie, selon TEPCo, et ne va pas au large ! «  Les données sur l’eau de mer ne montrent pas d’augmentation anormale des taux de radioactivité  ». Il y a juste une pollution marine "normale"... Son document d’analyse, traduit en anglais, est disponible en ligne.

La variation des nappes phréatiques avec la marée prouve qu’il y a bien un contact entre l’eau souterraine contaminée et la mer. Ce fait est connu de TEPCo depuis janvier 2013, mais l’information n’est pas parvenue immédiatement au département environnement…

Le 26 juillet devant le tollé provoqué par son attitude, TEPCo reconnaît une « erreur de communication ». Elle ne voulait pas alarmer le public avec des hypothèses non confirmées…

Est-ce bien qu’une erreur de communication ?

Solutions inadaptées

Pour TEPCo, c’est la galerie souterraine, emplie d’eau contaminée, qui avait fui en avril 2011, qui fuit à nouveau, car le fond est en gravier. Cela ne vient pas des réacteurs…

L’eau de cette tranchée contient, entre autres, 750 millions de becquerels de césium 134 par litre, 1,6 milliard de becquerels de césium 137 par litre et 8,7 millions de becquerels de tritium par litre. Les résultats sont ici en anglais. Elle fait 5 000 m3. Il y aurait 6 000 m3 dans une autre tranchée voisine liée au réacteur n°3.

TEPCo a donc accéléré les travaux pour finir au plus vite sa barrière souterraine entre les réacteurs et la mer. Les ouvriers travaillent de nuit, à cause de la chaleur, dans des conditions très difficiles. Elle a organisé un voyage de presse pour montrer combien elle réagissait vite et bien… Elle compte aussi pomper l’eau de la tranchée, d’ici la fin août.

Mais on n’arrête pas un écoulement ! L’eau va contourner la barrière et rejaillir ailleurs. Cela ne fait que déplacer le problème. Pourquoi les autorités laissent faire ? De facto, le niveau de la nappe a commencé à monter (voir page 19 de ce document) et comme la barrière souterraine s’arrête à 1,8 m du niveau du sol, l’eau va passer par dessus. La pollution souterraine se déplace aussi. La contamination dans un puits, situé à 100 du bâtiment turbine du réacteur n°2 et à 55 m de la mer, a aussi soudainement augmenté.

Dans le puits 1-5, TEPCo a mesuré 310 Bq/l pour le césium 134 alors qu’il y avait 21 Bq/l la semaine précédente. Pour le césium 137, c’est passé de 44 Bq/l à 650 Bq/l. Quant à la contamination bêta totale, elle est passée de 1 200 Bq/l à 56 000 Bq/l.

TEPCo ne serait-elle pas en train d’aggraver les choses ?

L’autorité de sûreté nucléaire japonaise a ordonné à TEPCo de vider rapidement la tranchée mise en cause. Mais l’eau va revenir. Après la fuite massive en mer d’avril 2011, TEPCo avait déclaré qu’elle allait sceller le passage entre le bâtiment turbine et des galeries souterraines afin de prévenir toute nouvelle fuite. C’est même écrit noir sur blanc dans feuille de route datée du 17 avril 2011. Mais elle n’a rien fait, comme l’a découvert l’Asahi. TEPCo n’a commencé les études qu’après avoir « découvert » les fuites. C’est donc trop tard, et la compagnie met en avant des difficultés techniques comme pour se justifier.

De fait, l’eau contenue dans cette tranchée est stratifiée : il y a plus de pollution au fond que près de la surface. Pour le césium, qui s’amalgame aux particules fines, cela se comprend, mais pas pour le tritium qui reste liée à la molécule d’eau. Le fait qu’il y moins de tritium dans la partie haute, peut s’expliquer par le fait que l’eau y circule, contrairement à la partie la plus profonde. Ce qui signifierait que pomper, ne servirait à pas grand chose… « Il vaut mieux pomper même s’il ne se passe rien que de risquer qu’il se passe quelque chose de pire en ne pompant pas », disent les shadoks.

Un problème sans fin

Lors de la première réunion entre TEPCo et le groupe de travail ad-hoc mis en place par les autorités à propos des fuites en mer, la compagnie a dit que la quantité totale de tritium rejeté depuis mai 2011 est comprise entre 20 000 et 40 000 milliards de becquerels (20 et 40 TBq). Il est difficile d’évaluer une fuite souterraine et TEPCo ne donne pas d’explication. Ce chiffre est peut-être farfelu. C’est beaucoup moins que ce rejette annuellement l’usine AREVA La Hague. C’est aussi beaucoup que ce qui est prévu pour l’usine de "retraitement" de Rokkashô si elle est mise en service un jour. Mais c’est 10 à 100 fois plus qu’une centrale nucléaire en fonctionnement normal. TEPCo ne donne pas d’évaluation pour le césium et le strontium qui ont fui. Pourquoi ?

TEPCo estime à 50 GBq (50 milliards de becquerels) la quantité de tritium rejetée quotidiennement, ce qui correspond, comme par hasard, à la limite d’autorisation de rejet en temps normal. Elle ne donne pas de chiffres pour les autres radioélements.

Le gouvernement japonais, quant à lui, a estimé, à la louche, que 300 m3 d’eau contaminée fuient quotidiennement vers l’océan. Pour cela, il part du fait que 1 000 m3 d’eau souterraine transitent quotidiennement sous la centrale. On sait que 400 m3 pénètrent dans les sous-sols des réacteurs et sont pompés par TEPCo, qui voit sont stock augmenter jour après jour. Sur les 600 m3 restant, la moitié devrait aller dans la mer sans être contaminée et le reste le serait. Il reconnaît ainsi que la galerie du réacteur n°2 n’est pas la seule en cause et que les fuites peuvent venir de partout ! Le ministre a aussi déclaré que l’on ne pouvait pas exclure que les fuites en mer aient commencé dès les premiers jours de l’accident. Effectivement.

Le gouvernement va financer la mise en place d’une autre solution et le ministre prétend que la fuite d’eau radioactive en mer passera à 60 m3/j environ et qu’il ne sera pas possible de faire mieux. Le projet retenu, dont il avait déjà été question en mai 2013, est de geler le sol tout autour des quatre réacteurs accidentés pour empêcher l’eau d’entrer et de sortir. Il s’agit d’une technologie onéreuse, qui est utilisée temporairement pour creuser des tunnels de métro par exemple. Qu’en est-il à long terme sur une longueur de 1,4 km et une profondeur de 30 m ? Quelle énergie cela va consommer ? Evidemment, certaines compagnies se frottent déjà les mains... L’idée a été proposée par Kajima, une des majors du BTP, qui estime le projet à 30 à 40 milliards de yens (300 millions d’euros). Le gouvernement veut montrer qu’il agit, mais rien n’est décidé pour le moment. On n’en est qu’aux annonces suite à une crise. L’autorité de sûreté, quant à elle, attend de voir. C’est la première fois depuis le début de la catastrophe que le gouvernement s’engage et engage l’argent public ainsi.

En reconnaissant officiellement les fuites, le gouvernement prépare aussi l’opinion à la suite : des rejets en mer contrôlés, qualifiés d’inévitables par l’autorité de sûreté nucléaire japonaise.

Conclusion

Peut-on conclure ? Le fait que la centrale fuit en mer est une évidence depuis longtemps. TEPCo a refusé de voir l’évidence car elle n’a pas de solution et ses finances sont à sec. Ce stockage souterrain dans les galeries, tranchées etc est bien pratique car il permet de faire des économies de cuves. Alors, pas vu, pas pris. Quand l’ampleur des fuites a changé, TEPCo a dû se résigner à admettre les faits. Mais c’est trop tard pour agir, elle aurait dû le faire avant.

Cette pollution va venir s’ajouter aux rejets passés, retardant d’autant tout espoir de voir renaître les activités marines.

TEPCo qui, par le passé, n’avait pas hésité à falsifier des rapports de sûreté, reste TEPCo. Ces explications sur ses erreurs de communication ne sont pas recevables. Quand de la vapeur d’eau s’échappant du réacteur n°3 a été récemment découverte, TEPCo a immédiatement dit que c’était la pluie. Elle n’a pas attendu d’être sûre d’elle. Or ce n’était pas la pluie… Elle a reconnu par la suite qu’elle injecte 16 m3/h d’azote et qu’elle n’en récupère que 13 m3/h. Les 3 m3/h restant s’échappent par elle ne sait où. Et ces gaz sont radioactifs. (Voir page 11 de ce document en japonais).

Le rejet atmosphérique pour les trois réacteurs est de l’ordre de 10 millions de Bq/h (10 MBq/h). C’est ici en japonais. Il doit ne s’agir que du césium. Si l’on multiplie 24 h et 365 j, on arrive à presque 88 milliards de Bq/an (88 GBq/an). C’est beaucoup plus que les rejets aériens d’une centrale nucléaire en fonctionnement normal et même que les rejets aériens en césium de l’usine de retraitement de La Hague. Les graphes montrent que ces rejets sont stables depuis un an. TEPCo évalue l’impact sanitaire à la bordure du site à 0,03 mSv/an. Il n’est pas dit comment ils ont fait le calcul. C’est moins que ce qui dû à la contamination des sols au même endroit, mais ce serait jamais accepté pour une centrale en fonctionnement normal.

Le pire est peut-être devant nous. En cas de grave problème dans le stockage de l’eau contaminée, suite à un séisme par exemple, ce sera une nouvelle fuite majeure. La situation à la centrale reste très fragile : on se souvient qu’un rat a fait disjoncter 9 installations.

Mais TEPCo reste optimiste. Elle a publié une nouvelle version de sa feuille de route qui prévoit le retrait du corium (combustible fondu) à partir de 2020 pour les réacteurs 1 et 2, et 2021 pour le 3. C’est 18 mois plus tôt que pour la précédente feuille de route. On ne sait pas encore quel jour...



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